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20e sommet Chine – Europe à Pékin. La marginalisation de l’Union

Les non-dits d’un sommet marginal.

Documentée par un rapport de l’European Council for foreign relations signé par François Godement et Abigaël Vasselier « China at the gate », déjà cité par QC, la manœuvre de contournement de l’UE par l’Est, démentie par Li Keqiang à Sofia, exprime un atavisme par lequel un projet économique quel qu’il soit s’inscrit dans l’intention à long terme de la Chine d’augmenter sa capacité d’influence politique dans un pays ou un ensemble de pays.

Les cibles correspondent à une situation où Pékin a identifié une opportunité marquée par la faiblesse des finances locales, l’existence de projets d’infrastructure jugés indispensables, mais que les institutions financières locales, régionales ou mondiales sont réticentes à financer, en raison des incertitudes pesant sur la rentabilité des projets et les capacités du donneur d’ordres d’honorer ses créances.

Parfois une proximité géopolitique facilite la manœuvre. La note de contexte détaille l’exemple du viaduc de Moraca au Montenegro reliant le port de Bar sur l’Adriatique à la Serbie. Lire : Chinese ’highway to nowhere’ haunts Montenegro.

*

L’autre non-dit, mis à jour par la tenue simultanée à Helsinki de la rencontre Trump - Poutine ayant focalisé toute l’attention des médias, tandis que le sommet Pékin – Bruxelles est presque passé inaperçu, est le recul de l’influence de l’UE en Chine.

Finie l’époque où, en 2003, le projet de traité constitutionnel avait incité la Direction politique à rédiger un livre blanc sur ses relations avec l’Europe ; et où l’espoir de la naissance d’une structure politique européenne efficace pouvait laisser croire que l’Union deviendrait un contrepoids stratégique à Washington.

Après les cafouillages de Maastricht ayant donné l’image de la désunion récemment confirmée par le désarroi de la crise migratoire, Pékin est revenu au choix stratégique ayant sa préférence, d’une relation privilégiée d’État à État, avec Berlin (lire : Chine – Allemagne – Europe. Le grand malentendu.). A l’époque un premier rapport du Council of foreign relations mettait en garde contre le volontarisme d’une relation bilatérale Chine - Allemagne pouvant créer une fracture au sein de l’UE.

A Pékin en tous cas, on a intégré l’atrophie stratégique de l’Europe.

Le recul stratégique de l’Europe.

Dans un article paru dans « The Diplomat », le 9 juin dernier, le professeur Shi Zhiqin, Directeur du Centre des « nouvelles routes de la soie » à Qinghua écrivait que si l’Europe était un « géant économique », elle n’était qu’un « nain stratégique », tandis que ses capacités militaires resteraient encore longtemps « embryonnaires ».

Citant un des points durs à l’origine des craintes que la montée en puissance de la Chine inspire en Asie, il ajoutait que, contrairement à Washington qui cultivait une série de contentieux stratégiques et commerciaux avec Pékin, les efforts de Londres et Paris pour défendre la liberté de navigation en Mer de Chine restaient velléitaires. On ne peut mieux dire pour signifier que pour la Chine, l’Europe n’est pas un souci stratégique.

Le professeur Shi n’est certes pas allé jusqu’à écrire que l’UE n’était plus qu’un « ventre mou », attendant la « déferlante » des influences commerciales et financières chinoises, puisque son analyse identifiait clairement que la Chine et l’Europe n’étant pas rivaux sur les questions de « sécurité », Bruxelles ne cherchant pas dit-il comme Washington à freiner la montée en puissance de la Chine, les deux pouvaient coopérer pour réguler le commerce mondial, tout en cherchant le moyen de combattre les déséquilibre commerciaux.

Écrivant cela, Shi Zhiqin oubliait cependant qu’une partie importante de ces déséquilibres prennent précisément racine dans le respect à géométrie variable des lois du marché par la Chine.

Au-delà des points soulevés par Donald Tusk, rajoutons la non convertibilité du Yuan, les subsides publics aux entreprises d’État, la fermeture d’une dizaine de secteurs aux investissements étrangers, le contrôle strict du compte de capital et, à l’occasion, les réticences des entreprises chinoises à se conformer aux règles des appels d’offres, préférant un accord direct avec le donneur d’ordre sans la concurrence de tiers.

L’économie en appui de l’influence géopolitique.

Agissant non pas librement au gré des règles du marché, les groupes publics chinois expriment en réalité la puissance d’un capitalisme d’État dont, depuis Pékin, les commandes obéissent non pas aux seules logiques économiques et commerciales, mais à la somme des intérêts chinois.

Leur alchimie complexe renvoie à la fois aux exigences internes très prosaïques de la stabilité de l’emploi – le Parti affirme avoir créé, au cours des 5 dernières années, 13 millions d’emplois chaque année, tenant ainsi strictement, le chômage sous contrôle – ; elle fait aussi écho au vaste écheveau des priorités chinoises se nourrissant aussi du nationalisme, aujourd’hui attisé comme un adjuvant du pouvoir sans partage du Parti, corollaire du grand projet de « renaissance de la Nation chinoise – 国家复兴 – guojia fuxing – ».

Ses limites ne s’inscrivent plus dans le Droit international tel qu’il fut défini en 1945, mais à la fois dans la culture et l’histoire, éventuellement appuyées par la force ou la coercition dont la menace d’emploi est précisément légitimée par l’idée que l’actuelle direction chinoise se fait du mouvement de balancier de l’histoire.


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