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Au centième anniversaire du Parti, les grandes victoires de Xi Jinping

Dans son discours du 25 févier au Grand palais du peuple, célébrant la victoire du Parti sur la pauvreté, le Président Xi Jinping a rappelé ses efforts personnels et ceux de l’appareil pour améliorer le niveau de vie des campagnes et tenir la promesse de 2012 d’éradiquer la misère.

A cet effet, il a, dit-il, multiplié les inspections dans les régions reculées du pays, dégagé d’importantes ressources financières et mobilisé des milliers de cadres. Les résultats sont spectaculaires non seulement dans l’aménagement du territoire, mais aussi la hausse du niveau de vie moyen. Mais le compte n’y est pas. 40% de la population vit encore avec moins de 200 $ par mois et les écarts de richesse sont un important talon d’Achille social et politique.


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Voilà venu le temps de l’Assemblée Nationale Populaire, grand-messe politique du régime qui, l’année dernière, avait été retardée de deux mois par la contrainte épidémique.

En cette année du centenaire de la création du Parti, l’appareil, tout entier dans une posture combattante pour la promotion des « caractéristiques chinoises », affiche ses « victoires » qui légitiment son magistère et le bien-fondé de sa « gouvernance » dont l’essentiel repose sur l’efficacité bien réelle de l’appareil.

La « victoire » sur le virus de la Covid-19 déclarée en avril 2020, fut célébrée en grande pompe au Grand Palais du peuple, le 8 septembre suivant. Remettant des récompenses aux 1500 héros de cette bataille, Xi Jinping avait déclaré : « Après avoir rapidement triomphé dans la guerre populaire contre le coronavirus, nous sommes en tête de la reprise économique mondiale et de lutte contre Covid-19 ».

Le 25 février, toujours au Grand Palais du Peuple, Xi Jinping a présidé à la célébration d’un autre triomphe qu’il a qualifié de « miracle historique - 一个彪炳史册的人间奇迹 », celui de « l’éradication complète de la pauvreté 全面打赢脱贫 ».

A l’occasion, près de 2000 personnes et 1500 collectivités locales ont été honorées. Le communiqué de victoire exprimait la fidélité du n°1 à la promesse qu’il avait faite en arrivant à la tête du Parti en 2012.

Dans le discours fleuve qui a suivi il a rappelé qu’au cours des huit dernières années correspondant à son mandat à la tête du parti et de la Chine, 99 millions de Chinois ont été extraits de l’état de pauvreté extrême dans 832 districts et 128 000 villages ruraux.

Près de 10 millions de paysans ont été relogés dans des immeubles rénovés regroupés par une vigoureuse politique de refonte de la carte administrative et de regroupement des villages ruraux. « 合村并居, hécūn bìngjū – textuellement installation ou résidence 居 dans les villages fusionnés 合村“ ».

Le volontarisme politique a cependant parfois provoqué, sur fond de corruptions endémique, les effets sociaux pervers des expulsions forcées et des laissés pour compte, pas assez pauvres pour être aidés. Lire : L’aménagement du territoire à marche forcée. Urbanisation, terres arables et « villages consolidés. »

Entre l’image et la réalité, les doutes.

Ils sont encore nombreux en Chine à vivre de manière semi-précaire avec à peine 5 $ par jour.


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Sans nier les réussites sociales de l’appareil, nombre d’observateurs ne sont pas convaincus que la misère aurait disparu de Chine. Les internautes chinois non plus d’ailleurs. Certains s’étonnent en effet que, malgré le discours triomphal d’éradication de la pauvreté, l’appareil ait jugé nécessaire d’instaurer une « période de consolidation » : « Sommes-nous sortis de la pauvreté oui ou non ? »

Si on se souvient des déclarations du premier ministre Li Keqiang à la conférence de presse de l’ANP du 28 mai dernier où il faisait état de 600 millions de Chinois dont le revenu mensuel disponible n’était que de 1000 Yuan (155 US $), force est de conclure que l’affichage de la victoire est aussi une posture politique.

Cachant quelques fausses notes, la dissonance avec le constat du n°2 révélait aussi un tiraillement à la tête de l’appareil (sur les divergences au sommet, lire : Xi Jinping et Li Keqiang à couteaux tirés ? Un défi à la résilience de l’appareil ; sur l’ANP de mai 2020, lire : Les deux « sessions » d’une Chine à l’économie blessée et au nationalisme ombrageux).

Avec nombre d’experts, Eric Meyer auteur du site « Le vent de la Chine » (payant), note que « le seuil retenu de 4000 yuans annuels, soit 1,69 $ par jour est nettement en dessous des 5,50 $, seuil que la Banque Mondiale retient pour les pays à revenu intermédiaire comme la Chine ». Soit 165 $ par mois ou 1065 Yuan dont Li Keqiang disait en mai dernier qu’ils étaient les revenus de 40% des Chinois.

Au milieu des proclamations de victoire et en dépit des réels succès sociaux, fruits du travail des cadres et des efforts financiers de l’appareil, le constat ramène à la réalité de la Chine toujours classée au 70e rang mondial du PNB par habitant.

Eric Meyer cite aussi Wei Houkai, directeur de l’institut du développement rural de l’Académie des Sciences sociales : « La Chine est toujours un pays avec l’un des écarts de richesse rural-urbain les plus importants au monde ».

Enfin, « Le vent de la Chine » note le retour à une forme sévère de culte de la personnalité fond de tableau des célébrations du centenaire du parti : « En avant-goût, le Quotidien du Peuple avait publié la veille des célébrations un article de trois pages vantant les mérites du Président et mentionnant son nom pas moins de 139 fois. » (…) « Le message est clair : la pauvreté n’a pas été éradiquée sous Mao, sous Deng Xiaoping, ou Hu Jintao, mais bien sous Xi Jinping ».

Le pire n’est jamais sûr, mais, si on se souvient que Deng Xiaoping, artisan pragmatique du réveil du Vieil Empire après la succession de transes idéologiques maoïstes, avait mis en garde l’appareil contre les dangers du culte de la personnalité générateur de sévères rivalités internes, il est prudent d’observer la Chine, non seulement par la lucarne de ses exploits mis en scène par l’appareil, mais aussi en scrutant les symptômes de craquements au sein de la machine politique.

Sur les secousses de la révolution culturelle, lire : « Renverser ciel et terre » Une plongée saisissante dans la tragédie de la révolution culturelle.


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