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›› Editorial

De l’arrogance à l’inquiétude

L’ombre portée de la Chine inquiète l’ASEAN

Les réactions en Asie du Nord-est et au sein de l’ASEAN, dont les ministres de la défense se réuniront le mois prochain à Hanoi avec ceux de la Russie des États-Unis, de la Chine et de la Corée du Sud, restent discrètes et se gardent bien d’exprimer leurs craintes. Au point que certains assimilent leur réserve à un début de finlandisation sous l’ombre portée de Pékin. Mais, en sous main, les pays de la région, redoutant la mainmise univoque de la marine chinoise, comptent toujours sur le contrepoids de Washington pour tenir en respect les prétentions démesurées de Pékin.

A Zhongnanhai on est conscient que le nationalisme crispé, exprimé récemment par le Ministre des Affaires étrangères Yang Jiechi lors du dernier sommet de l’ARF Hanoi, le 23 juillet dernier, et repris dans la blogosphère - ils sont 70 millions de « blogueurs » à exprimer vertement le nationalisme nourri par le Parti -, véhicule le risque de ternir l’image de « puissance douce » que le Régime s’applique à accréditer. Le Bureau politique sait aussi que les inquiétudes des voisins de la Chine favorisent mécaniquement l’influence de Washington. De fait, récemment plusieurs personnalités de haut rang, dont Lee Kwan Yu, ont réaffirmé leur intérêt pour la présence de la marine américaine dans la région.

Tel est le fond de tableau qui explique une étonnante initiative diplomatique chinoise destinée à rejeter les accusations d’arrogance qui se multiplient dans la presse occidentale, dans un contexte où le Régime, par la voix des plus hauts dirigeants, exprime au contraire l’inquiétude d’une situation intérieure difficile, marquée par une longue collection de défis politiques économiques et sociaux : « en 2010, le pays affrontera une situation plus complexe, à l’intérieur, comme à l’extérieur. Chacun doit rester sérieux et concentré, tout en gardant au cœur l’angoisse que le pays ne se laisse distancer », Wen Jiabao, discours du Nouvel An chinois, 11 février 2010.

A la fin août, l’ambassadeur He Yafei, ancien vice-ministre des Affaires étrangères, aujourd’hui accrédité auprès de la délégation de l’Union Européenne aux Nations Unies - certains disent qu’il s’y trouve en disgrâce, après les tensions du sommet de Copenhague où il était le chef de la délégation chinoise - a réuni une cinquantaine de journalistes accrédités à l’ONU pour expliquer, en substance, que la Chine, aux prises avec de très graves problèmes internes, n’avait qu’une expérience internationale limitée, ce qui expliquait ses maladresses (Asia Times, 8 septembre 2010).

La Chine est avant tout préoccupée par sa situation intérieure.

Pékin, expliqua l’Ambassadeur, avait une priorité cardinale : la situation intérieure du pays qu’il fallait remettre en ordre. La tâche était ardue et devenait de plus en complexe, dans un monde globalisé secoué par la crise financière et la récession. Celles-ci avaient, quoi qu’on dise, aussi affecté son pays, avec une chute de 20% des exportations dans la seule province de Canton. Si le système financier avait mieux résisté qu’ailleurs, c’est bien parce que Pékin avait repoussé les pressions et contrôlé le flux des capitaux, au risque de gêner la croissance.

Mais au-delà, les soucis du Régime étaient surtout liés à la transition économique du pays, déjà à l’œuvre, mais dont le contrôle sera difficile. Il s’agissait en effet de continuer à créer chaque année près de 20 millions d’emplois, alors que, dans les campagnes, 120 millions de paysans étaient au chômage ou sous employés et que, dans le même temps, le déficit de main d’œuvre qualifiée handicapait les secteurs de pointe. La solution consistait à accompagner l’urbanisation accélérée du pays, pour aboutir, dans moins de 10 ans, à une population de 700 millions d’urbains.

Les mégalopoles nouvelles exigeraient non seulement de pharaoniques travaux d’infrastructure, des équipements de transport, de santé et d’éducation, des stations dépuration et des égouts ; mais également une adaptation du Hukou, le passeport intérieur, un système de taxes encore dans les limbes, des assurances maladie et des caisses de retraite. La tâche était si obsédante, ajoutait He Yafei, que les questions diplomatiques non directement liées à la sécurité économique, devenaient secondaires. Encore l’Ambassadeur s’est-il bien gardé d’évoquer la question de la réforme du système politique, dont de nombreuses voix assurent qu’elles sont aujourd’hui la condition indispensable à la réussite de la transition socio-économique du pays.

Faisant écho à la volonté de rassurer le monde sur les ambitions chinoises, Wang Jisi, spécialiste reconnu des États-Unis à l’Académie des Sciences Sociales prononçait, le 21 juillet dernier, une conférence à l’Université de Pékin sur les thèmes étonnants de l’identité de la Chine et des Chinois, complètement à contre courant des clichés sur l’arrogance : « Quel sorte de peuple devrions-nous être ? Quelle Chine devrions-nous construire ? ».


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