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›› Politique intérieure

Décès de Jiang Zemin. Héritage politique et contradictions

La longue bataille entre conservateurs et réformistes.

Un année après « le voyage dans le sud », Deng et Jiang manœuvrèrent pour écarter définitivement Qiao en le nommant au poste resté sans pouvoir de Président de l’ANP, au troisième rang protocolaire du régime et cul-de-sac politique.

Dans une analyse publiée le 8 décembre dernier par Nikkei Asia (site payant), KATSUJI NAKAZAWA raconte qu’il y a quelques années, une source fiable du parti lui avait confié qu’immédiatement après sa désignation à la tête du Parti, Jiang avait failli subir le même sort que ses deux prédécesseurs, relevés de leurs charges, victimes des harcèlements des conservateurs.

Mais les raisons en étaient radicalement inverses. Jiang, apparatchik parachuté de Shanghai, sans autorité réelle sur l’appareil, était empêtré dans un enchevêtrement clanique de factions rivales qui le paralysait. Talon d’Achille familial, il était gêné par l’histoire de son père collaborateur des Japonais, et avait dû pour sauver sa réputation implorer l’appui de Bo Yi-bo l’un des « Immortels  » de la saga maoïste, qui réclamait en échange l’appui de Jiang à son fils Bo Xilai.

Tandis que sa coopération avec le Premier Ministre Li Peng conservateur pur et dur, disciple de Chen Yun partisan d’une économie planifiée, rendait difficile l’application du programme prôné par Deng Xiaoping de desserrement de la chape dirigiste, ce dernier confia à son fils Deng Pufang une enquête qui révéla les blocages au sommet.

Le conseil qu’il donna à son père était de limoger d’abord Li Peng et, si nécessaire, d’étendre la purge à Jiang Zemin. La coup de balai brutal n’eut pas lieu. Pragmatique, Deng qui, après la mort de Mao, avait déjà fait réformer la constitution pour limiter à deux le nombre de mandats présidentiels avant de destituer deux réformateurs, évita d’aller plus avant dans l’affrontement direct et préféra relancer les réformes d’ouverture par son voyage dans le sud, trois années après la répression de Tian An-men.

Alors qu’à Pékin, les clans rivalisaient sous l’autorité hésitante de Jiang Zemin, le voyage à Shanghai, Shenzhen, Zhuhai et Canton du 18 janvier au 21 février 1992, sauva l’ouverture économique du pays. Ses formules fortes bien connues [1] libérèrent l’esprit d’entreprise des Chinois.

L’électrochoc réveilla aussi le sens politique de Jiang Zemin qui attaqua de front Chen Xitong, n°1 du parti à Pékin accusé de corruption et proche soutien de Li Peng.

La secousse politique aggravée par le suicide en avril 1995 de Wang Baosen, vice-maire de la capitale contribua à émanciper la « faction de Shanghai », future base politique de Jiang, sous l’égide de Zeng Qinghong, son bras droit, qui devint vice-président de la République de 2003 à 2008.

Alors que la santé de Deng Xiaoping déclinait, la faction de Shanghai s’imposa à la tête de l’appareil. Une année après le décès de Deng en février 1997, cinq mois avant la rétrocession de Hong Kong, la promotion en 1998, au rang de premier ministre de Zhu Rongji ancien maire de Shanghai de (1989 à 1991) artisan du développement spectaculaire de Pudong, infiniment plus souple que Li Peng, ouvrit la voie à l’accession de la Chine à l’OMC trois ans plus tard et à un cycle de croissance moyenne de 9% avec un pic de 14% en 2007, qui dura jusqu’en 2011.

Depuis cette année, elle faiblit. Tombée à +2,24% en 2020, elle a rebondi à +8% en 2021, avant de freiner à nouveau selon les dernières estimations du FMI, à seulement +3,2%.

Après la volte-face pragmatique de Deng, qui tourna le dos à l’idéologie révolutionnaire dont le dernier spasme chaotique fut la révolution culturelle (1996 – 1976) (lire : « Renverser ciel et terre » Une plongée saisissante dans la tragédie de la révolution culturelle), la répression de Tian An-men et l’élimination brutale de la mouvance prônant l’ouverture politique du Parti dont les acteurs les plus symboliques furent Hu Yaobang, Zhao Ziyang et Qiao Shi, la trame politique était fixée pour les quinze années suivantes.

Elle fut plus l’œuvre de Deng que de Jiang Zemin, qui n’a fait que la prolonger. Avec l’épine dorsale d’une ouverture socio-économique sévèrement contrôlée pour protéger la prévalence du Parti, elle donna naissance à une puissante classe moyenne, en même temps qu’à d’indécentes explosions de fortunes dont l’étalage dès le milieu des années quatre-vingt-dix a nourri la mouvance politique contraire des «  néo-maoïstes ».

Note(s) :

[1Le plus connu des slogans tournait le dos à la rigidité dogmatique des conservateurs, dont la plupart avaient analysé que les révoltes de Tian An Men étaient la conséquence du laxisme politique des réformateurs. « Peu importe qu’un chat soit blanc ou noir, s’il attrape la souris, c’est un bon chat (不管黑猫白猫, 捉到老鼠就是好猫) ». A Shenzhen, Deng incita les responsables à plus d’audace et à ne pas se comporter comme des femmes aux pieds bandés 改革开放胆子要大一些, 敢于试验, 不能像小脚女人一样.


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