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Du conflit commercial à la rivalité stratégique

La guerre commerciale tourne à l’aigre.

Spectaculaire et obsédante, régulièrement attisée par de nouvelles injonctions et menaces du Président américain, évoluant sans cesse d’un espoir de conciliation déçu à de nouveaux raidissements de la Maison Blanche, la guerre commerciale qui tourne à l’aigre, est aujourd’hui la pointe émergée de la rivalité stratégique opposant Washington et Pékin sur le mode de gouvernance, sur les tensions en mer de Chine du sud, la question de Taïwan et, récemment, à nouveau agitée par Donald Trump, la duplicité chinoise dans l’affaire nord-coréenne .

Le dernier épisode néfaste de l’empoignade autour du déséquilibre du commerce extérieur américain a eu lieu à l’occasion de la tentative exploratoire de Wang Shouwen la semaine dernière. Lire : Violence de la guerre commerciale et espoir de conciliation.

Au lieu de l’éclaircie espérée, la Maison Blanche a à nouveau agité le spectre d’un élargissement de l’éventail des produits taxés jusqu’à la valeur de 200 Mds de $, soit 50% de la valeur totale des exportations chinoises aux États-Unis en 2017. En même temps, Trump se réjouissait des nouvelles restrictions imposées aux investissements chinois aux États-Unis.

S’ajoutant à ceux du secteur des hautes technologies et de la finance où la Maison Blanche a récemment bloqué le rachat par Jack Ma de l’entreprise de transfert de fonds MoneyGram International Inc., interdisant aussi la tentative du Chinois Broadcom Ltd. de prendre le contrôle pour 117 Mds de $ du fabricant de microprocesseurs Qualcomm Inc., les nouvelles restrictions américaines bloquant les investissements chinois visent désormais les infrastructures et le secteur du contrôle des données privées.

En très fort contraste avec la déclaration du ministère chinois du commerce qui, le 24 août, parlait d’un « échange franc et constructif en attendant de nouvelles étapes », la rencontre s’est en réalité achevée sans déclaration finale, sans conférence de presse et sans la promesse d’un nouvel échange.

Tout se passe comme si, augmentant ses exigences au fil des mois, la faction dure des conseillers au commerce de la Maison Blanche représentée par Robert Lighthizer et Peter Navarro cherchait à imposer à la Chine une modification structurelle de sa vision des relations commerciales avec les États-Unis, avec le but connexe de rapatrier aux États-Unis, les entreprises de la chaîne logistique américaine expatriés en Chine.

Interconnexions et accommodements chinois.

A moyen terme, disent certains, se dessine le spectre épouvantable pour les deux, évoqué par quelques experts, en réalité très improbable compte tenu de leur dépendance réciproque, d’un assèchement des échanges et, pour Washington, le risque également hypothétique que la Chine se mette en quête d’autres marchés pour ses exports. Mais la réalité est moins simple.

L’interconnexion des deux économies est telle que le spectre de la rupture commerciale est improbable. La Chine aura du mal à trouver un autre marché aussi souple, articulé à l’emprunt des consommateurs américains, moteur de sa propre croissance et pourvoyeur de hautes technologies nécessaires à sa modernisation ; tandis que les entreprises américaines de microprocesseurs, de l’aéronautique, de l’automobile et des machines de chantier qui s’ajoutent aux fermiers producteurs de soja et de viande – souffriraient beaucoup de la fermeture du marché chinois.

S’il est une modification de structure des échanges que Washington tente d’imposer c’est bien celle de supprimer l’obligation de co-entreprise imposée aux investisseurs étrangers dont tous les critiques disent qu’elle est le canal privilégié de la captation de technologies par la Chine. Peu à peu, cédant aux critiques, Pékin se conforme à ses promesses d’ouverture.

Le 9 juillet dernier un premier geste significatif, mais qui ne concernait pas une entreprise américaine, fut d’autoriser en présence de Li Keqiang et d’Angela Merkel, la signature à Berlin, entre Martin Brudermueller le PDG du géant chimique allemand BASF et Lin Shaochun vice-gouverneur de Canton d’une lettre d’intention pour la construction à l’échéance 2030 et pour 10 Mds de $ d’une usine géante à Zhanjiang sans obligation de co-entreprise.

Un fois mené à bien, coup de pied de l’âne chinois favorisant les intérêts européens en Chine plutôt que les américains, le complexe pétrochimique qui comptera aussi un vapocraqueur produisant de l’éthylène et fabriquera à terme des produits de consommation courante pour le marché chinois, sera le plus important investissement de l’histoire du groupe allemand et son 3e site après celui de Mannheim – Ludwigshafen en Allemagne et celui d’Anvers en Belgique.

Employant 2000 personnes, il sera aussi le premier site chimique totalement intégré échappant à une co-entreprise avec les géants chinois du secteur Sinopec et Sinochem dont le centre de gravité industriel se trouve à l’autre bout de la Chine, dans le Nord-est. Il est impossible de sous estimer à quel point le geste contournant les intérêts et la puissance de 2 grands groupes publics, est capital pour Pékin n’ayant jusqu’à présent, du moins à ce niveau, autorisé que des co-entreprises à partenariats 50/50.

*

L’autre concession de Pékin, encore plus significative, compte tenu de la sensibilité politique du secteur et de l’épargne chinoise surveillée par Pékin comme l’huile sur leu, est la levée au plus fort de la guerre commerciale, le 23 août dernier des limites des investissements étrangers dans le secteur bancaire et dans les institutions financières de défaisance des dettes toxiques.

Selon une déclaration de la Commission de régulation bancaire et conformément à une promesse de novembre 2017, désormais les organismes financiers étrangers à la Chine seront traités à la même enseigne que les opérateurs chinois, sans limitation de leurs investissements dans le secteur financier.

Là aussi, et même s’il y a loin de la coupe aux lèvres, il est impossible de sous estimer l’effort d’ouverture consenti par Pékin dans un secteur où jusqu’à présent la part étrangère est restée négligeable. Voir à ce sujet notre article d’avril 2018 qui rendait compte à la fois de la promesse d’ouverture de Yi Gang, nouveau Directeur de la Banque Centrale et de la portion congrue laissée jusqu’à présent aux investisseurs étrangers du secteur. Lire : Ouverture financière et contrôle politique.

Après la confirmation de Xi Jinping en avril dernier, certaines banques étrangères sont déjà sur les rangs. En mai, le Suisse UBS est devenue la première banque de rang international à solliciter de hausser sa participation de 25% à 51% dans la co-entreprise conclue avec un opérateur chinois, baptisée « UBS Securities – en Chinois 瑞银 证券 - rui yin zhengquan ».


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