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›› Editorial

L’apaisement de l’APEC et les hésitations du destin

Photo : Aung San Suu Ki et Barack Obama au domicile de l’opposante birmane le 13 novembre à Rangoon, en marge du sommet de l’ASEAN.

La route est longue vers l’apaisement.

Les contentieux sont toujours là et les sujets ne manquent pas qui pourraient faire dérailler la diplomatie.

Depuis les contrastes entre les visions américaine et chinoise des relations internationales qui touchent également aux tensions au Moyen Orient avec Téhéran et Damas et à l’est de l’Europe avec Moscou, jusqu’aux coups de boutoir répétés de la Chine pour détrôner le rôle du dollar, en passant par la compétition des vastes projets commerciaux et les revendications de souveraineté en mer de Chine du Sud. A quoi s’ajoutent les prises de position répétées de la Maison Blanche en faveur des manifestants de Hong Kong ou encore l’irritation de Pékin excédé par les alliances militaires de Washington avec Tokyo, Manille et Taïwan.

Le Japon, rival de Pékin en Asie du Sud-est.

S’il fallait des exemples concrets des terrains d’achoppements à venir on les trouverait déjà dans les prises de position des acteurs du sommet des chefs d’État et de gouvernement de l’ASEAN réunis à Naypyidaw au Myanmar du 12 au 14 novembre, immédiatement après l’APEC.

Dans un contexte où dans cette « arrière cour » historique de la Chine qu’est le sud-est asiatique l’empreinte commerciale japonaise à récemment doublé, le Premier Ministre Shinzo Abe a promis l’équivalent de 43 Mds de $ d’aide à l’infrastructure, (routes, voies ferrées, centrales électriques non polluantes, infrastructures portuaires résistantes aux catastrophes naturelles), autant de plates-bandes dont la Chine s’était fait une spécialité et que le Japon piétine systématiquement.

Une partie de cette somme sera consacrée à l’aide au Myanmar où, après l’ouverture du régime à l’ouest, Pékin tente de reconquérir ses positions anciennes. 2,7 Mds de $ ont été dégagés par Tokyo pour annuler la dette de Naypyidaw et 1,5 Mds de $ seront dédiés au financement d’une centrale électrique et d’une zone industrielle, à quoi s’ajouteront la remise à niveau du réseau de distribution électrique et l’aide aux PME.

Surtout, une autre partie des crédits sera dédiée à l’aide – entraînement et équipements – aux marines des pays comme les Philippines et le Vietnam impliqués dans des controverses territoriales avec Pékin.

Par contraste, la réaffirmation du Premier Ministre Li Keqiang selon laquelle la Chine ne transigerait pas sur ses droits souverains en Mer de Chine du sud, sonne comme une mise en garde et dresse déjà un sérieux obstacle sur le chemin du « Code de Conduite », objectif n°1 de l’ASEAN que tous les participants appellent de leur vœux, mais que Pékin qui ne veut pas se lier les mains, tarde à endosser. Lire à ce sujet : Conflits de souveraineté en Mer de Chine du Sud. Code de conduite.

Les irritantes leçons américaines de morale démocratique...

Il est aussi évident que les injonctions de bonne gouvernance assénées par le n°1 américain aux dirigeants birmans sur l’absence de réformes constitutionnelles qui barre la route du pouvoir à Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la Paix comme Barack Obama, et la longue et ostensible visite de ce dernier au domicile de l’opposante au régime sous les caméras de la planète, auront également exaspéré la Chine qui plaide pour la non ingérence et se plaint des intrusions américaines répétées dans la situation à Hong Kong.

…et les perturbations nationalistes des politiques intérieures.

Mais les plus vastes chausse-trapes sur la route de la normalisation des relations entre la Chine, les États-Unis et le Japon, pourraient aussi être creusées à l’intérieur. Aux États-Unis, une partie des Républicains qui contrôlent le Congrès sont opposés aux compromis avec la Chine et prônent le durcissement des alliances militaires pour freiner l’annexion de la Mer de Chine par Pékin. Déjà, des critiques diminuent la portée de l’accord bilatéral sur le climat présenté comme une concession inutile et sans portée réelle.

La mer de Chine du sud « Intérêt vital » chinois.

En Chine, il faudra compter avec le sentiment national exacerbé attisé par le régime lui-même qui gênera toute concession avec le Japon sur les îles Senkaku ou sur la question de la Mer de Chine, que le régime, prisonnier de sa propre rhétorique, présente comme faisant partie de ses « intérêts vitaux », une appréciation qui hérisse les riverains, le Japon et les États-Unis.

A ce jour l’APL qui a installé une base de sous-marins stratégiques à Haïnan et considère la mer de Chine du sud comme une mer intérieure est en effet l’une des plus grandes bénéficiaires des tensions dans la région.

Toute la presse spécialisée chinoise présente la marine et l’armée de l’air modernisées à grands renforts de crédits et de transferts de technologies, comme les « fers de lance » de la bataille contre les ennemis de la Chine, au Japon et ailleurs. Les articles font écho aux récents discours de la direction du régime sur le caractère agressif des unités militaires américaines dans la zone.

Les hésitations du destin.

Un fois de plus la situation stratégique de la région hésite entre apaisement et durcissement militaire. Quand les États-Unis, héritiers de la victoire de 1945 sur le Japon aujourd’hui sous contrôle, prétendent jouer les arbitres des controverses en Mer de Chine de l’Est et du Sud, la Chine également inquiète de la montée en puissance du Japon, les accuse d’ingérences militaire et politique, porteuses de chaos.

Mais cette fois, les enchevêtrements de tensions du Pacifique occidental sont soumis à une occurrence nouvelle portée par l’accord sur le Climat entre Washington et Pékin, dont personne ne peut nier qu’il diffuse, malgré ses imperfections et ses compromis, un parfum nouveau de « gouvernance mondiale », dont chacun aura remarqué qu’il a pris de court les Nations Unies et Ban Ki Moon.

L’autre incidence et non des moindres qui pèse sur la situation dans le vaste Pacifique occidental est qu’elle est, pour l’instant, passée au deuxième plan des préoccupations de la Maison Blanche. Au moment même où la logique stratégique du Pentagone envisageait une bascule vers l’Est et un désengagement hors des vieilles ornières conflictuelles de l’Europe et du Moyen-Orient, voilà que les bruits de ferraille insistants en Irak, en Syrie et en Ukraine ramènent l’Amérique au cœur de tensions où se mêlent la résurgence de réflexes de guerre froide et la carte sauvage du terrorisme islamique radical.

Au-dessus de cette effervescence s’agitent deux leviers aux effets contraires.

Le prosélytisme dogmatique de Washington…

D’une part l’Amérique sûre de son bon droit et de sa mission prosélyte que les élites semblent incapables de remettre en question.

L’observation est le sujet du dernier livre de Francis Fukuyama « Political order and political decay » avec un sous-titre : « From the Industrial revolution to the globalization of democracy » qui mérite attention. On y lit notamment que, même si « l’économie américaine reste une source miraculeuse d’innovations, la gouvernance aux États-Unis est loin d’être une source d’inspiration pour le monde (…). La décadence politique y est en effet plus avancée que dans d’autres démocraties qui se sont montrées capables de s’adapter aux circonstances nouvelles du monde. (…) ».

Fukuyama ajoute que la souplesse dans ce domaine est plus difficile pour les Américains qui considèrent leur constitution « comme un texte quasi religieux » et tiennent toute remise en question des « Pères fondateurs » pour un « blasphème ».

…et l’habileté tactique de Poutine.

La deuxième occurrence qui pèse sur la situation globale au point qu’elle occulte presque tout le reste, est la maîtrise tactique de Poutine qui tire habilement avantage des divisions de l’Union européenne, de la faiblesse congénitale de sa défense et des lourdes maladresses de l’OTAN pilotée par le Pentagone et la diplomatie américaine.

Une inconnue subsiste pourtant dans ce jeu de poker menteur : que pèse l’alliance sino-russe dans la stratégie chinoise de modernisation en partie calibrée par le modèle américain qui, pour nombre d’intellectuels chinois, est à la fois un modèle et un repoussoir ? Mystère.

Sans lui conférer plus d’importance qu’elle n’en mérite, et pour conclure par un peu de légèreté, on rappellera une des images de l’APEC qui fit le tour du net chinois avant que la censure ne la supprime. Alors qu’à la table officielle du banquet organisé dans le « cube de glace », le stade nautique hérité des JO de 2008, Xi Jinping et Obama discutaient en apparence de manière détendue par le truchement d’un interprète officiel du Waijiaobu, un peu à l’écart, Poutine s’entretenait avec Madame Xi Jinping, la belle Peng Liyuan chanteuse populaire à succès et général de l’APL.

Un moment, constatant que sa charmante interlocutrice avait froid, Poutine lui posa une couverture sur les épaules. S’étant levée pour manifester sa gratitude, Pen Liyuan se rassit et, sans attendre, retira la couverture pour la donner à un de ses assistants. Le maître du Kremlin est coutumier de ces attitudes courtoises, dont il a également gratifié Angela Merkel. Mais cette fois son geste est tombé à plat. On aimerait être doté de « grandes oreilles » pour savoir comment le n°1 chinois et son épouse ont commenté l’incident.


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