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« La société chinoise est une société de basse confiance. »

Des réseaux fermés où les étrangers pénètrent rarement

Photo : En septembre 2012, la Caisse des Dépôts et la China Development Bank avaient confié à Cathay Capital Private Equity la gestion d’un fonds commun franco-chinois pour les PME de 150 millions d’euros.

Question : Et est-ce que l’on a malgré tous des exemples, sans citer de noms, d’investisseurs étrangers qui ont réussi à pénétrer ce microcosme. On dit souvent que lorsque l’on ne nait pas chinois, on ne devient jamais chinois, est ce ça veut dire que c’est complètement fermé, même pour les investisseurs ?

Stéphane Grand : C’est un réseau complètement fermé. L’erreur est de croire que de l’extérieur il est possible de comprendre et de pénétrer ce réseau. Certains tentent de le faire par leur épouse chinoise. Mais ça ne fonctionne pas toujours.

Ça peut marcher pour des coups ponctuels, mais en fait, le système ne peut fonctionner que si la partie chinoise estime qu’elle contrôle toute la procédure. Et les gens ne sont contrôlables que lorsqu’on les comprend. Or les étrangers sont incompréhensibles aux chinois, comme les chinois le sont aux étrangers. Dès lors la présence d’un étranger, même marié à une chinoise risque de devenir un handicap.

Le contrôle s’effectue par des liens familiaux et par les liens dits du Guanxi ; c’est-à-dire, lorsque l’on a accès à quelqu’un qui a plus de puissance au sein de la société chinoise que la personne que l’on souhaite contrôler. Cette circonstance offre la possibilité pour le plus puissant, « d’excommunier » la personne subordonnée en l’excluant de son Guanxi, ce qui lui faire perdre son rang dans l’échelle sociale très hiérarchisée.

La menace est extrêmement forte, et les entreprises étrangères ne peuvent en jouer. Aucune entreprise étrangère n’a eu accès à des financements grâce à ce Guanxi. Ça n’existe pas.

Un problème de confiance

Question : N’est-ce pas également un problème de confiance envers les sociétés étrangères, renforcé par des cultures qui s’opposent et donc qui peuvent entrainer des clashs. Les occidentaux accusent souvent les chinois de fraude et ont une confiance vraiment minimum, qu’en est-il des partenaires chinois ?

Stéphane Grand : La société chinoise est de toute façon une société de basse confiance, où personne ne fait confiance à personne. Tout le monde agit donc d’une manière défensive en permanence. Elle s’oppose sur ce point très nettement avec les sociétés occidentales, qui sont des sociétés de haute confiance où l’on va accepter de travailler sur la base d’un contrat, sachant que s’il n’y a pas exécution de ce contrat, on pourrait aller en justice. Dans la société chinoise, on sait que s’il y ait une mauvaise exécution d’un contrat ou d’un accord, les chances d’obtenir des actions en justice sont extrêmement limitées.

Du coup, quand une entreprise étrangère vient en Chine et cherche de l’investissement auprès de banques chinoises ou de fonds d’investissements chinois, la première chose qui passe à l’esprit de votre interlocuteur ne seront pas les termes du contrat, les assurances et les cautions, mais l’identité du créancier. S’il s’agit d’un étranger qui va quitter la Chine, le banque estime qu’elle prend un risque.

Améliorer la gestion du fond roulement. Emprunter à l’étranger

Question : Alors comment faire, si on est une entreprise étrangère ?

Stéphane Grand : Souvent, les entreprises étrangères se financent sur des fonds propres, ou par des emprunts à l’étranger.

Question : Comment SJ Grand peut intervenir un petit peu dans ce genre de processus. Est-ce que vous arrivez quand même à trouver des solutions pour certaines entreprises ou votre rôle n’est-il que de faire comprendre que justement les financements ne sont pas possibles ?

Stéphane Grand : Nous agissons en plusieurs niveaux. Il y a dans le cabinet une compétence qui nous permet de guider les entreprises étrangères dans leurs business plan, dans la façon dont elles vont planifier leurs activités, et donc, d’évaluer de manière plus sûre leurs besoins de financements de démarrage. Ainsi, elles ne seront pas dépendantes d’un prêt qu’elles n’obtiendront jamais.

D’autre part, nous avons une activité dédiée, où nous avons développé des systèmes pour l’optimisation du besoin en fond de roulement. La faiblesse des fonds de roulement tue beaucoup d’entreprises étrangères en Chine, car les financements rapides et faciles sont impossibles.

Les fournisseurs réclament des paiements rapides, tandis que les clients tentent d’étaler leurs factures. Par ailleurs, le coulage dans les stocks est très supérieur à celui observé à l’étranger. A quoi s’ajoutent toutes sortes de problèmes techniques de qualité de la main d’œuvre ou de la qualité des machines ou de l’approvisionnement en électricité etc., qui peuvent vous conduire à perdre du temps dans la production. Tout ces facteurs augmentent le besoin en fonds de roulement, un capital immobilisé
dans la société.

Nous analysons toutes les fonctions de la société, de la fonction achat, à la production en passant par de la branche commerciale. La synthèse des problèmes et opportunités nous permet souvent de réduire la taille du fond de roulement immobilisé. C’est une façon de se financer avec ses propres fonds qui a l’air extrêmement simple, mais très difficile à réaliser en Chine, quand on ne sait pas comment le système fonctionne exactement.

Propos recueillis par Thibaud André, consultant pour un cabinet de conseil à Shanghai.


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