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›› Editorial

Le « battement des contraires » du « 道 », décryptage métaphysique des mouvements du monde ? Pas si vite

Washington sur la sellette.

Au cours de ces trois circonstances, les commentaires des observateurs et des participants ont tous focalisé, non seulement sur l’instabilité de la situation internationale mais aussi sur le déséquilibre provoqué par le changement de pied de l’Amérique en Europe et en Asie, où les capitales réfléchissent toutes plus ou moins ouvertement à de nouvelles orientations stratégiques moins dépendantes des États-Unis dont chacun se demande s’ils ne sont pas en train d’abandonner leur rôle global.

Plus encore, à Singapour et à Astana, Moscou et Pékin ont, dans l’attente du voyage du président chinois à Moscou prévu après le G.20 à Hambourg les 7 et 8 juillet prochains, réaffirmé leur solidarité, y compris face à Washington.

Lors de la conférence de Singapour qui réunissait 32 pays et 500 délégués, après que les représentants chinois aient réaffirmé leurs droits « inaliénables » en mer de Chine du sud et rappelé leur approche qu’ils disent « pacifique » des questions de souveraineté où, pourtant, Pékin ne ménage aucun espace de négociation aux riverains, le Général Alexandre Fomin, envoyé de Moscou a clairement renchéri dans le sens de Pékin.

Insistant sur les arrières pensées pacifiques de la Chine, il a sévèrement accusé les États-Unis d’avoir déstabilisé le Moyen Orient, laissant entendre qu’en Asie ils pourraient également être des fauteurs de guerre autour de la péninsule coréenne et en mer de Chine du sud. Pour finir il a, se ralliant à la Chine, réitéré l’opposition de Moscou au déploiement du système anti-missiles THAAD en Corée du Sud.

*

A côté du changement de pied de Washington, fond de tableau des trois événements, d’autres prémisses de réajustement se sont manifestés entre la Chine, l’Inde et le Pakistan, et entre Pékin et Tokyo, avec l’autre arrière plan ominiprésent de la menace terroriste.

Sous la surface d’autres mouvements se dessinent passés sous les radars des médias. Eux aussi participent des lents réajustements tectoniques du monde. La présence à Astana le 9 juin de Narendra Modi alors que son pays avait boudé le séminaire des routes de la soie à la mi-mai à Pékin et n’était représenté à Singapour que par son ambassadeur, marquait certes l’admission en fanfare de l’Inde dans le cercle étroit des pays de l’Organisation de Coopération de Shanghai, comptant désormais 8 pays avec le Pakistan.

Mais elle fut aussi l’occasion à 15 jours de la visite prévue le 25 juin du premier ministre indien à Washington, d’une explication franche avec le président Chinois autour de la controverse du « Corridor Pakistanais » segment des routes de la soie dont la partie nord emprunte le « Cachemire historique » revendiqué par New-Delhi [3] et dont l’emprise qui s’allonge de la mer d’Arabie au sud à la frontière chinoise, est fréquemment la cible de terroristes islamistes ou d’insurgés qui réclamant l’indépendance du Baloutchistan.

Lire aussi Le Pakistan, premier souci stratégique de Pékin. Les faces cachées de l’alliance.

La menace de l’Islam radical.

L’autre fil rouge courant également d’un continent à l’autre, fut la question de l’extrémisme religieux à l’origine du terrorisme islamiste qui frappe l’Asie à des degrés divers. Sont touchés le Grand Ouest chinois, sur un mode localisé pour l’instant contrôlé et, en revanche, de manière insistante, directe et très meurtrière, l’Afghanistan et le Pakistan, avec des répliques sporadiques à Mindanao aux Philippines et des risques de radicalisation de certains groupes religieux clairement identifiés en Indonésie et en Malaisie.

Le terrorisme au Pakistan inquiète Pékin.

Le sommet d’Astana révéla aussi des tensions sous-jacentes entre Pékin et Islamabad autour de la sécurité du « corridor » chinois au Pakistan. Quand, le 20 avril 2015, Xi Jinping avait, lors de sa visite officielle à Islamabad promis d’injecter 46 milliards de $ dans le projet titanesque reliant la mer d’Arabie au sud du Xinjiang, il l’avait fait contre l’assurance que l’armée pakistanaise assurerait la sécurité des Chinois dans la province instable du Baloutchistan, arrière-pays du port de Gwadar et partie du très sensible flanc sud de la Chine.

Or, peu avant le sommet d’Astana, on apprenait par Xinhua que deux citoyens chinois avaient été enlevés et assassinés dans la très instable région de Quetta régulièrement harcelée par des terroristes islamistes. Résultat, le président Xi Jinping a exprimé sa colère en évitant l’entretien avec le premier ministre pakistanais Nawaz Sharif.

Passé inaperçu dans la presse occidentale, l’incident relayé par les médias russes et indiens ne remet certes pas en cause les liens entre Islamabad et Pékin. Mais il exprime le souci grandissant des dirigeants chinois face à la menace terroriste et leur agacement à l’égard de l’incapacité d’Islamabad à venir à bout des Taliban pakistanais. Le doutes allant parfois, à l’instar des Occidentaux, jusqu’à soupçonner les services secrets pakistanais d’entretenir des liens troubles avec les mouvances terroristes.

C’est peu dire que la direction chinoise, elle-même aux prises avec des menaces terroristes au Xinjiang par le truchement de l’ETIM (East Turkestan Islamic Movement) soutenu par les Taliban pakistanais, s’inquiète de la récente reprise des attentats au Pakistan, malgré les vastes opérations de nettoyage menées par l’armée depuis 2014 avec l’appui des États-Unis dans le nord du Waziristan près de la frontière afghane englobant la zone de Quetta. Depuis janvier 2017, plus de 300 personnes ont été tuées et près de 800 blessées par des attentats terroristes au Pakistan.

Parmi les plus meurtriers, citons l’attentat de Shewar Sharif, le 13 février, 150 km au nord de Karachi qui fit 89 morts et plus de 440 blessés ; celui de Parachinar sur la frontière afghane, à 140 km à l’est de Kaboul (25 morts et 100 blessés) et celui du 12 mars à Mastung au Balutchistan (28 morts, 40 blessés). Tous les trois sont situés le long de la partie Ouest du « corridor chinois. »

Le 15 février dernier, Daud Katthak éditeur de Radio Free Europ financée par le Congrès des États-Unis signait un article dans The Diplomat où, à titre personnel, il mettait en garde Islamabad. Rejoignant les arrière-pensées chinoises, il enjoignait aux responsables pakistanais de « s’attaquer plus directement à la menace terroriste. » Ajoutant en substance que si l’armée pakistanaise continuait à procéder en demie teinte comme elle l’a fait durant les 15 dernières années, les chances que la communauté internationale lui prête assistance resteront faibles.

Pékin est d’autant plus préoccupé qu’en novembre 2015, le général Fan Changlong, premier militaire chinois, n°2 de la CMC, s’était rendu à Islamabad pour discuter avec ses homologues pakistanais de la sécurité du Baloutchistan. Lire notre article : Fan Changlong n°1 de l’APL au Pakistan.

*

Enfin, en attendant d’autres évolutions, une dernière plongée dans les profondeurs en mouvement de la situation stratégique de la région ébranlée par la nouvelle attitude de la Maison Blanche repliée sur ses intérêts domestiques, conduit à observer les contacts discrets entre Tokyo et Pékin, également peu documentés par les médias.

Note(s) :

[3L’Inde continue à revendiquer tout le Cachemire, dont une partie - l’Aksai Chin et la vallée de Shaksam - est réclamée et actuellement contrôlée par Pékin, tandis que le Gilgit-Baltistan et l’Azad Cahemire au nord sont contrôlés par le Pakistan.

Au sud se trouve la zone du Jammu-et-Cachemire contrôlée par l’Inde mais revendiquée par Islamabad. A l’est de cette zone, vaste comme 3 fois la Belgique, le Ladakh (3000 m d’altitude en moyenne) qui jouxte l’Aksai Chin contrôlé par Pékin, est le théâtre de fréquents incidents de frontières entre Pékin et New-Delhi. Lire notre article : Les crispations territoriales ternissent la visite de Xi Jinping en Inde.


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