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›› Editorial

Le « battement des contraires » du « 道 », décryptage métaphysique des mouvements du monde ? Pas si vite

Yang Jiechi à Tokyo et la rémanence américaine

Lors du séminaire de Singapour sur la sécurité en Asie la ministre de la défense japonaise Tomomi Inada sembla approuver la menace inacceptable pour pékin de frappe préventive contre Pyongyang exprimée par Trump (« toutes les options sont sur la table ») ; elle formula les mêmes vues inquiètes que le Général Mattis à propos des intentions chinoises, accusant Pékin de bousculer le statuquo, de multiplier les incursions dans les eaux japonaises et de militariser les îlots en mer de Chine du sud.

Pourtant seulement trois jours avant ces accusations contre Pékin, Yang Jiechi, le responsable des Affaires stratégiques chinoises, ancien ambassadeur aux États-Unis, ayant préséance protocolaire sur Wang Yi le ministre des Affaires étrangères, était à Tokyo.

Au milieu des raidissements militaristes du Japon, la visite anticipait un rapprochement sino-américain sur la question coréenne, signalait un subtil changement de la stratégie japonaise à l’égard de Pékin.

Le 28 mai, veille de l’arrivée de Yang Jiechi à Tokyo, un article du South China Morning Post, considérant la nouvelle option autocentrée de Trump, lançait un ballon d’essai conseillant au Japon d’opérer son propre « pivot » et de se rapprocher de la Chine.

Déjà Toshihiro Nikai, vice président du parti de Shinzo Abe et un des contacts de Yang Jiechi à Tokyo avait, lors de son passage à Pékin à la mi-mai, exprimé à Xi Jinping la volonté du Japon de dialoguer avec Pékin sur la question nord-coréenne et de participer aux « routes de la soie » dont les perspectives furent déblayées par la disparition de Trans Pacific Partnership.

Ce n’est pas la première fois que Pékin et Tokyo tentent un rapprochement ni la première visite au Japon de Yang Jiechi ancien ministre des Affaires qui avait déjà rencontré Shinzo Abe à plusieurs reprises. Mais c’est la première fois depuis longtemps que le Japon craint une bascule américaine en faveur de Pékin dans l’espoir nourri par Washington d’une meilleure collaboration de la Chine contre Pyongyang.

Par effet mimétique et souci japonais de ne pas être pris à contrepied par une bascule stratégique américaine, la circonstance permettra t-elle, un rapprochement significatif entre les deux voisins, 2e et 3e économies mondiales ?

Compte tenu des lourds contentieux, culturels, historiques et territoriaux entre les 2, il est permis d’en douter. Il y a dix ans, à la veille de la visite Tokyo du Premier ministre Wen Jiabao qui, déjà, tentait un rapprochement après 7 années de tensions exacerbées en 2004 et 2005, Questionchine faisait le point des rancoeurs entre les deux. Lire Relations Chine-Japon. Les non-dits de l’irrationnel.

Après une accalmie de deux ans, les tensions reprirent de plus belle en 2010. Depuis, elles n’ont pas cessé, aujourd’hui aggravée par l’affirmation inflexible du magistère chinois en Asie du sud-est et en Asie de l’Est. Lire : Les braises mal éteintes des rancoeurs sino-japonaises.

*

Il faut se rendre à l’évidence, ces deux contraires là ne sont pas solubles en dépit de leurs économies remarquablement complémentaires. Leur rivalité pour le magistère en Asie ne s’éteindra pas et il est peu probable que l’un accepte de céder la prévalence à l’autre. Les mêmes tensions couvent, on l’a vu entre New-Delhi et Islamabad et entre l’Inde et la Chine portant les poids de deux grandes cultures antinomiques. Entre Moscou et Pékin, rapprochés par la connivence anti-américaine, la rivalité latente est inscrite dans l’histoire et la géographie.

La concurrence larvée couvant en Asie Centrale entre Moscou ancienne puissance dominante héritière de l’URSS et la Chine déployant à coups de milliards ses projets d’infrastructures et d’hydrocarbures, s’est récemment exprimée à l’occasion de l’admission au sein de l’OCS de l’Inde et du Pakistan.

Pour bloquer l’entrée de son rival indien au sud du Tibet, Pékin avait fixé comme condition d’entrée : 1) des « relations cordiales avec les autres partenaires » et 2) la signature du TNP, que New-Delhi, « proliférateur nucléaire », en froid avec le Islamabad ne pouvait remplir.

Moscou ayant insisté, Pékin imposa en réponse l’entrée du Pakistan dont, au passage, la stratégie trouble à l’égard des groupes terroristes contrevient radicalement à l’un des objectifs de l’OCS inscrits dans la lutte contre « les trois perversions que sont l’extrémisme, le séparatisme et le terrorisme » que les Chinois de plus en plus conscients des menaces séparatistes au Xinjiang appuyées par le terrorisme islamiste, répètent par le slogan « 打击恐怖主义,分裂主义和极端主义 résumé en “打击三恶” ».

L’inévitable coexistence des contraires.

Enfin, à l’étage supérieur, dans un avenir prévisible, au moins en Asie, aucun des deux « contraires » Chinois ou Américain dont il faut rappeler que la relation heurtée est enfermée dans le corset de la dissuasion nucléaire, n’est en mesure de remplacer l’autre.

Sur la question coréenne devenue une priorité majeure de Washington avec qui Kim Jong-un cherche un traité de paix bilatéral, la carte américaine est incontournable ; en mer de Chine du sud, elle est le contrepoids auquel se raccrochent tous ceux qui réfutent les exorbitantes ambitions territoriales de Pékin ; à Taiwan enfin, l’Amérique reste un facteur de respiration de la vie politique de l’Île. Abordant le dilemme avec discernement et pondération, Washington maintient en vie la seule véritable démocratie du monde chinois.

En dépit de la puissance financière et commerciale projetée par des projets d’infrastructure et d’énergie, le long des routes de la soie, pour la majorité des pays d’Asie du sud-est, la montée en puissance de la Chine et ses vastes insistances territoriales apparaissent comme une menace ; à l’inverse, la réalité oblige à dire que, contrairement au Moyen Orient, la prudence de Washington appliquée, depuis Carter et Kissinger, à développer les meilleures relations possibles avec Pékin, dessine de la présence américaine une image plus proche de celle d’un arbitre des tensions que de celle d’un fauteur de troubles.

Toutes ces raisons font qu’en Asie, le balancier du « Dao » hésite.

Il semble donc bien que, pour longtemps encore et en dépit des tentations de repli stratégique de Donald Trump, la première puissance maritime de la planète maintiendra sa présence dans ces zones du Pacifique occidental où elle est défiée par son rival chinois devenu la première puissance continentale. La zone qui est celle de l’intérêt stratégique direct de Pékin, est aussi celle où, depuis la guerre du Pacifique, Washington a acquis une incontestable légitimité. Celle-ci se renforce au gré des tensions en Corée, en mer de Chine du sud et autour de Taïwan.


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