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Le Parti à l’épreuve de la démocratie

« The End of the CCP’s Resilient Authoritarianism ? A Tripartite Assessment of Shifting Power in China » est le titre d’un article de Cheng Li, Directeur de recherche à la Brookings de Washington, publié en septembre dans la très prudente et très académique revue China Quaterly de Londres. Il mérite attention.

Connu pour ses analyses de la classe politique chinoise, à la fois très fouillées et mesurées, soigneusement documentées à partir de sources de première main, Cheng Li, enfant de la révolution culturelle à Shanghai, émigré au Etats-Unis en 1985, Docteur en Sciences Politiques de l’Université de Princeton, pose clairement la double question de la démocratisation du régime politique chinois et de la survie du Parti à la tête de la Chine.

Réfutant les analyses qui, prenant appui sur les contradictions de l’appareil communiste, spéculent aussi sur l’effondrement de la Chine, dont la trajectoire, quoique heurtée et aujourd’hui notablement freinée, est néanmoins solidement ancrée dans un mouvement ascendant d’ouverture au monde irréversible, il avance en revanche, avec Zhang Lifan et d’autres intellectuels chinois que le Parti Communiste Chinois est aujourd’hui confronté à de sérieux risques menaçant son magistère.

La force de l’élan démocratique

Tout l’article, long d’une trentaine de pages, s’inscrit en faux contre la théorie, relayée par quelques sinologues et bon nombre de journalistes, observateurs de la Chine, que le Parti, seul au pouvoir, qui mélange compétence, souplesse, intelligence de la situation, capacité de consensus et autoritarisme, est doué d’une force de résilience qui lui permettra de rester indéfiniment au pouvoir, au moins pour « l’avenir prévisible », comme l’écrit Richard Mac Gregor, ancien correspondant du Financial Times à Pékin, dans son livre « The Party », publié en juin 2010.

Au passage, Cheng Li récuse également l’idée, souvent répétée par les observateurs étrangers que la démocratie ne serait pas une valeur chinoise, à quoi il oppose un récent sondage réalisé par le Global Times, surgeon du Quotidien du Peuple, selon lequel 63,6% des Chinois interrogés n’étaient pas opposés à une démocratie à l’occidentale. Dans sa réfutation, il reçoit l’appui de Zi Zhongyun 资中筠, une autre intellectuelle chinoise, ancienne responsable des études américaines à l’Académie des Sciences Sociales.

Dans un livre publié en Chine, Zi n’hésite pas à taxer les conservateurs chinois d’obscurantisme, mengmeizhuyi - 蒙昧注义 - quand, à la remorque de Wu Bangguo, le Président l’ANP et n°2 du régime, ils expliquent que les soi-disant valeurs universelles de la démocratie ne sont en réalité qu’un complot occidental contre la Chine. Pour faire bonne mesure, elle met tout particulièrement en garde contre les dérives nationalistes qui excusent les injustices sociales et policières au nom de l’intérêt supérieur de la Nation.

Elle fait également observer que, dans l’histoire centenaire de la démocratie et de la construction constitutionnelle d’un état de droit en Chine, les conservateurs n’ont cessé de gloser sur la particularité de la civilisation chinoise pour résister aux influences de l’Ouest. Lire aussi La cinquième modernisation.

ChengLi renvoie aussi aux nombreuses déclarations de Wang Yang, Li Yuanchao et Wen Jiabao, les trois dirigeants politiques chinois les plus ouverts aux idées libérales, qui, depuis 2010, défendent des positions politiques qui vont au-delà de « la démocratie intra-parti » prônée par la nomenklatura. A cet effet, ils ont répété à plusieurs reprises le caractère universel des valeurs qu’ils défendaient, telles que l’indépendance de la justice, les élections libres au-delà des villages et le pouvoir de contrôle des assemblées sur les politiques publiques, qui sont parmi les marqueurs les plus significatifs de la démocratie.

Enfin, l’article cite Yu Keping, 俞可平,Directeur du Département de l’innovation politique à Beida, chercheur associé à la Kennedy School of government de Harvard, auteur de « La démocratie est une bonne chose », qui enfonce le clou : « il serait une erreur de croire que la Chine peut se contenter de la démocratie intra-parti au lieu d’une authentique démocratie sociale au bénéfice du peuple qui suppose non seulement des élections locales, mais également générales ».

Ces idées sont relayées, y compris au cœur même du système politique chinois, à l’Ecole Centrale du Parti, par le professeur Wang Changjiang, 王长江 en charge des stratégies de renforcement du PCC, qui met en garde contre la portée insuffisante de la démocratie intra-parti, citant notamment les émeutes de 2008 et 2009 dans les zones ethniques et les fréquents soulèvements de la société civile, avec laquelle le pouvoir entretient des relations heurtées et instables : « la démocratie ne peut plus attendre ».

Ayant ainsi clairement posé l’urgence d’avancer vers une démocratie réelle, sous peine d’un risque politique majeur pour le Parti, pouvant se matérialiser par des révoltes de la base rejetant globalement tout l’appareil – « les Chinois, artisans du miracle économique, ne s’arrêteront pas aux portes de la démocratie » -, Cheng Li s’applique ensuite à démonter systématiquement la thèse sur la résilience du Parti et sa capacité à se maintenir au pouvoir.

Il développe son argumentation en mettant l’accent sur la faiblesse des élites, du gouvernement et du Parti, et à l’inverse sur le poids des corporatismes et la force des factions, dans un contexte où, en dépit des fragilités de l’appareil, les bases du développement de la Chine restent cependant solides.

A l’appui de sa vision d’une classe politique entre les mains des factions rivales qui la paralysent, affaiblissent la gouvernance et condamne le Parti à l’immobilisme, Cheng Li cite le constat de l’appareil lui-même publié le 1er juillet dernier, dans le Quotidien du Peuple : « il n’a jamais été aussi urgent de juguler les problèmes internes au Parti qui handicapent sa capacité à gouverner le pays. (…) Il est vital de corriger le laisser aller, l’incapacité, le fossé avec les masses et la corruption rampante ».


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