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Le Parti à l’épreuve de la démocratie

Faiblesse des élites et puissances des factions

S’il est vrai qu’il reconnaît que les élites chinoises en charge de la direction du pays ont souvent plus d’expérience politique que leurs homologues d’autres pays, à la tête de grandes municipalités ou de provinces aux dimensions considérables, Cheng Li souligne aussi que l’opacité de la sélection vers le sommet permet le népotisme, familial ou factionnel, qui crée une fragilité d’autant plus grave que l’ascension s’accompagne souvent de corruptions et d’achats de charges, spécialités de ceux qui n’ont pas suffisamment de « guanxi ».

Avec Wang Yu Kai, professeur à l’Académie de gouvernance, il pointe aussi du doigt les diplômes dont se prévalent aujourd’hui les cadres du Parti, qualifiés par Pei Minxin de « vaste tromperie », obtenus en marge de leurs fonctions, par correspondance ou en cours du soir à l’Ecole du Parti : « en examinant tous ces diplômes obtenus par des cadres déjà anciens, on ne peut que s’interroger sur leur validité ».

Mais il y a plus. L’ancienne forme de pouvoir par un dirigeant charismatique a laissé la place à un système où le Secrétaire Général ne peut que « gérer » l’équilibre des factions, au nom du partage des responsabilités, de la lutte contre l’arbitraire et de l’obligation de consensus.

L’équilibre et le consensus s’expriment aujourd’hui au sommet par une rigoureuse égalité du nombre des représentants des deux grands courants. L’un, dit « élitiste », adepte des réformes économiques et d’une croissance forte, politiquement plus conservateur, ancré sur la côté Est et Shanghai, l’autre d’essence sociale et progressiste, chantre de la cohésion sociale et de la justice, ancré dans l’arrière pays.

A la longue, cette « symétrie factionnelle » a transformé l’équilibre des contrepoids, où chaque proposition trouve systématiquement son contraire, en un dangereux immobilisme. Au point que plusieurs intellectuels considèrent la période de pouvoir du couple Hu-Wen, comme une « décennie perdue. »

Cheng Li ajoute que la future équipe de dirigeants chinois - Xi Jinping l’élitiste, issu du clan des « fils de princes », également enraciné dans le fief élitiste de Shanghai et Li Keqiang le progressiste, ancien n°2 au Henan, puis n°1 au Liaoning, issu de la Ligue de la Jeunesse – sera encore plus faible, tiraillée par l’escalade des rivalités et paralysée par le poids des factions au moment de décisions cruciales. Dans un système de pouvoir, où les deux clans du parti unique protègent également une longue liste d’intérêts contradictoires, les solutions aux grandes questions économiques et de société tardent en effet à être mises en œuvre.

Une gouvernance faible face au poids des corporatismes

Les difficultés du gouvernement et du Parti se lisent aussi dans la plus grande fragilité des liens de confiance entre les autorités, obsédées par l’exigence de stabilité sociale qui pousse à la répression et au quadrillage de la société et la nouvelle société civile, issue d’une classe moyenne montante, dont l’appui inconditionnel au Parti n’est plus, comme par le passé, garanti au nom des progrès rapides accomplis au cours des 30 dernières années.

Irritée par une série de problèmes politiques qui s’ajoutent aux difficultés économiques, à la vie chère et au coût exorbitant des logements, la classe des urbains de plus en plus jalouse de ses droits, accepte mal la censure, les injustices, le chômage des jeunes diplômés, et, surtout, les dérapages éthiques de l’oligarchie, dont l’affaire Bo Xilai a offert un spectacle accablant. Nombre de chercheurs ont déjà mis en garde contre les nervosités de la classe moyenne qui pourrait, si le pouvoir n’y prend pas garde, commencer à nourrir des dissidences organisées.

En même temps, le pouvoir se montre incapable de contrôler les provinces, criblées de dettes toxiques et de mettre au pas les grands groupes publics du capitalisme d’état, engagés de manière obsessive dans des projets immobiliers spéculatifs et dont les officiels aux compétences limitées, mais connectés au pouvoir, sont les plus gros bénéficiaires de la croissance, tandis qu’une partie du peuple est laissée pour compte.

L’inégalité des situations dans le tissu des entreprises, où les grands groupes publics tiennent toujours le haut du pavé, est d’ailleurs un marqueur significatif des blocages et des écarts de développement dans le pays, en même temps qu’une des causes première d’un schéma d’allocation de ressources inadapté aux besoins réels de la société.

Une étude conduite par un groupe de chercheurs chinois a montré que le total des bénéfices enregistrés par les 500 plus grandes entreprises privées chinoises était inférieur aux seuls revenus de China Mobile et de Sinopec, dont la puissance est due non pas à leur bonne gestion – leurs retours sur investissement est 2 fois plus faible que celui du secteur privé -, ou à leur capacité d’innovation peu encouragée par le bureaucratisme qui les protège, mais uniquement à leur situation de monopole.

Le poids du secteur public que le gouvernement ne parvient pas à réduire, tant il est protégé par l’oligarchie, entraîne également le mauvais aiguillage des ressources financières, à l’origine d’intenses gaspillages. Chen Zhiwu, économiste à l’Université de Yale observe que seulement 25,5% des finances publiques étaient investies dans le système de santé, les retraites et l’éducation, tandis que 38% étaient encore consacrés à l’administration, alors qu’aux Etats-Unis, le poids des engagements publics dans ces deux domaines est respectivement de 70% et 30%.


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