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Un public chinois moins en phase avec l’Amérique.
Peut-être faut-il voir dans la lourde gravité de la dernière version de Mulan une des raisons pour lesquelles le film n’a pas entièrement touché sa cible.
Se situant quelque part entre deux publics, dit encore Vivienne Chow, la gravité des caractères désenchante les plus jeunes, tandis que l’évidente crainte de la censure produit des pudeurs que les adultes jugent anachroniques.
Ce n’est pas tout. La mauvaise appréciation publique de 4,9 sur 10 du site Douban.com 豆瓣, le réseau social le plus influent de commentaires littéraires, cinématographiques et musicaux traduit probablement que le public n’apprécie pas la disparition de figures emblématiques de la légende, éliminées au profit de personnages rajoutés, même s’ils ont la puissance évocatrice de Gong Li.
« Voilà la preuve que les Américains ne savent pas raconter une histoire chinoise » dit un commentaire. « S’il vous plaît messieurs les Américains ne touchez pas à la culture chinoise. Vous n’y comprenez rien. Je ne vois que préjugés et arrogance ».
Le pire dit Vivienne Chow est cette incompréhension de ce qu’est réellement le « Qi ». Le film donne le sentiment que les réalisateurs ont confondu l’élément métaphysique de l’énergie universelle avec l’ingrédient d’un art martial.
Et ce jugement brutal que tous les artistes du 7e art qui lorgnent à toute force le marché chinois devraient méditer : « Walt Disney s’est contorsionné à l’extrême dans l’espoir de faire sensation en Chine. Le résultat est épouvantable. » (…)
« Oubliant ce qu’il savait faire le mieux, ayant apporté tant de joies au monde, Disney succombant à l’appât du gain, tente d’être ce qu’il n’est pas » (…) « Hollywood tirera t-il la leçon de ce fiasco ? Probablement pas, aussi longtemps qu’il continuera à mendier l’argent de l’Empire du milieu ».
Très néfastes interférences politiques.
Les ennuis volant toujours en escadrille, à côté des déconvenues de l’audience chinoise, le film a télescopé les avalanches de critiques internationales qui ciblent la Chine pour ses actions contre les Ouïghour au Xinjiang et pour la récente mise aux normes de la R.A.S de Hong Kong où le Parti, inquiété par le surgissement d’une pensée politique de rupture, vient de tuer le schéma « un pays deux systèmes ».
Le 10 septembre dernier, Christine McCarthy, responsable financière de Disney reconnaissait lors d’une conférence de presse à la Bank of America que les interférences politiques avaient créé des « problèmes ».
Avant la première en Chine, a surgi une polémique provoquée par la révélation que certaines scènes avaient été tournées au Xinjiang, dont plusieurs localités comme Turfan, située à 150 km à l’est d’Urumqi, dont les policiers et leurs chefs ont été placés par Washington sur une « liste noire » des organisations passibles de sanctions américaines pour violation des droits des Ouïghour.
Résultat, sur les réseaux sociaux à Taïwan et à Hong Kong le mot-clé #BoycottMulan s’est propagé comme une trainée de poudre. En quelques jours, la contagion fulminante du « Net » a propagé la campagne en Europe et aux États-Unis.
Après l’accueil mitigé en Chine, les publics occidentaux pourraient eux aussi considérer la dernière réalisation de Walt Disney avec moins d’empathie que les précédentes. Surtout qu’à la mi-août 2019 alors que les manifestations contre l’extradition prenaient de l’ampleur à Hong Kong, Liu Yifei, l’acteur vedette avait exprimé son soutien à la police de la R.A.S, ponctuée d’un message sur Weibo « Quelle honte pour Hong Kong ».