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›› Politique intérieure

Le sens caché du procès édulcoré de Bo Xilai

La difficulté d’éliminer un dangereux brûlot.

L’image de l’ancien SG de Chongqing où son passage a été apprécié par une partie notable de la population porte toujours un projet politique qui sent le souffre, articulé autour du culte de la personne et de l’autopromotion en même temps que sur l’illusion d’une voie chinoise d’essence populiste.

Le message néo-maoïste de Bo Xilai véhiculait en effet l’espoir qu’un homme providentiel pourrait redonner vie au mythe révolutionnaire des origines de la République Populaire en s’exonérant d’une modernisation politique à l’occidentale avec séparation des pouvoirs et droit de regard des assemblées sur les politiques publiques.

A Chongqing, dans toute la Chine il avait séduit une part importante de la population laissée pour compte par la brutalité de la croissance et qui, en l’écoutant, s’était remise à rêver de la « prospérité partagée » dont parlait la propagande maoïste. Certains hauts gradés de l’APL avaient été sensibles à son message. On comprendra que cette incidence politique qui renvoie à la survivance d’un mouvement fortement teinté de populisme dont se réclame l’accusé ne facilite pas la tâche du tribunal et du Parti.

Bo Xilai, cible des réformateurs.

Mais pour les réformateurs conscients de l’exigence de relations plus transparentes et plus ouvertes avec la société civile sur nombre de sujets qui vont de la lutte contre la corruption et la pollution à la liberté d’expression, en passant par l’encombrement des hôpitaux et le statut des migrants, le projet de Bo Xilai à Chongqing ne pouvait être qu’une tentative politique dangereuse, articulée autour du schéma régressif de la manipulation des foules d’autant plus à proscrire qu’un partie de la classe politique chinoise continue à la considérer comme efficace, au point que quelques symptômes de ces stratégies articulées autour de l’appel aux masses, ponctuées d’injonctions morales, resurgissent aujourd’hui avec une vigueur renouvelée.

Pour Wen Jiabao qui l’avait pris en grippe et avait, avec Wu Yi, pesé pour qu’il soit exilé à Chongqing en 2007 après son poste de ministre du commerce, la Chine avait besoin non pas d’un sauveur charismatique et providentiel, mais d’un État de Droit, d’ouverture politique et de transparence.

C’était d’ailleurs le thème d’une dépêche de Xinhua publiée le 28 septembre 2012 qui, après avoir rappelé les crimes de Bo Xilai avec une violence qui tranche avec le ton mesuré du tribunal de Jinan, réaffirmait la détermination de l’appareil, fermement résolu à lutter contre le fléau de la corruption et à mettre à bas sans faiblir ceux qui s’exonèrent de la discipline et des règles de « bonne gouvernance, selon les préceptes du Droit », pour construire une administration « propre, purifiée, capable d’innovation et d’une vision correcte du monde et du pouvoir ».

Dès lors, on comprend pourquoi le procès de Jinan constitue un très sérieux embarras pour l’appareil. Et pourquoi il a présenté l’image policée et édulcorée d’une pièce de théâtre pré-écrite, dont le but était de ne heurter ni l’image du Parti ni les fervents adeptes de la « nouvelle gauche » qui à Chongqing et en Chine avaient cru aux méthodes de Bo Xilai.

Pourtant il ne fait pas de doute que, pour la classe politique chinoise l’accusé dont les crimes sont à ce point sulfureux qu’il est impossible de les nommer sans endommager la réputation du Parti ou sans être accusé de fomenter une cabale contre un homme politique populaire, reste un sérieux brûlot qu’il convient de juger sévèrement afin de le tenir définitivement à distance.

Le dissident Ai Wei Wei qui juge que le Parti est éthiquement et philosophiquement trop diminué pour faire face à une authentique transparence, a eu cette formule imagée pour décrire le cas Bo Xilai et son procès : « c’est comme une tumeur placée trop près de la carotide. On ne peut pas l’ignorer, mais le traitement chirurgical est dangereux ».

Le résultat paradoxal de cette contradiction où, pour ménager sa réputation et les suiveurs de Bo Xilai, le Parti est contraint d’édulcorer les accusations, est exprimé par Bo Zhiyue chercheur à l’Université Nationale de Singapour – qui n’est pas un parent de Bo Xilai - : « logiquement il n’y a aucune évidence sérieuse contre Bo Xilai. Si au vu de ces charges assez minces on le sanctionne sévèrement la crédibilité du tribunal sera remise en question. Mais si on le libère, quel responsable chinois pourrait “gérer“ un Bo Xilai libre dans l’actuel paysage politique de la Chine ». (Reuter).

Mais il est également certain qu’une sanction trop légère affaiblirait la campagne anti-corruption de Xi Jinping et sa promesse de s’attaquer aux poids lourds du Parti. Pour cette raison, mais aussi et surtout pour toutes celles évoquées plus haut, à Pékin on s’attend généralement à une sanction exemplaire en dépit d’une procédure d’accusation pour le moins timide qui laissa dans l’ombre l’essentiel de ce que l’appareil reproche au fils de Bo Yi Bo.

Quoi qu’il en soit, le verdict, qu’il soit sévère ou modéré, apportera de nouveaux indices sur l’état des forces politiques en présence et sur la détermination ou non de l’appareil à entamer une réforme politique, clé de la modernisation de la Chine.


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