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›› Taiwan

Nankin : une rencontre inédite aux conséquences incertaines

Prudences existentielles des Taïwanais

L’inconvénient est qu’à Taipei l’ambiance n’est pas tout à fait aussi enthousiaste. Certes les politiques taïwanais et notamment ceux du Parti indépendantiste savent bien que, compte tenu des liens tissés depuis 2008 avec des échanges commerciaux à 200 Mds de $, l’explosion du nombre de vols vers le Continent et presque trois millions de touristes chinois dans l’Île en 2013, un retour aux provocations des années Chen Shui Bian serait politiquement suicidaire avant même d’être stratégiquement irréaliste.

Mais, au-delà des spéculations sur une improbable rencontre entre Xi Jinping et Ma Ying-jeou à Pékin lors du sommet de l’APEC en novembre prochain, dont la réunion de Nankin aurait pavé la route, la réalité est qu’une majorité de Taïwanais est fermement opposée à l’idée de réunification avec la Chine, tandis que 90% se disent, soit satisfaits de l’actuel statu-quo (66%), soit favorables à l’indépendance (24%), tandis que seulement 7% souhaitent une réunification avec le Continent (source : sondage conduit par l’Institut TVBS à Taïwan en octobre 2013).

Même un Ma Ying-jeou en fin de mandat débarrassé des soucis électoraux n’aurait pas le pouvoir de prendre le contre pied de la volonté des Taïwanais, tant il est vrai que le Yuan législatif devenu omnipotent a installé de puissants contrefeux qui annuleraient toute manœuvre intempestive décidée sans son accord. Dès lors, si on se souvient qu’historiquement la légitimité du Parti Communiste se nourrit aussi de la perspective de réunification, devenue un projet politique irrévocable, il est raisonnable de s’interroger sur la marge de manœuvre encore disponible pour une négociation politique qui aurait à prendre en compte des convictions identitaires aussi divergentes.

Logiquement donc, la rencontre de Nankin a été appréciée pour ce qu’elle est : un signe indiscutable de l’apaisement dans le Détroit et une tentative chinoise pour ouvrir la voie des négociations politiques avec un président taïwanais soucieux de son image historique. Pour les uns elle fut considérée comme l’ébauche d’un mécanisme d’échanges plus efficace pour des relations normalisées.

En arrière pensée chez les plus sceptiques à Taipei il y avait cependant l’idée que la porte ouverte était sans issue, tant les positions de fond des deux parties sont éloignées. Surtout, au-dessus des espoirs soulevés par la rencontre, surnage l’héritage de la guerre froide avec la persistance de la menace des missiles de l’APL pointés sur l’Île. Cette réalité que beaucoup préfèrent édulcorer transformerait aussitôt tout homme politique taïwanais acceptant une concession sur la souveraineté en paria politique, affublé de l’image d’un félon ayant accepté de céder au chantage militaire de Pékin.

Priorité aux questions consulaires

Dans ce contexte bridé par le contrôle pointilleux du Yuan législatif, l’attachement irrépressible des Taïwanais à leur différence et la nervosité du Parti communiste tout à la fois hanté par la catastrophe que constituerait pour sa légitimité une dérive indépendantiste de l’Île et pressé de tirer partie de la bonne volonté de Ma Ying-jeou, rien d’étonnant que l’essentiel des pourparlers de la visite qui dura quatre jours, ait été dédié à la solution de problèmes qui dépassaient rarement le niveau de questions consulaires.

On a donc évoqué l’ouverture à Taipei et à Pékin de bureaux de l’ARATS et de la SEF, l’assurance médicale des étudiants taïwanais, le droit pour les représentants de l’Île de visiter les Taïwanais en prison sur le Continent, à quoi s’ajoutèrent des questions plus politiques comme l’accueil en Chine des correspondants du journal taïwanais Apple Daily interdit pour son ton trop critique à l’égard du régime chinois.

La Chine sûre d’elle-même sur le long terme

Il reste que, même quand on s’applique à les éviter, les questions de souveraineté qui transparaissent dans l’obsession des appellations ne sont jamais bien loin. A cet égard, il faut signaler que la presse taïwanaise – très à cheval sur les titres - a signalé que lors de l’étape de Shanghai consacrée à la visite de l’Académie des Sciences Sociales, le n°2 de l’Académie, Centre de recherches officiel du régime, avait qualifié Wang de « Directeur des affaires continentales de la région de Taïwan ». Ce qui a obligé l’envoyé taïwanais à une mise au point à l’usage de l’opinion publique de l’Île où il a rappelé que durant toutes les entrevues son appellation officielle avait été « Monsieur le Ministre ».

Au total, des deux côtés, ce qui domine c’est la conscience des difficultés sur la route des négociations politiques. A Pékin, les médias officiels sont restés laconiques, tandis que les chercheurs se montrèrent prudents. Jia Qingguo professeur de relations internationales à Beida insista à la fois sur l’importance symbolique de la rencontre et sur le fait qu’elle n’apporterait que des améliorations modestes.

Laissant entendre que rien ne modifierait la trajectoire de la Chine, même si Pékin manquait le rendez-vous de la « fenêtre d’opportunité » de Ma Ying-jeou, il ajoutait que, vu du Continent, on attachait dans l’immédiat plus d’importance à l’accélération de l’intégration économique. « La réunification restant l’objectif du long terme. »

Pour l’heure, la Direction politique à Pékin est en effet persuadée que le temps est son allié. Qu’il s’agisse de Ma ou de son successeur, le Parti a la conviction que le moment viendra inéluctablement où Taïwan, confrontée à l’ampleur incoercible des relations économiques, sera obligée de faire face à l’aspect politique de la question.

Photo : Après la réunion de Nankin, les spéculations vont bon train sur une rencontre improbable entre Xi Jinping et Ma Ying-jeou, lors du sommet de l’APEC à Pékin en novembre 2014.


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