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Nouvelles « Routes de la soie » et stratégies indirectes chinoises

Une vaste manœuvre enveloppante.

Les nouvelles routes de la soie terrestres sont au moins triples : Par le Moyen Orient, par l’Ukraine et par la Sibérie. Ces nouvelles connexions vers l’Europe permettront à la Chine et aux acteurs étrangers (dont Hewlett Packard, Volkswagen, Mercedes et Adidas) d’éloigner les centres de production de la côte Est. L’Asie Centrale deviendra une plaque tournante. (Source : solidariteetprogres.org)

La manœuvre indirecte dont l’ampleur globale est remarquable, ne s’appuie pas seulement sur les routes commerciales terrestres. Elle enveloppe aussi le Moyen Orient et le continent eurasiatique par les anciennes routes maritimes qui, aujourd’hui encore, permettent le transit de 90% des conteneurs entre la Chine et l’Europe.

Appuyée sur une vaste stratégie financière, contrepoids aux dominations univoques du FMI, de la Banque Mondiale et de la Banque Asiatique de Développement, elle propose une perspective de coopération avec l’Asie du sud-est, l’Asie Centrale et les pays d’Europe Centrale et Orientale que Shanon Tiezzi, ancienne élève de Harward et de Qinghua, auteur prolifique de la revue « The Diplomat », n’a pas hésité à qualifier de « Plan Marshall chinois ».

…par une offensive à plusieurs volets…

Pékin a déjà promis à ses partenaires de la nouvelle « Route de la soie » 1,4 Mds de $ pour développer les infrastructures portuaires au Sri Lanka, 50 Mds de $ dédiés à des accords pétroliers et gaziers en Asie Centrale, 320 millions pour les barrages et les infrastructures énergétiques, routières et ferroviaires afghanes, le tout véhiculé par la nouvelle Banque d’Investissement pour les Infrastructures inaugurée le 24 octobre dernier à Pékin (Lire notre article La Chine rehausse son rôle dans les finances mondiales).

…aux cibles et aux directions multiples.

Les compagnies chinoises proposeront leurs investissements dans des dizaines de pays le long de l’axe est-ouest revivifié, accélérant la nouvelle tendance extravertie des capitaux chinois vers les pays voisins et d’abord vers l’Asie Centrale. Au premier ministre Thaï en visite à Pékin, le 22 décembre dernier, Li Keqiang a, entre autres, proposé un accord permettant l’utilisation du RMB et du Bath Thaïlandais pour leurs échanges à hauteur de 11 Mds de $, ainsi que la construction par des compagnies chinoises pour une valeur de 10 Mds de $ de deux voies ferrées reliant le nord et le centre du pays à Bangkok et au golfe de Thaïlande.

Il s’agit là d’une liaison ferrée elle-même partie d’une variante nord-sud de la nouvelle Route de la soie destinée à renforcer encore les liens de la province enclavée du Yunnan avec le Laos, le Myanmar et la Thaïlande ainsi que vers le golfe de Siam et l’océan indien.

…et à la dimension inédite.

En Asie Centrale, 30 Mds de contrats ont déjà été signés avec le Kazakhstan et 15 autres avec l’Ouzbekistan. Le Tadjikistan est sur les rangs pour un prêt d’1 Md de $ qui s’ajoutera aux 8 Mds déjà octroyés au Turkmenistan. Selon une estimation du Want China Times du 16 septembre 2014, tous les projets créés le long de la nouvelle route de la soie maritime et terrestre une fois terminés, leur valeur totale atteindrait la somme astronomique de 21 000 Mds de $.

Réaliste ou pas, ce chiffre avancé à l’occasion de la 4e session de l’Expo Chine – Eurasie à Urumqi au Xinjiang inaugurée le 1er septembre dernier, donne une idée des ambitions chinoises. A cette occasion le Vice-premier ministre Wang Yang évoqua « un marché de 50 pays, comptant 3,8 Mds d’habitants dans les régions potentiellement les plus prometteuses de la planète ». Le fait est que les Chinois ne se sont pas contentés de paroles.

L’Eurasie connectée par les projets chinois.

La nouvelle route terrestre de la soie est bel et bien lancée à partir du Shaanxi et du Xinjiang. Suivant l’ancienne route par le Gansu et Lanzhou, Urumqui et Khorgas au Xinjiang, elle continue par le nord de l’Iran, puis par l’est de l’Irak, la Syrie, la Turquie et le Bosphore, avant d’obliquer vers le Nord-ouest, vers la Bulgarie, la Roumanie, la République Tchèque et l’Allemagne. Après Duisburg, une des directions allemandes desservies par les voies ferrés venant de Chine et de Russie avec Leipzig et Hambourg, elle bifurquerait ensuite vers Rotterdam pour ensuite rebrousser chemin en direction du sud-est vers Venise où elle rejoindrait la route maritime.

La fin espérée du monde unipolaire dominé par les États-Unis.

Récemment, dans un article d’Asia Times du 17 novembre Pepe Escobar, journaliste brésilien ayant vécu à Londres, Paris, Los Angeles, Washington, Bangkok et Hong Kong, connu pour son tropisme pro-chinois et résolument critique des stratégies globales américaines, célébrait la fin du monde unipolaire. Après la Turquie, l’Europe Centrale et Orientale et les trois grandes métropoles allemandes évoquées plus haut, il pointait du doigt la dernière destination de la nouvelle Route de la soie terrestre : l’Espagne.

Le 9 décembre dernier arrivait en effet à Madrid après un périple de 3 semaines, un train chargé de 82 conteneurs pour un poids total de 1000 tonnes. Son point de départ 20 jours plus tôt : Yiwu au Zhejiang, la Mecque de l’usine du monde et des produits contrefaits (Voir Eamonn Figleton : « In the jaws of the dragon : America’s fate in the coming era of Chinese dominance », New York ; Thomas Dunne Books/St. Martin’s Press, 2008).

Mais pour Escobar, la route entre Yiwu et Madrid, artère logistique d’une longueur inédite, est la première étape d’un bouleversement culturel et géostratégique qui préfigure l’intégration de l’Eurasie. Elle reliera entre eux les petits commerçants locaux et la profondeur du grand marché global, auxquels ils n’avaient jusqu’à présent pas accès.

Inauguration, le 18 novembre 2014 dans le district de Jinhua (Zhejiang) du train Yiwu-Madrid à la gare de fret de Yiwu.

L’étape suivante à laquelle chacun pense depuis longtemps, pourtant plus facile à dire qu’à faire compte tenu de l’instabilité des régions traversées, est la connexion Chine – Europe par train à grande vitesse qui réduirait la durée du voyage à seulement deux jours.

Avec le récent contrat gazier sino-russe et le rapprochement stratégique entre Moscou et Pékin qui, depuis 2003, se traduit par de vastes manœuvres navales et terrestres en Chine et sur le territoire de l’ancienne Asie Centrale soviétique, compléments des contrats d’armements dont le dernier en date comporte la livraison à la Chine de missiles sol-air S-400, ces nouvelles connexions commerciales eurasiatiques dessinent un contrepoids à l’Amérique. Elles sont une partie de la réponse chinoise aux pressions stratégiques, économiques et douanières de Washington dans le Pacifique occidental que Pékin perçoit comme un frein à son magistère en Asie.


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Par Caligula Le 31/01/2015 à 16h09

Nouvelles « Routes de la soie » et stratégies indirectes chinoises.

Bonjour et bonne année.

L’énergie déployée par la Chine pour rétablir la « Route de la Soie » doit être à peu près égale à celle déployée par les USA et leurs alliés pour la contrer.

Ce qui m’interpelle un peu, c’est le positionnement de l’Inde dans ce projet. Inde qui fait l’objet de toutes les attentions de la part des occidentaux mais aussi de l’alliance sino-russe. Entre les visites officielles du président US à New Delhi, l’envoi du porte-avions Charles de Gaulle (histoire de montrer de quoi sont capables les Rafales) à des fins d’exercices conjoints ; l’Inde est en passe de devenir le « gendarme occidental » de cette partie de l’Asie. Mais que fera le nouveau Premier Ministre indou ?
Surtout que le ministre de la défense russe a aussi fait le déplacement, histoire de montrer que le Rafale n’est pas le seul chasseur bombardier sur le marché. D’ailleurs en cas de signature d’un contrat en lieu et place de celui de Dassault, Paris perdrait bien plus que les 1.5 milliards d’€ des Mistrals non livrés...

Pour ce qui est de la solidité de l’alliance sino-russe, si une défaillance devait avoir lieu, elle ne viendrait pas de Moscou. Depuis la crise ukrainienne, Poutine s’est recentré sur l’Asie, et je ne le vois pas opérer un virage à 180° et relancer le projet South Stream.

Enfin, concernant l’OTAN, si les pays membres sont connus, les pays partenaires le sont moins ; et pourtant ils sont répartis sur la planète. La preuve ici : http://www.nato.int/cps/en/natolive/51288.htm

Qui eut crû que la Mongolie avait un partenariat avec l’OTAN ? Pas moi...

Merci pour vos articles, toujours aussi intéressant.

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