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›› Taiwan

Pannes à répétition et sécurité énergétique

Hausse de la consommation, freins écologiques, inquiétudes sur les renouvelables.

C’est là que surgit une difficulté politique. Fermentant depuis des années, elle est liée au fait que, dans l’Île, personne ne souhaite vivre près d’une quelconque infrastructure électrique, tandis que les exigences écologiques bloquent de manière indiscriminée à la fois les terminaux GNL et les parcs éoliens. Dans ce contexte, après l’obtention des autorisations, il faut aujourd’hui au moins quatre années pour construire un terminal GNL. La pénurie est donc probable.

Récemment, la ministre de l’énergie Wang a tiré la sonnette d’alarme au Yuan Législatif en annonçant que l’objectif de 20% de renouvelables pour 2025 ne serait pas tenu, d’abord parce que la consommation en énergie de l’Île a augmenté, résultat du rapatriement de plusieurs entreprises, obligées de quitter complètement ou partiellement la Chine, effet direct des fortes tension sino-américaines.

Une autre raison de l’augmentation de la demande en énergie, laissant la production de gaz à la traîne des besoins et des prévisions, le secteur des microprocesseurs de l’Île, gros consommateur d’électricité, notamment avec TSMC, n°1 mondial, a intensifié sa production à la suite de la pénurie de l’année 2020, qui se perpétue par les effets de la pandémie et de la guerre en Ukraine [1].

Du coup, le dénominateur de la fraction ayant changé, Wang a abaissé l’objectif des renouvelables à 15%.

Parmi les renouvelables, le solaire est un bon exemple des blocages. Récemment, le gouvernement a augmenté ses objectifs de 10 GW, pour porter la production à 30 GW d’ici 2030. Pour certains, la cible qui envisage presque de quadrupler l’actuelle capacité (8 GW), est irréaliste, compte tenu des freins bureaucratiques liés aux réticences des propriétaires terriens.

Les développeurs de l’énergie solaire à Taïwan ont en effet vite compris que la solution rapide consistant à construire des projets au sol sur de grandes surfaces, gages de meilleurs rendements était impossible. Les syndicats d’agriculteurs et leurs représentants à Taipei, ont en effet bloqué de grands projets solaires qui, selon eux, empiètent sur les terres agricoles, même quand elles ne sont pas cultivées.

Du coup, le développement du solaire a été réduit à des projets de moindre envergure sur les toits des immeubles, moins controversés mais moins efficaces.

Alors que les appels discrets de Taipower à ses clients industriels gros consommateurs pour que, moyennant des abattements considérables de 10 NT$ par KWh, ils réduisent leur consommation aux heures de pointe, confirme l’analyse de Yeh Tsung-kuang, la réalité est que la capacité du producteur et fournisseur d’énergie de l’Île n’est plus à la hauteur des besoins.

Sous la surface des sables mouvants bureaucratiques, la question de fond de la suppression du nucléaire continue à agiter les esprits.

Le dilemme nucléaire toujours au cœur des controverses.

Yeh considère qu’avec une réserve de fonctionnement de 10%, le réseau est au « feu vert ». Lorsque les réserves sont entre 6 et 10%, il est à « l’orange ». En-dessous, surgit le risque de pénurie. « Les actuelle réserves d’exploitation quotidiennes de Taipower sont une imposture », dit Yeh.

« Alors que la compagnie n’est pas en mesure d’augmenter sa capacité de production, elle détourne une partie de son potentiel journalier d’alimentation du réseau en le qualifiant de “réserves d’exploitation“ ».

Au milieu de ces tensions ponctuées par les acrobaties de la communication publique de Taipower jetant un voile sur le risque structurel de nouvelles coupures d’électricité, le professeur Yeh, qui est également ingénieur nucléaire a récemment rappelé le cœur des enjeux : « La solution la plus évidente serait de ne pas retirer les centrales nucléaires que nous prévoyons de retirer ».

Ses arguments se réfèrent aux expériences américaines. « Aux États-Unis, l’autorisation d’exploitation de nombreuses centrales a été prolongée de vingt ans ». Mais, en même temps, conscient du poids du lobby anti-nucléaire après la catastrophe de Fukushima, il craint que le pouvoir décide de prolonger les centrales à charbon.

Alors qu’en sous-main, les couteaux sont tirés, les militants écologistes des renouvelables réclament l’assouplissement des contraintes foncières. « Donnez-nous des terrains et laissez-nous construire des champs de panneaux solaires. Ils seraient le moyen le plus efficace d’augmenter rapidement les solutions alternatives ».

*

Au fond, le désarroi de l’opinion taïwanaise à propos des tensions sur l’énergie, instrumentalisées par les élites politiques, se lit clairement dans l’échec des quatre référendums d’initiative citoyenne organisés le 18 décembre 2021 à l’initiative du KMT. Parmi les questions posées, deux d’entre-elles portaient sur le dilemme énergétique de l’Île. Les réponses négatives qui à elles-seules sont des symptômes de blocage, n’avaient pu être validées faute d’une participation suffisante au vote.

La première interrogeait les Taïwanais sur la reprise de la construction et la mise en service des réacteurs 7 & 8 de la centrale nucléaire de Longmen 龍門發電廠, dont les chantiers, arrêtés plusieurs fois sous la pression des anti-nucléaires, avaient tout de même été achevés à 64% en 2006, puis mise en attente sine die en 2015 par le Président KMT Ma Ying Jeou après le tsunami de Fukushima, du 11 mars 2011.

La deuxième portait sur la relocation du projet de terminal de gaz naturel liquéfié à Taoyuan, porté par le DPP comme une alternative au nucléaire, mais critiqué par les écologistes qui, sur le sujet de la protection de la barrière des récifs d’algues au nord-ouest de l’Île, rejoignent le KMT dans une opposition à front renversé.

Lire : Le KMT et l’embardée démocratique des quatre référendums. Ou le détournement de la démocratie directe.

Note(s) :

[1Le géant TSMC, n°1 mondial, 600 Mds de $ de capitalisation qui vient d’augmenter ses prix de 20% et dont les chaînes tournent à leur maximum, anticipe que les tensions du marché avec une forte demande et une production insuffisante continueront jusqu’en 2023.


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