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Péninsule coréenne : L’armistice vu de Pyongyang. L’Europe ou la faillite de la raison

La force des manipulations de masse

La Corée du nord a organisé le 27 juillet dernier des grandes fêtes pour célébrer sa « Victoire » de 1953. A Washington, le président américain Obama estimait le même jour que l’armistice avait été une « victoire » pour les États-Unis et pour la Corée du Sud. L’intérêt d’un armistice où il n’y a ni vainqueur ni vaincu c’est que chacun y trouve son compte…

J’ai eu la chance d’être invité à Pyongyang pour ces cérémonies. J’adore quand les nord-coréens font la fête. Tout est dans la démesure !

On peut voir des spectacles « de masse » ou quelques centaines de milliers de personnes dansent et sautent à l’unisson. Le stade contient 300.000 spectateurs mais les acteurs sont bien plus nombreux. Ils vous offrent des feux d’artifices à vous couper le souffle. Et puis, il y a le défilé militaire. Un défilé comme on l’aime avec des tanks par centaines, des missiles en pagailles, des lanceurs de roquettes de toutes tailles, des chasseurs, des bombardiers, des hélicos et des soldats par dizaines de milliers, des enfants des écoles jusqu’aux vétérans en passant par les milices armées et les commandos de choc.

Et encore des cohortes de civils en pâmoison, criant leur foi dans le grand leader et dans la pensée du « Juche », ce succédané du Marxisme prônant à la fois une société sans classe et une autosuffisance claquemurée et irréaliste dans les domaines stratégique, politique, économique et militaire.

Le tout ponctué par des discours, beaucoup de discours, alternant le chaud et le froid, exhortant les troupes à se sacrifier pour la Patrie et assurant la communauté internationale de la volonté du peuple nord-coréen de voir s’installer un environnement pacifique. Après toute cette logorrhée autour des sempiternelles démonstrations de force, le Peuple Nord-Coréen est vraisemblablement reparti remonté à bloc, et sans nul doute, encore plus fort que jamais. Et les occidentaux ont été encore une fois de plus convaincus, devant ces soldats sans âmes, devant ces foules fanatisées, que ce régime était fou et que son peuple était déshumanisé.

Cela fait soixante ans que cela dure ; pourquoi voulez-vous que cela change ?

Le poids enkysté des intérêts égoïstes.

Personne ne souhaite que cela change. Les deux Corée sont étroitement contrôlées par leurs militaires. Ni les uns ni les autres n’ont intérêt à être parmi ceux qui auront démobilisé leur opinion et conduit leur pays à une catastrophe : - à une défaite qui les laminerait côté Nord ; - ou à une victoire au goût trop amer au Sud, avec une capitale rasée par les obus et les bombes que les nord-coréens auront le temps de tirer avant de s’effondrer.

Plusieurs milliers de canons, de lances roquettes, de chars, sont enterrés près de la ligne de démarcation, à portée de Séoul. La coalition Washington - Séoul a la capacité de les annihiler mais le temps d’y parvenir, Séoul serait vraisemblablement en partie détruite. Si la Corée du Nord bouge, elle est détruite ; Si la Corée du Sud bouge, le coût humain et économique serait exorbitant.

Pour la Chine, l’effondrement de la Corée du Nord serait inacceptable, d’abord parce qu’elle signalerait une perte d’influence dans sa zone d’intérêt stratégique immédiate, ensuite parce qu’elle perdrait un très appréciable atout de négociation avec Washington, enfin parce que Pékin aurait à gérer un afflux massif de réfugiés dans le nord-est, et que disparaîtrait la manne de ressources minières que les sociétés chinoises exploitent à peu de frais.

Bref Pékin n’a ni les moyens militaires et diplomatiques de sortir la Corée du Nord de cette impasse et tout indique qu’elle n’en n’a pas non plus l’envie. Non pas que cela soit le grand amour de chaque côté de la frontière. Entre les deux frères ennemis c’est un jeu puéril : « Si tu me pousses, je meurs… Si je meurs, t’as perdu… ! ».

La Corée du Nord en profite donc pour titiller son grand voisin allié qui la tance, tout en profitant gentiment de l’occasion, pour piller ses richesses…Les États-Unis, quant à eux, ont quelques dizaines de milliers de civils et de militaires américains, à portée de canons et sont garant de la prospérité économique de la Corée du Sud. Une aventure militaire dans cette zone serait désastreuse.

Pour les Japonais enfin, la menace d’une pluie de missiles sur son sol, n’est pas des plus agréables et la perspective d’une Corée réunifiée, difficile à analyser. Le statut-quo ne leur paraît donc pas si mal.

La Russie ? Elle va bien, elle vous remercie… En d’autres temps, elle a beaucoup donné et maintenant les caisses sont vides. Mais pas question pour autant de laisser les américains y faire n’importe quoi… Et puis, si cela embête les américains…


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