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›› Société

Quand le planning familial devient fou

La persistance de graves problèmes de fond.

En attendant, les problèmes de fond soulevés par la politique de l’enfant unique demeurent. Ils sont d’abord sociaux et politiques, marqués par de profondes inégalités et injustices qui, on l’a vu, ne sont pas sans effet sur l’image du Parti. Il est vrai que le contrôle des naissances est appliqué avec moins de rigueur pour les minorités ethniques, pour les enfants de parents eux-mêmes enfants uniques, dans les campagnes, où un deuxième enfant est autorisé si le premier est une fille, au point que selon les experts les familles assujetties à la restriction représenteraient aujourd’hui moins de 50%. Ceux là doivent payer des amendes ou risquent un avortement forcé, pourtant formellement interdit par la loi.

Mais la souplesse est peu à peu devenue arbitraire, profitant aux plus riches, les plus démunis n’ayant pas les moyens de payer l’amende que le pouvoir a baptisé « taxe d’apaisement social » 社会抚养费 shihui fuyang fei, tandis que la majorité des familles s’accommodent tant bien que mal d’une situation devenant très irrationnelle et largement critiquée en Chine.

He Yafu, démographe chinois indépendant, expert du planning familial, avance même que les plus gros obstacles à l’abrogation de la loi sont les cadres des districts et des préfectures qui y voient un moyen efficace de renflouer leur budget. Selon lui, dans certaines localités les finances publiques dépendant presque uniquement des amendes de la politique de l’enfant unique, le nombre des avortements ayant diminué à mesure qu’augmentaient les taxes encaissées.

Alors qu’en 1983 14 millions de femmes ont avorté, elles n’étaient plus que 6 millions en 2009. Dans le même temps, les administrations locales ont collecté plus de 300 milliards de $. Ceux qui ne sont pas en mesure de payer les taxes sont soumis à des représailles. S’il vient au monde, parce que la mère a réussi à échapper à la pratique de l’avortement forcé, ou qu’elle se trouvait aux prises avec une administration plus vertueuse, l’enfant « illégal », risque encore d’être privé de hukou et du droit à l’éducation et aux soins gratuits.

Il est vrai que, par le truchement d’une péréquation sociale, les amendes sont adaptées aux revenus des familles et diffèrent d’une région à l’autre. A Shanghai, elles se montent à 17 000 $, mais certaines familles riches payent beaucoup plus cher. A Feng Jianmei, le planning familial du district réclamait 40 000 Yuans (6300 $) soit 10 fois le salaire mensuel de son mari. C’est alors que ce dernier s’était mis en mesure d’augmenter ses revenus pour payer l’amende en allant travailler dans une mine de charbon en Mongolie, que les bureaucrates locaux ont agressé sa femme.

A côté des troubles sociaux, facteurs parmi d’autres d’instabilités internes, et qui finissent par entacher la réputation internationale de la Chine, restent les effets pervers à moyen et long termes, déjà maintes fois évoqués. Le premier d’entre eux est le vieillissement, qu’il convient cependant de mettre en parallèle avec le nôtre, dont les perspectives ne sont pas plus confortables.

Mais le défi de la Chine sera avant tout de dégager des ressources pour ses séniors – retraites, santé, foyers pour personnes âgées -, et de se dégager du paradigme « usine du monde » à faible valeur ajoutée et à forte intensité de main d’œuvre, aux bas salaires et à la protection sociale insuffisante. Ce qui tiendra de la quadrature du cercle si le schéma de développement, très gaspilleur en capital financier et humain, n’était pas modifié.

Même si, aujourd’hui, la population chinoise reste encore jeune (en France, les plus de 65 ans représentent plus de 16% de la population, contre seulement 13% aux États-Unis et 8,9% en Chine), l’accélération du vieillissement commencera dès 2020, ce qui laisse peu de délais, tandis qu’en 2050, la proportion des cinquantenaires atteindra plus de 50% et celle des plus 65 ans 26%.

Cette tendance au vieillissement est, au demeurant, également observable au Japon et en Corée. Les projections démographiques révèlent en effet que le nombre de séniors y augmentera beaucoup plus vite à partir de 2025, pour atteindre une proportion moyenne des plus de 65 ans supérieure à 25% en 2050, - un pourcentage que la population européenne atteindra dès 2030 -.

Aux États-Unis, les projections sont plus optimistes avec une proportion de séniors à seulement 20% en 2050. L’Asie du Sud-est mieux lotie. Le vieillissement y suit en effet une courbe parallèle, mais la proportion de séniors de plus de 65 ans restera en-deçà de 18% en 2050.

L’autre conséquence indésirable et préoccupante de ce planning familial autoritaire est le déficit de filles, dans une proportion qui commence à devenir alarmante, puisque certains chiffres évoquent 119 garçons pour 100 filles. Dans ce contexte, depuis 2000, dans les campagnes reculées désertées par les femmes, 25% des hommes de 40 ans sont encore célibataires.

Cette situation, qui pourrait devenir la norme d’ici 2030, porte en elle des risques importants de tensions sociales et favorisera le développement de trafics. En janvier 2010, une étude de l’Académie des Sciences Sociales avait déjà identifié le problème du déséquilibre hommes - femmes comme « le plus sérieux problème démographique auquel la Chine est confrontée. »


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