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›› Lectures et opinions

Transparence, maquillages et mises en scène

En se plaçant aux côtés des Etats-Unis et de la Russie dans le camp des vainqueurs du second conflit mondial, la Chine se confère l’attribut majeur qui qualifie le clan des grandes puissances de l’après-guerre : la victoire contre le Japon et l’Allemagne. Du coup, grâce à ce tour de passe, l’histoire de la Chine moderne est vue sous un éclairage nouveau et édulcoré, débarrassé des tourmentes de la première moitié du siècle qui maintinrent la Chine à l’écart du monde jusqu’à la fin des années 80. Sans le dire ce « réajustement historique » suggère en effet que l’intégration du vieil Empire du Milieu dans le cercle restreint des puissances responsables co-gestionaires de la planète remonte à l’immédiat après-guerre.

L’histoire arrangée de la victoire du PCC sur les armées nippones donne aussi l’occasion d’insister lourdement et sans relâche sur les atrocités, bien réelles cette fois, du Japon en Chine et en Asie. Quotidiennement la propagande télévisée, captée par des centaines de millions de foyers chinois diffuse ainsi une ambiance de ressentiment anti-japonais relayée par les étudiants, dans des manifestations qualifiées de spontanées par le pouvoir. Le problème est que cette campagne insistante, qui attise dangereusement le nationalisme chinois, met sous le boisseau tout espoir de dépasser les blessures de l’histoire entre Tokyo et Pekin, d’autant que le Japon, qui garde une mentalité de guerre froide, ne se montre pas toujours à la hauteur des enjeux d’une réconciliation dans la région.

Il est vrai que pour Pékin il y a plus urgent : empêcher par tous les moyens Tokyo d’accéder à un siège de membre permanent du Conseil de sécurité, une éventualité qui heurterait profondément la sensibilité identitaire de la Chine qui, quoi qu’elle en dise, se voit toujours comme une puissance centrale, sans rivale en Asie. Pour arriver à ses fins elle utilise tous les moyens, y compris ceux qui consistent à suggérer que le Japon est révisioniste et que ses crimes de guerre, pour lesquels Tokyo a pourtant plusieurs fois présenté des excuses officielles, disqualifient à jamais l’archipel de jouer un rôle politique accru sur la scène mondiale.

Depuis des temps immémoriaux les historiens chinois réécrivent l’histoire de leur pays, calibrée à l’aûne des stratégies du pouvoir. Cette tendance, qui n’est pas une spécialité purement chinoise, n’a pas disparu. Au contraire, elle semble plus vivace que jamais. Il est vrai que, quels que soient les progrès accomplis depuis 20 ans, il reste beaucoup à faire pour rapprocher la réalité de la Chine d’aujourd’hui de l’image qu’elle tente de donner d’elle-même, tandis que beaucoup de Chinois ont du mal à abandonner le mythe d’une puissance sans rivale, héritée de l’histoire impériale. Il est vrai que les Etats-Unis leur renvoient sans cesse l’image d’une hégémonie qu’ils rêvent parfois tout haut d’imiter. Gageons cependant qu’avec le temps et l’ouverture, de plus en plus de responsables comprendont que la meilleure façon de tirer les leçons de l’histoire est encore de l’accepter telle qu’elle est et que les contradictions de la réalité se surmontent d’autant mieux qu’on les laisse s’exprimer.


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