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›› Politique intérieure

温爷爷, Wen Yeye, le grand-père du peuple entre corruption et guerre des clans

La faction conservatrice sous le feu des Chinois expatriés.

Souvent inaccessible en Chine, qui l’accuse d’être une torpille à la solde du gouvernement américain, le site Boxun Xinwen Wang 博讯新闻网 (qui signifie « réseau d’information universelle »), se présente comme une plateforme « citoyenne » d’informations alternative. Dirigé par un Chinois expatrié basé en Caroline du Nord, il est soutenu par des ONG de droits de l’homme et très connecté aux dessous des cartes chinois grâce à la multiplicité de ses intervenants, assez souvent anonymes, ce qui lui confère son caractère sulfureux et constitue son principal talon d’Achille, même s’il s’applique à croiser les informations souvent iconoclastes qu’il met en ligne.

Avec d’autres observateurs de la Chine, Boxun pointe du doigt la précision des informations divulguées sur Wen Jiabao et Xi Jinping et en déduit qu’elles ont forcément été pilotées par un réseau de Chinois dont l’objectif est politiquement partisan dans l’ambiance à couteaux tirés de l’avant Congrès, opposant les conservateurs et les réformateurs, dont Wen Jiabao fait partie. Le site signale en effet que « beaucoup de médias en langue anglaise ont reçu en même temps de nombreux renseignements détaillés et identiques sur les hommes politiques chinois ».

Il précisait aussi que l’enchevêtrement compliqué de la situation, la multiplicité des prêtes noms et des couvertures étaient des obstacles insurmontables pour un journaliste occidental travaillant seul, ajoutant que la coordination des révélations vers les médias étrangers était la preuve d’une action concertée à motivation politique.

Avant ces charges hypothétiquement lancées contre Xi Jinping et Wen Jiabao par l’alliance entre Bo Xilai, Zhou Yongkang et Jiang Zemin, d’autres attaques, vite mises sous le boisseau par la censure, avaient en 2009 déjà ciblé une affaire de trafic d’influence au profit du fils de Hu Jintao engagé au sein de sa société Nuchtec dans la vente de scanners de ports et d’aéroports en Namibie. Dans ce contexte, les proches de Boxun s’attendent maintenant à une attaque contre le n°1 sortant.

Un autre relais de l’hypothèse du complot conservateur dans l’arène tourmentée de la politique chinoise est le journal Epoch Times. Puissant vecteur d’attaque contre le Parti Communiste, le journal, qui fut le premier à publier des informations sur les trafics d’organes prélevés sur des membres du Falun Gong, est parfois critiqué dans les milieux académiques occidentaux par ceux qui lui reprochent sa vision univoque, systématiquement orientée autour du harcèlement par la faction Jiang Zemin - à laquelle était associé Bo Xilai -, des adeptes du Falun Gong, mouvement spirituel et moral fondé par Li Hongzhi en 1992 et basé sur la méditation par la pratique du Qigong traditionnel.

Mais une partie des intellectuels chinois, attachés à la liberté de la presse considèrent cette publication comme salutaire grâce à l’angle de vue iconoclaste qu’elle propose en contrepoint de la propagande. En 2005 deux versions européennes du journal ont reçu des prix qui ont récompensé la qualité de ses informations et conforté sa crédibilité.

L’un était attribué à la version anglaise par l’Association des Journalistes Asiatiques aux Etats-Unis ; l’autre à la version allemande pour ses enquêtes sur la violation des droits de l’homme en Chine, décerné par la Société Internationale des Droits de l’Homme, fondée en 1972 en Allemagne, comptant aujourd’hui 30 000 membres dans 38 pays.

Créé en 2000 par les chinois adeptes du Falun Gong réfugiés aux Etats-Unis, violemment critique du Régime en place à Pékin, distribué dans 30 pays en 9 langues et accessible gratuitement en ligne en 17 langues, le journal a, au passage, égratigné le rapport du New-York Times, mettant en cause la précision de ses informations, tout en suggérant une mauvaise foi.

Selon un article mis en ligne le 27 octobre, qui relaye le site Boxun, Madame Duan Weihong, le prête-nom de la famille Wen pour ses investissements dans le méga-groupe d’assurance Ping An, affirme que le clan avait vendu ses actions en 2005, avant l’introduction en bourse de Ping An, ce qui détruit les soupçons de délit d’initiés. La dame ajoute qu’elle aurait donné cette information au journaliste du New-York Times qui n’en aurait pas tenu compte.

Enfin, l’information la plus terrible pour le clan conservateur et Bo Xilai, qui risque très gros dans l’atmosphère plombée par les rivalités de factions et les complots, est une révélation de l’Open Magazine 开放杂志 de Hong Kong en date du 3 mai 2012.

Dans sa fuite vers le consulat américain de Chengdu le 6 février 2012 au soir, Wang Lijun, Vice-maire de Chongqing et responsable de la sécurité, aurait eu par devers lui des documents attestant que le Secrétaire Général de Chongqing limogé en mars dernier, avait donné des ordres pour diffuser des informations compromettantes sur le net, destinées à affaiblir la réputation du pouvoir à Pékin. Dans ce contexte de règlements de comptes et de coups bas, il n’est pas étonnant qu’à Pékin la rumeur enfle autour des spéculations sur la possible condamnation à mort de Bo Xilai, à la suite de sa femme.

Le fond des choses.

La succession, d’autant plus turbulente que, pour la première fois depuis la mort de Mao, elle se déroule sans la caution consensuelle de Deng Xiaoping, n’a pas fini de poser de plus en plus publiquement les grands problèmes de la politique et de la société chinoise. Parmi eux la corruption des élites constitue une des plus dangereuses faiblesses du régime que l’actuelle génération de dirigeants n’a pas cessé de dénoncer, sans jamais pouvoir l’éradiquer.

La plaie touche toutes les factions, les plus traditionnelles, comme les plus ouvertes, ou à l’inverse, les plus populistes se réclamant de Bo Xilai. Face à l’exigence de transparence et de responsabilité publique qui déferle comme une vague sur les réseaux sociaux, elle place le pouvoir politique chinois en situation de grande fragilité morale, que l’affaire de Chongqing a aggravé. Elle laisse aussi libre cours aux coups bas, dénonciations et contre attaques qui, aujourd’hui, donnent cette image régressive de la classe politique.

Que les attaques pilotées ou non aient aujourd’hui frappé l’une des figures les plus populaires du pays, attachée aux réformes d’ouverture, d’indépendance de la justice et de compétitions électorales plus larges, ajoute encore à la nature inextricable du problème, lui-même directement lié à la réforme politique qui vise précisément à éradiquer le système des prébendes.

La classe politique chinoise qui gère la transition et tente de préserver à la fois le consensus et son image, s’est en partie regroupée derrière Wen, dont la famille a pris un avocat et a commencé à contre attaquer. Mais sa position est faible. Les faits sont avérés et largement documentés par l’article du NYT.

Et s’il est vrai que la ligne de défense selon laquelle le Premier Ministre lui-même n’est pas impliqué dans les affaires offre une marge de manœuvre et un répit, il n’en est pas moins vrai qu’il a contrevenu à la règle du Parti, selon laquelle les proches d’un responsable ne doivent pas être impliqués dans des affaires dont il a la charge. Une règle que tous ou presque contournent allègrement à coups de délits d’initiés et de trafic d’influence, en contradiction flagrante avec le discours public de générosité, de dévouement et d’attention au peuple.


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