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›› Politique intérieure

Xi Jinping, entre Mao, Deng Xiaoping et société civile

Le nouveau style du pouvoir chinois

A l’appui de la thèse de la rupture avec le système collégial, on cite le style moins rigide et plus convivial du nouveau secrétaire général aidé par la popularité de son élégante épouse Peng Liyuan, étonnamment investie sur le terrain des relations avec Washington. C’est peu dire que cette manière modernisée attire les projecteurs sur le couple présidentiel et constitue déjà un contraste radical par rapport au règne fade et sans relief de Hu Jintao que nombre d’intellectuels chinois considèrent comme une « décennie perdue ».

Le large éventail desréformes envisagées par le 3e plenum - finances, appareil productif, administration, justice, pollution, « Laojiao », enfant unique etc. -, attesterait aussi que les commandes du pouvoir auraient été resserrées par rapport aux exercices des précédents Plenum qui, en général, limitaient leurs intentions à un seul secteur, le plus souvent économique ou socio-économique (banques et finances, groupes publics, taxes, commerce extérieur).

Nationaliste prudemment réformiste…

Fréquemment présenté comme excédé par les incessantes critiques antichinoises des Européens et des Américains à partir d’une de ses remarques à Mexico en 2009 – « ces Occidentaux bedonnants qui n’ont rien de mieux à faire que de pointer notre pays du doigt », Xi Jinping est également volontiers placé par nombre de commentateurs en opposition politique par rapport aux idées de Xi Zhongxun, son père, ancien vice-premier ministre fervent des réformes économiques décédé en 2002, aujourd’hui auréolé d’une réputation de réformateur politique, auquel le régime a rendu un hommage exceptionnel en octobre 2013, à l’occasion du centenaire de sa naissance.

Avec un parfum populiste…

Ayant adopté un style plus moderne, proche du peuple, n’hésitant pas à se mêler aux clients d’un restaurant modeste de Pékin – événement qui avait provoqué l’effervescence, en général très positive, des réseaux sociaux chinois -, Xi Jinping avait, lors de sa mandature de vice-président, prêté attention aux projets socio-économiques de Bo Xilai à Chongqing. Après quoi, une fois aux commandes du Parti, il avait exhorté l’appareil à la frugalité, à l’honnêteté et à l’éthique du pouvoir, accompagnant par un verbe moralisateur la sévère répression contre les corrompus de haut rang engagée pour restaurer l’honnêteté publique et la probité.

L’allure bonhomme et la manière du nouveau Secrétaire Général, qui tranchent avec les anciennes raideurs, l’écoute qu’il consacre à la mouvance de la « Nouvelle Gauche » critique des effets pervers de la dictature de l’argent et de la croissance économique cynique, destructrice de la cohésion sociale et de l’environnement, ont contribué à lui coller un étiquette « populiste » attentive aux survivances du Maoïsme. Pourtant ce procès d’intention court alors même que Bo Xilai, le porte drapeau supposé des Maoïstes, est en prison à vie, que son épouse est condamnée à mort avec sursis et que son plus fidèle appui Zhou Yongkang est en résidence surveillée, tandis qu’un grand nombre des féodaux proches de l’appareil de sécurité et de CNPC, le monstre industriel des hydrocarbures, ancien fief de Zhou Yongkang, sont sous les verrous.

Soucieux d’efficacité, mais inquiet des influences la société civile

Le nouveau secrétaire général est également rendu responsable exclusif de la tendance récurrente du régime de tenir sous un boisseau durement répressif la société civile, les médias et les ONG. A cet égard, on cite la récente bavure politique ayant provoqué la mort par manque de soins, alors qu’elle était en prison, de Cao Shuni (52 ans), militante des droits de l’homme atteinte de tuberculose et arrêtée en septembre dernier pour « troubles à l’ordre public et incitation au désordre » après avoir manifesté pendant deux mois devant le ministère des Affaires étrangères. Son but : exhorter le pouvoir à prendre en compte les critiques onusiennes contre les abus aux droits de l’homme en Chine. Pourtant, rien ne dit que Xi Jinping qui doit composer avec une mouvance violemment conservatrice ait été à l’origine de la décision de refuser des soins à Cao Shuni.

Enfin, les observateurs étrangers et chinois voient comme le signe ultime d’un retour au pouvoir personnel, secouant l’exigence de gouvernance collective imposée par le style Deng Xiaoping, la prise de contrôle par Xi Jinping des comités directeurs des réformes (sécurité nationale, internet et réseaux sociaux, réformes économiques et financières, chapeautés par la Commission des réformes) créés pour piloter et coordonner les bouleversements socio-économiques engagés depuis le 18e Congrès.

Que Xi Jinping ait à la fois plus d’audience et plus d’autorité que son prédécesseur, rigide et assez souvent apathique et muet, c’est un fait. Qu’il ait pris à bras le corps son rôle de supervision et de coordination de la réforme y compris dans l’APL, restée depuis Deng Xiaoping et jusqu’à Jiang Zemin le domaine réservé et intouchable du Secrétaire Général sortant, c’est également une évidence. Mais il s’agit là, non pas de la manifestation d’un excès de pouvoir personnel, mais de la correction d’une tradition insolite où les retraités conservaient un pouvoir discrétionnaire sur l’appareil militaire, brouillant l’exercice du pouvoir par la nouvelle équipe. Au demeurant, que ce soit encore le Secrétaire Général, Président institutionnel de la Commission Militaire Centrale qui porte le fer dans la plaie ouverte de la corruption au sein de la haute direction des armées, n’a rien d’anormal.


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