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Le THAAD du Pentagone est en Corée et le HQ-9 chinois dans les Paracel. Jeu de missiles et parfum de guerre froide

Obama innove en courtisant l’ASEAN en Californie…

Le sommet Etats-Unis – ASEAN organisé par Obama en Californie en février avait clairement comme objet de rallier les 10 pays de l’Asie du sud-est au principe de solidarité contre les prétentions chinoises en mer de Chine du sud et de confirmer les participations de 4 d’entre eux au partenariat trans-pacifique (Malaisie, de Brunei et de Singapour et du Vietnam).

Mais la volonté américaine de créer un front commun s’est heurtée à la prudence des pays de la zone qui connaissent la puissance commerciales et financière de la Chine. Pour autant le fait que Hanoi très excédé par les initiatives chinoises dans les Paracel se soit publiquement prononcé pour une plus grande implication militaire américaine mérite attention.

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En riposte aux fréquentes réunions organisées par Pékin avec les 10 pays de l’ASEAN, l’administration américaine a organisé cette semaine en Californie une réplique où les mêmes étaient pour la première fois conviés par la Maison Blanche, à l’endroit précis où Obama avait, en juin 2013, organisé sa première rencontre avec le Président chinois.

Le message qui a irrité Pékin était transparent : consolider la relation de Washington avec les pays d’Asie du Sud-est, tenter de faire évoluer le groupe vers plus de solidarité contre les prétentions territoriales chinoises et insuffler l’idée que les différends doivent être réglés sans faire étalage de la force. En ligne de mire le respect des arbitrages qui doivent être rendus avant la fin de l’année par la Cour internationale de la Haye dans les conflits opposant Hanoi et Manille à la Chine qui, rappelons le, refuse de participer aux procédures, faisant jouer la clause de réserve du traité sur le droit de la mer.

« A l’occasion de ce sommet, » a dit Obama « nous espérons promouvoir la vision partagée d’un ordre régional où sont respectées les lois internationales et la liberté de navigation et où les différends se résolvent par des moyens légaux ».

Mais, si le défi était de parvenir à un communiqué conjoint ciblant la Chine, il n’a pas été relevé. Après deux jours de réunion, reflétant la prudence des pays de l’ASEAN à l’égard de Pékin, la déclaration n’a pas fait allusion à la Chine et s’est contentée de répéter le nécessité d’indépendance des choix de chacun, sans pressions extérieures et l’impératif d’équité pour la résolution pacifique des différends par le Droit international.

L’autre objectif de l’administration américaine était de confirmer les participations de la Malaisie, de Brunei et de Singapour et du Vietnam au partenariat trans-Pacifique, dont la Chine est exclue, ce qui ne fait qu’ajouter aux méfiances réciproques. Lire notre article Le « Trans-Pacific Partnership – TPP - », nouvelle bévue stratégique américaine ?

…Et Pékin se cabre en dénonçant le militarisme américain.

Logiquement, Pékin a réagi avec aigreur. Le 17 février, Hong Lei, porte parole du Waijiaobu a reconnu à Washington le droit de réunir les pays de l’ASEAN, mais a rappelé l’opposition de Pékin à l’ingérence américaine dans les conflits de souveraineté avec les riverains. « Les pays extérieurs à la zone devraient éviter les démonstrations de force en mer de Chine du sud et ne devraient pas inciter les pays riverains à participer à des exercices ou à des patrouilles militaires ciblant des pays tiers ».

La veille, le Global Times avait déjà noté que le sommet de Californie n’était pas le lieu pour discuter des problèmes de la mer de Chine du sud et, que, n’ayant aucune légitimité sur la question, la réunion de Californie ne produirait rien d’original. En substance, le régime répète que les différends devaient être résolus de manière bilatérale, chaque pays devant traiter directement avec Pékin.

Les « cartes sauvages » du Vietnam et des missiles chinois.

Nguyen Tan Dung le très anti-chinois PM vietnamien a exhorté Washington à s’impliquer plus pour contrer la Chine dans la zone. Mais alors qu’il était candidat au poste de Secrétaire Général, il fut évincé lors du XIIe Congrès du Parti au profit du secrétaire général sortant, Nguyen Phu Trong, âgé de 71 ans, moins favorable à Washington.

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Le paysage convenu des affirmations chinoises de souveraineté contrées par les exhortations américaines pour le respect du droit sur fond de patrouilles militaires, a, cette fois, été perturbé par deux événements susceptibles d’ajouter encore aux inquiétudes des observateurs qui craignent un dérapage militaire.

Alors que la plupart des pays de l’ASEAN sont restés prudents et en particulier ses deux voisins de l’Indochine, le Cambodge et le Laos où les investissements chinois sont importants, le Vietnam a, de manière inhabituelle mis les pieds dans le plat, par une déclaration qui a sérieusement irrité le politburo chinois. Simultanément on apprenait que Pékin déployait des missiles sol-air dans les Paracel.

Le 16 février, le premier ministre vietnamien Nguyen Tan Dung, en fin de mandat a, sans citer Pékin, appelé les États-Unis à jouer un rôle plus actif pour prévenir la militarisation de la mer de Chine du sud et le bétonnage des îlots qui augmente artificiellement leur superficie. En réponse, Obama a promis de continuer à aider les pays de la zone par des livraisons d’équipements militaires et a annoncé une visite au Vietnam en mai prochain [3].

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L’autre événement rendu public par la chaîne américaine Fox News et Taïwan, pendant le sommet de l’ASEAN en Californie – réponse du berger à la bergère ou coup de pied de l’âne - est la nouvelle de l’installation de 2 batteries de missiles sol-air HQ-9 sur l’îlot Woody - Yong Xing Dao en Chinois 永兴岛- partie des Paracels, situé à 170 nautiques au sud-est de Hainan (lire aussi Mer de Chine. La tentation de la force) également revendiqué par Taïwan et le Vietnam.

Tous les analystes ont relié l’initiative à la possible volonté de la Chine d’établir dans l’espace au-dessus de l’archipel une zone d’interdiction aérienne qui pourrait gêner les efforts aéronavals de Washington pour faire respecter la liberté de navigation dans les parages.

Mais, bien que le Wall Street Journal ait considéré qu’il s’agissait là de « l’initiative la plus agressive jamais prise par la Chine dans la région, » la présence d’une batterie de missiles HQ-9 [4] (lire La coopération sino-turque autour du HQ-9 (FD-2000), dommage collatéral du terrorisme) sur une île des Paracel est plus proche du symbole que d’une véritable menace.

En outre, il ne s’agit pas du premier affichage de militarisation de l’archipel. En novembre 2015, Pékin avait déjà ostensiblement fait connaître la présence de chasseurs F-11 sur l’îlot Woody. Mais, comme pour le HQ-9 aujourd’hui, la nouvelle du déploiement n’avait pas été accompagnée par des informations sur des structures fixes destinées à protéger les équipements de la corrosion marine. Sous réserve de vérification, cette lacune laisse supposer un déploiement temporaire.

La véritable « agression » ayant un sens opérationnel préoccupant pour Washington, aurait été que Pékin installe sur les îlots, avec toute la logistique et les infrastructures nécessaires, son système de missiles anti-navires DF 21/D, présenté à Pékin lors de la parade du 3 septembre 2015 [5]. Il ne semble pas que le projet soit d’actualité.

Il reste que l’affichage du HQ-9 exprime une menace de durcissement militaire qui contredit le ton pacifique des discours de Pékin en mer de Chine du sud. Surtout la plupart des riverains en conflit territorial avec Pékin voient le déploiement comme le début d’un réseau plus vaste ayant une capacité d’interdiction sur toute la zone des Paracel. L’initiative serait partie d’un « grignotage » attestant la volonté du Politburo d’annexer la totalité de l’espace maritime de la mer de Chine, avec comme effet immédiat de gêner les survols des zones contestées par l’aviation américaine.

Enfin, les projets chinois de grignotage de la mer de Chine du sud s’articulent autour de deux points d’application bien connus. Les Paracel où Pékin affirme sa souveraineté par tests successifs face au Vietnam dont le durcissement anti-chinois s’était brutalement manifesté au printemps 2014 (lire Explosion de violences anti-chinoises au Vietnam) et d’autre part, les Spratly où le bétonnage artificiel des îlots soulève depuis l’été 2014 de nombreuses protestations et fonde le recours de Manille contre la Chine au tribunal international sur le droit de la mer.

La prochaine initiative militaire de Pékin en réponse aux patrouilles américaines destinées à affirmer la liberté de navigation, mais que Pékin réfute comme illégitimes et intrusives, pourrait être de baser des chasseurs de combat sur les îlots artificiels des Spratly. La manœuvre a été anticipée par l’amiral Joseph Aucoin commandant la 7e flotte.

Ce dernier a prévenu que la présence d’avions de combat dans les Spratly ne dissuaderait pas les États-Unis d’utiliser l’espace international au-dessus de la mer de Chine. La mise en garde dessine la perspective de nouvelles tensions à venir entre Washington et Pékin qui tente sans succès de rendre illégitime la présence américaine dans la zone du Pacifique occidental et en mer de Chine du sud.

Note(s) :

[3Pour autant, le jeu américain en apparence facile sera perturbé par le barrage mis en janvier dernier contre le pro-washington et très anti-chinois premier ministre Nguyen Tan Dung également candidat au poste de Secrétaire Général, mais qui fut évincé lors du XIIe Congrès du Parti qui a reconduit à sa tête Nguyen Phu Trong, âgé de 71 ans, moins favorable à Washington.

[4Monté sur un chassis à roues, variante du S-300 russe et du système américain Patriot le système mobile de missiles air-sol HQ-9 peut, grâce à ses radars d’acquisition et de tir, engager des cibles aériennes à des distances de plus de 160 km et plus de 24 000 m d’altitude. Il est équipé d’un dispositif de contremesures rendant difficile le brouillage par des moyens électroniques.

Néanmoins, son déploiement nécessite plusieurs véhicules radar et de commande de tir dont le déploiement est facilement repérable. Selon les images satellites transmises par la chaîne américaine Fox News, la batterie HQ-9 était installée sur une plage. Or la Chine a l’habitude de construire des structures en dur pour abriter ses missiles. Le fait que rien de la sorte n’ait été observé sur Woody Island fait penser à une gesticulation tactique.

[5A l’origine, la famille des DF 21 (Dongfeng 东风 - vent d’est) était conçue comme une série de missiles stratégiques de portée intermédiaire dotés d’un tête nucléaire de l’ordre 300 KT. D’autres versions ont été équipées de têtes classiques dédiées à la dissuasion de l’indépendantisme taïwanais.

La dernière version DF-21D est conçue comme une innovation technique : le premier missile balistique anti-navire. Des informations non vérifiées circulent également attribuant au missile une capacité anti-satellites ou anti-missiles. Mais ce système d’armes est d’une tout autre nature que le HQ-9. Sa mise en œuvre est encore plus lourde et, dès lors qu’il est déployé à l’extérieur du continent, il nécessite un important environnement logistique et des infrastructures de stockage qui facilitent sa détection et rendent la procédure de tir vulnérable.


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