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›› Editorial

L’ UKRAINE, la CHINE, ses « initiatives globales » et la paix du monde

Le 26 avril, le Président chinois qui, depuis le 11 mars, date de la rencontre à Pékin des ennemis mortels shiites iraniens et sunnites saoudiens se pare de la cape vertueuse d’un réconciliateur global porteur de paix à l’inverse des États-Unis fauteurs de guerre, s’est entretenu au téléphone pendant près d’une heure avec le président Zelinsky.

Alors qu’à la date de la rédaction de cette note aucune des agences d’information internationales n’était en mesure de dire clairement qui des deux avait pris l’initiative de l’échange, l’événement était une première et peut-être l’amorce d’une correction de trajectoire chinoise.

Sur un théâtre dont elle ne maitrise pas tous les codes, au milieu des fracas des combats, d’un bilan humain catastrophique et de destructions jamais vues en Europe depuis la deuxième mondiale, l’affichage d’une Chine neutre, capable de promouvoir un apaisement en Europe, ne pouvait pas s’accommoder des démonstrations d’amitié univoque avec l’agresseur Vladimir Poutine, sur le thème révisionniste sino-russe de la remise en cause de la prévalence occidentale dans le monde.

Depuis le déclenchement de la guerre et après le dernier contact entre les deux chefs d’État du 22 janvier 2022, un mois avant l’agression russe, à l’occasion du 30e anniversaire des relations bilatérales entre Kiev et Pékin, jamais la Chine n’avait en effet donné sérieusement corps à son intention de neutralité.

Réparer les relations avec l’UE et les difficultés d’un grand écart.

En dépit des préventions chinoises opposées à la violation des frontières, fondement de la charte des NU, sur cette chasse-gardée historique américaine dont la solidarité avec l’OTAN a été renforcée par la guerre après l’agression militaire russe, le silence de Xi Jinping qui douze jours avant l’attaque de l’Ukraine avait célébré l’amitié sans limites avec V. Poutine aux JO d’hiver de Pékin le 22 février avant de lui rendre une visite officielle à Moscou, avait fini par être interprété comme une approbation tacite de Moscou.

(Lire : Mise en scène stratégique sino-russe dans le cadre gandiose des JO & A Moscou, Xi Jinping « parrain » anti-occidental de V. Poutine).

En même temps, au milieu des crispations des sanctions du parlement européen qui accuse la Chine de « génocide au Xinjiang  » suivies des contre-sanctions chinoises, les récentes embardées de l’Ambassadeur Lu Shaye ayant remis en question la légitimité souveraine des anciens tributaires de l’URSS libérés du joug soviétique après la dissolution du pacte de Varsovie en 1991 [1], fut, en Europe de l’Est, un sérieux coup porté à l’influence chinoise en Europe.

La stratégie chinoise des « Nouvelles routes de la soie  » y avait déjà été malmenée par le tumulte de la guerre qui bloque les flux et la déception de la plupart des PECO frustrés par la lenteur chinoise à tenir les promesses de coopération, en réalité vues par Bruxelles comme une intrusion chinoise sur le flanc sud de l’UE que sont les formats 16+1 et 17+1 (avec la Grèce). Lire : En Europe Centrale et Orientale, pour la Chine, le vent a tourné.

Il y avait donc urgence à redonner sa cohérence à la parole chinoise qui se targue à la fois de favoriser le développement par ses investissements et d’apaiser les tensions. Mais la correction de trajectoire qui risque d’être interprétée par le Kremlin comme une volte-face, n’est pas simple.

En contradiction flagrante entre la connivence stratégique sino-russe renforcée par leurs intérêts opportunistes convergents à la fois économiques, financier et de transferts de gaz et de pétrole vers Pékin, sources des réserves de change de Moscou, le « recentrage stratégique  » porte en effet le risque d’un brouillage de « l’amitié éternelle » entre la Chine et la Russie.

Le premier signe discret d’un agacement de Moscou n’a pas tardé à se manifester quand, le 26 avril, le Kremlin s’est, par la voix de Maria Zakharova porte-parole du ministère russe des AE, contenté de «  prendre acte » de l’initiative chinoise, ce qui, quel que soit l’angle de vue, constitue le plus faible degré d’enthousiasme possible.

Le jeu ambigu de la Maison Blanche et l’opportunisme de Zelinsky.

La retenue faisait contraste avec l’approbation explicite de la Maison Blanche qui, compte tenu des tensions entre Pékin et Washington, a étonné nombre d’analystes, d’autant qu’à Washington, la plupart des chercheurs et spécialistes de la Chine et de la Russie ne croient pas à l’efficacité d’apaisement d’une Chine devenue médiatrice.

Il reste qu’à Washington, l’exécutif a prudemment cautionné l’initiative chinoise par la voix de l’Amiral John Kirby ancien porte-parole du Pentagone, aujourd’hui en charge de la communication du Conseil sur la Sécurité Nationale : « C’est une bonne chose. Mais il est aujourd’hui difficile de savoir si l’initiative conduira à un véritable élan en faveur de la paix ».

Un prisme d’explication de la bienveillance mesurée de Washington envers l’initiative chinoise, est celui de la politique intérieure américaine.

Tout indique en effet qu’à l’approche de l’échéance électorale présidentielle de novembre 2024, face aux Républicains traversés par la tentation du retrait et inquiets de l’avalanche très dispendieuse de l’aide accordée à Kiev, la Maison Blanche est, en amont du verdict des urnes, préoccupée de ne pas paraître comme le fossoyeur d’une initiative de paix, fût-elle chinoise.

Quant à Zelinsky, dont rien ne dit qu’il serait dupe de l’efficacité chinoise, dont il pourrait au mieux espérer qu’elle modère l’agressivité de V. Poutine, il est clair qu’il se plaît à enfoncer un coin dans l’attelage sino-russe sur le thème de la souveraineté ukrainienne.

Niée par Poutine, elle est le point de désaccord le plus flagrant entre Pékin et Moscou rappelé par la première des douze propositions chinoises du 24 février dernier : « Respecter la souveraineté de tous les pays  ». Lire : « Plan de paix chinois. » Réalités et intentions cachées.

En parallèle aux déclarations V. Zelinsky n’a pas manqué de rappeler sur sa chaîne Telegram l’intérêt qu’il porte aux propositions de Pékin articulées au respect de la souveraineté « Personne ne veut plus la paix que le peuple ukrainien  ». Mais il a ajouté que « la paix devait être juste et durable, fondée sur les principes du droit international et le respect de la Charte des Nations unies. Il ne peut y avoir de paix au détriment de compromis territoriaux. »

Au Passage, la mention des questions territoriales, cœur incontournable de toute négociation, que Moscou refuse de considérer et, en même temps, jamais concrètement évoquée par les propositions très générales de la Chine, est aussi une pierre dans le jardin de Pékin.

La vive réaction de Moscou qui a reporté sa vindicte sur Zelinsky, montre que la remarque a touché juste. Alors qu’elle « prenait acte  » de l’initiative chinoise, Maria Zakharova, inversant la cause et ses effets, a accusé Kiev de tuer dans l’œuf toute tentative de paix.

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Entre Pékin et Kiev, la diplomatie est en marche.

Tirant profit de l’élan créé par l’entretien téléphonique, le président ukrainien a aussitôt nommé Pavel Ryabikin, 57 ans, au poste d’Ambassadeur d’Ukraine en Chine, vacant depuis trois ans [2]. Trois fois élu député entre 2012 et 2000, ce diplômé de droit international formé à Kiev et à Leipzig en Allemagne de l’Est (1987), a été à la tête de l’administration des douanes avant d’être nommé en 2021 Ministre des Industries stratégiques.

Quant à Xi Jinping qui lors de l’entretien téléphonique a promis que Pékin ne resterait pas inerte, il a confié à Li Hui, 70 ans la mission d’envoyé spécial en Eurasie, chargé d’examiner en Ukraine, en Europe de l’est et à Moscou, les conditions d’un retour à la paix.

Diplomate chevronné spécialiste de l’Europe orientale, parlant russe, cet ancien ambassadeur en Russie de 2009 à 2019 où il avait été envoyé avec le rang de vice-ministre, avait accompagné la montée en puissance des liens sino-russes ponctués par neuf voyages officiels de Xi Jinping à Moscou et le presque triplement des relations commerciales passés entre 2009 et 2018 de 38,8 à 107 Mds de $.

Dans ce tumulte d’événements qui reconfigurent les rapports de force du monde, la boussole stratégique de Pékin reste définie par ses « rivalités systémiques » avec Washington, dont l’essentiel s’articule à l’idée que la gouvernance selon « les caractéristiques chinoises  » non démocratiques est plus propice à la paix que celle de la démocratie à l’Américaine.

Le raisonnement vaut aussi et peut-être surtout pour Taïwan, où selon Pékin, ce sont les initiatives américaines dans l’Île développées au nom de la défense de la démocratie, mais à rebours des « trois communiqués » et de la « politique d’une seule chine » qui portent un risque de conflit.

Mais l’ambition globale de Pékin génère des contrefeux.

Toujours l’œil sur sa rivalité systémique avec Washington et sur son audience politique interne parfois tentée par l’appel des libertés politiques, la stratégie planétaire s’articule aux Initiatives globales de développement et de sécurité (全球发展倡议 & 全球安全倡).

Elles recèlent dans leurs soutes à la fois une intention de propagation culturelle globale, articulée aux « caractéristiques chinoises  » démarquées des principes démocratiques et un projet d’interventionnisme militaire pour sécuriser les intérêts chinois (cf. le récent exemple des Îles Salomon et du Pakistan – lire : Aux Îles Salomon, Pékin perturbe la prévalence anglo-saxonne & Le défi de la sécurité des Chinois au Pakistan.

La rhétorique pacifique cependant contredite par l’attitude impériale et agressive en mer de Chine du sud et dans le Détroit de Taïwan, fonde aujourd’hui la propagande de l’appareil donnant le sentiment que l’exécutif chinois tente de se donner, grâce à son efficacité, un rôle planétaire dont Pékin dit qu’il vient en appui de celui de l’ONU.

La stratégie d’apaisement qui, au passage, a réduit la voilure des diplomates « loups guerriers » - L’incident avec Lu Shaye étant une réminiscence néfaste de l’ancienne stratégie de riposte offensive à l’Amérique [3] – se développe sous nos yeux.

Ciblant le « sud global  », l’Asie Centrale et les plates-bandes stratégiques occidentales, notamment au Moyen Orient et désormais en Europe, la poussée diplomatique de Xi Jinping qui se présente en faiseur de paix, est impressionnante. Mais marquée au coin de l’orgueil de puissance du « rêve chinois  » à usage politique interne, elle porte le risque de sérieux contrefeux.

Déjà présents dans le Pacifique occidental attisés par la défiance aux agressivités chinoises, portée par les membres du «  QUAD » où l’Inde, également membre des BRICS fait pourtant cause commune avec Tokyo, Canberra et Washington, les contrefeux viennent de s’enflammer en Europe.

Après « l’épisode Lu Shaye », les réactions très irritées des pays baltes et des pays d’Europe centrale et orientale sur fond d’affaiblissement de l’influence de Pékin en Europe de l’Est, suivent les tensions avec Bruxelles, nourries par les analyses sans concession de la « menace systémique chinoise  » portées par la Commission et le parlement européen.

Chances de succès et limites de l’entremise de Pékin.

Tout indique donc que la tentative de médiation chinoise en Europe sur un théâtre dont Pékin maîtrise mal les codes et les tensions historiques, enracinées dans les grands massacres du XXe siècle, aux arrière-plans à la fois religieux, idéologiques et culturels n’a que peu de chances d’aller au bout de l’affichage d’efficacité brandi par l’appareil.

Dans une situation où aucun des belligérants n’exprime le souhait de cesser les combats pour négocier, l’initiative essentiellement articulée aux intérêts stratégiques chinois de faire pièce à Washington en se posant en porteur de paix contre le militarisme agressif américain et au souci politique de légitimité interne qui arbore une performance internationale valorisante, est brouillée par plusieurs handicaps.

Au-delà de l’évidence que mieux vaut négocier que s’entretuer, le premier hiatus est lié aux conditions opérationnelles et pragmatiques d’une négociation sérieuse qui ne peut pas s’exonérer des questions territoriales du Donbass et de la Crimée que Pékin n’évoque jamais.

Le deuxième est que l’image véhiculée du positionnement stratégique de la Chine reste, malgré ses efforts, fortement marquée par sa proximité avec Moscou.

Le troisième enfin est l’improbabilité que dans l’actuel contexte de rivalité systémique, Washington laisse libre cours sans réagir aux initiatives chinoises sur le cœur historique de l’alliance atlantique et de ses stratégies depuis 1949 dont la pertinence vient d’être ravivée par la guerre.

Il reste que Xi Jinping a un avantage sur tous les autres tenus à longueur de gaffe par Vladimir Poutine. Comme le rappelle de manière imagée Gideon Rachman, stratège et commentateur du Financial Times dans un article du 1er mai 2023, « Le Chinois est le seul à pouvoir lui serrer la main en public et à espérer pouvoir lui tordre le bras en coulisse.  »

Pour quel effet ?

Si on fait l’hypothèse que ni V. Poutine ni V. Zelinsky n’accepteront de négocier au prix d’une perte territoriale, le mieux que puisse espérer Pékin est de persuader le Kremlin de la nécessité d’un cessez-le-feu.

L’arrêt des massacres accepté par les deux bords serait déjà un succès.

Mais pour quelle suite ? Un armistice ne serait que l’arrêt des combats. Il ne résorberait pas les différends attisés par la vision de Moscou d’une Ukraine historiquement russe aujourd’hui inféodée à l’Occident en déclin, ni celle de Kiev, dont le pays a été agressé par l’armée russe – ce que Pékin, tenté de renvoyer l’un et l’autre dos à dos, semble oublier – ayant le droit légitime de reconquérir tous les territoires perdus, y compris la Crimée.

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L’Amérique hésite.

Mais alors que la perspective de reconquête territoriale jusqu’en Crimée menace de prolonger indéfiniment le conflit, aux États-Unis, dont le puissant soutien logistique à l’Ukraine est la principale clé de la poursuite des combats, depuis le début de l’année 2023, plusieurs analyses opposées aux jusqu’au-boutisme des va-t-en-guerre suggèrent d’envisager rapidement une sortie négociée du conflit.

En janvier 2023, dans une note intitulée « Éviter une guerre longue  », la RAND CORPORATION, estimait que le prolongement du conflit portant le risque d’une conflagration générale et celui cataclysmique de l’emploi de l’arme nucléaire, n’était pas dans l’intérêt stratégique de Washington. Elle suggérait un plan de paix en quatre points destiné à inverser la spirale d’affrontement.

Chose étonnante, comme Pékin, elle ne faisait pas mention des questions territoriales et n’envisageait qu’un cessez-le-feu : 1) Clarifier les conditions futures du soutien américain à Ukraine ; 2) Prendre des engagements pour sa sécurité ; 3) En liaison avec Kiev, émettre des assurances concernant sa neutralité ; 4) Définir les conditions de levée des sanctions à l’encontre de la Russie.

Les propositions axées sur l’urgence de faire la paix faisant l’impasse sur la question du Donbass et de la Crimée, rencontrèrent l’hostilité de l’administration. Le 23 mars dans une audition budgétaire à la Chambre des Représentants, Antony Blinken qui répondait à une question de Chris Stewart représentant républicain de l’Utah doutant de la pertinence d’un soutien sans réserve à Kiev, rejeta l’idée d’un plan de paix à court terme.

Précisant qu’un armistice serait un piège que Moscou mettrait à profit pour reconstituer ses forces, il laissa cependant ouverte l’hypothèse d’une négociation à moyen terme. Autrement dit, Washington était prêt à soutenir l’Ukraine pour récupérer le Donbass, mais ferait pression sur Kiev pour que le statut de la Crimée annexée illégalement par Moscou en 2014, fasse l’objet de négociations.

Moins d’une semaine plus tard, le 28 mars, quatre jours après la publication par Pékin de ses « douze propositions pour le règlement de la crise ukranienne  » et un mois avant l’échange téléphonique, entre Xi Jinping et V.Zelinsky, le département d’État durcissait le ton.

Dans un forum virtuel, Antony Blinken et son homologue ukrainien Dmytro Kuleba mettaient en garde contre les illusions d’un cessez-le-feu qui n’exigerait pas le retrait des troupes russes.

« Nous devons tous être très conscients et méfiants de ce qui peut sembler être un effort bien intentionné, par exemple, pour appeler à un cessez-le-feu, aurait potentiellement pour effet de geler sur place le conflit, permettant à la Russie de consolider les gains qu’il a réalisés, et d’utiliser les délais pour reconstituer ses forces et reprendre l’offensive  ».

Et donc ? « Ce qui semble attrayant en surface – qui ne veut pas la paix ? – pourrait aussi être un piège très cynique face auquel nous devons être très prudents ».

Et l’Europe ?

A Paris, dans les cercles conservateurs qui se réclament de la grandeur gaullienne, a surgi la nostalgie de la puissance française capable d’emmener le « Vieux Continent » sur une « troisième voie  » démarquée de l’Amérique.

Dénonçant l’intrusion insistante de l’OTAN sur les marches de la Russie, véritable cause du conflit, ils se désolent que la paix européenne soit aujourd’hui à la merci de la rivalité entre Moscou et Washington, au milieu d’analyses sans nuances de commentateurs oubliant que l’Ukraine est un pays composite dont la culture et la mémoire plongent dans les influences rivales catholiques et occidentales à l’ouest, orthodoxes et slaves à l’est dont les ancêtres ont chassé l’empire turc après le milieu du XVIIe siècle.

Assez souvent cependant ces réminiscences historiques d’appartenance culturelle, passent sous silence les souvenirs des deux grands totalitarismes du vingtième siècle dont le premier effet, fut à la chute de l’URSS et par instinct de survie, la tentation ukrainienne de la « sécurité occidentale », très mal acceptée par le Kremlin.

*

Dans une note récente du « Cf2R », le « Centre Français de Recherche sur le Renseignement », Michel Pinton, polytechnicien, ancien collaborateur de Valéry Giscard d’Estaing au ministère des finances et ancien député européen, analyse l’impotence européenne au moment où, dit-il, le sort de la paix est abandonné à une « puissance lointaine et équivoque : la Chine ».

L’Europe qui aurait dû s’imposer comme « faiseur de paix » chez elle, en est incapable. Unie en apparence face à l’agression de Moscou, elle est en réalité divisée et privée de liberté de manœuvre par l’allégeance à Washington prônée par Bruxelles et les pays d’Europe Centrale et Orientale, toujours hantés par la menace russe.

Surtout, prenant le contrepied de la charte des nations-unies dont se réclament tous les acteurs, y compris la Chine, M. Pinton cautionne l’agression russe en rappelant les disputes entre les aspirations populaires divergentes ayant, en 2014, dégénéré en guerre civile, à l’origine, huit ans plus tard, de l’opération spéciale de Vladimir Poutine.

Pour lui, l’attelage entre Bruxelles et Washington se référant à une intégrité territoriale flottante, ne fait que cautionner un camp contre l’autre. Au lieu d’apaiser le conflit, il le nourrit en arc-boutant la stratégie à un impératif de souveraineté territorial mal assuré. Dans cet imbroglio de nationalismes sourcilleux qui prolonge le conflit, on cherche un arbitre.

En désespoir de cause, tandis que l’ONU est paralysée et qu’à la suite de Washington partie prenante, l’Europe est impotente, la nature ayant horreur du vide, la solution chinoise semble s’imposer comme un succédané.

Affichant l’ambition de promouvoir la paix et le développement planétaires, ralliant le sud global hostile à l’Occident, Xi Jinping et son conseiller stratégique Wang Huning, promu n°4 du Comité Permanent (voir sa bio : Membres du 20e Bureau politique), tentent, sur les plates-bandes stratégiques de Washington, de replacer la Chine au centre du jeu mondial.

Note(s) :

[1Le 25 février 1991, à l’initiative de Michaël Gorbatchev encore Président de l’URSS, les ministres des Affaires étrangères des pays du « pacte » (U.R.S.S., Bulgarie, Hongrie, Pologne, Roumanie, Tchécoslovaquie), réunis à Budapest ont acté la dissolution du bloc militaire soviétique.

[2Ce qui ne signifie pas que Pékin et Kiev n’entretenaient pas de relations étroites. Au contraire. Jianli Yang, activiste des droits, promoteur de la démocratie à partir des mouvements pour les droits civiques, réfugié aux États-Unis après Tian An Men, en fait l’inventaire dans un article de The Diplomat du 21 mars dernier.

Hormis la liste des nombreuses coopérations déjà existantes entre Pékin et Kiev (1er partenaire commercial avant la Russie avec une augmentation des échanges de 80% depuis 2013, 7 Mds de $ de nouveaux contrats en 2021, accords de développement d’infrastructures financés par des prêts dans le cadre des « Nouvelles Routes de la Soie »), l’idée maîtresse de l’article est que les armes les plus séduisantes de la Chine, y compris pour V. Zelisnky sont ses capacités de reconstruction de l’Ukraine après la guerre.

Mais il ajoute - telle est bien l’analyse de Washington « toute personne ayant un minimum de perspicacité stratégique sait que si la guerre se terminait dans des conditions négociées par la Chine, le paysage mondial d’après-guerre deviendrait exponentiellement plus difficile pour le monde démocratique – où Taïwan est en première ligne -, face à la formation d’une alliance sino-russe-saoudienne-iranienne qui déjà règlent leurs transactions pétrolières dans la monnaie nationale chinoise (renminbi) afin de défier l’hégémonie du dollar américain  »

[3Nombre d’analyses attribuant au parti communiste chinois une rationalité qu’il n’a pas toujours, expliquent que les embardées de Lu Shaye, ont été diligentées par l’exécutif à Pékin et qu’il n’aurait fait qu’obéir aux ordres.

S’il est exact que la Chine de Xi Jinping est publiquement engagée dans une stratégie contestant ouvertement l’ordre global installé par les États-Unis et l’Occident après le deuxième conflit mondial, la remise en cause publique de la souveraineté de pays européens nés après la chute de l’URSS n’a jamais été à l’ordre du jour des stratégies de l’appareil.

Au contraire, en développant les schémas 16+1 et 17+1, aujourd’hui affaiblis, Pékin prenait soin d’appuyer son action sur le nationalisme souverain des anciens pays du Pacte de Varsovie, ayant une identité politique différente, à la fois démarquée de l’héritage soviétique et des injonctions légalistes de Bruxelles.

Considérées sous cet angle, les déclarations de l’ambassadeur de Chine en France, apparatchik au nationalisme agressif sans nuance, sont bien des embardées nuisibles aux stratégies chinoises d’influence en Europe tirant profit des tensions de la relation entre Bruxelles et les PECO.

 

 

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