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Diplomatie chinoise et méfiances indiennes

La Chine apaisante et ambiguë. Quelles intentions cachées ?

La Chine qui, à l’évidence cherche à calmer les tensions de ses relations extérieures, n’a pas ménagé ses efforts pour réparer les dommages de la récente poussée de fièvre frontalière.

Contrairement à son prédécesseur, qui pourtant ne pouvait être accusé d’être un boute feu, Li Keqiang n’a pas spontanément évoqué la question territoriale. Quand, le 20 mai, lors de la conférence de presse il a du répondre des péripéties inquiétantes dans la région de l’Aksai Chin, il s’est contenté de rappeler qu’il s’agissait d’un « héritage de l’histoire », ajoutant que Pékin ferait tout pour reprendre les négociations, « afin de parvenir à un accord équitable ». Il a cependant éludé une question qui l’interrogeait sur les raisons des provocations de l’APL.

Cette attitude marque un contraste par rapport à la réaffirmation rigide des positions chinoises par Wen Jiabao lors de son voyage en décembre 2010, où l’ancien premier ministre s’était senti obligé d’évoquer la question dans un style qui, dans sa bouche, semblait « avoir été dicté par l’APL », note John Elliot, journaliste britannique basé à New-Delhi.

A l’inverse, le discours amical et positif de Li Keqiang, n’a jamais été émaillé par le rappel des différends frontaliers. Le long article qu’il a signé dans la presse indienne avant son arrivée explorait toutes les facettes historiques, culturelles, démographiques, économiques, stratégiques de la bonne entente possible. Lui non plus ne disait mot de la question des frontières seulement évoquée comme un contentieux laissé par l’histoire.

La partie indienne n’a pas non plus ménagé ses efforts pour apaiser l’ambiance. Les rues adjacentes à l’ambassade de Chine ont été bloquées par des barrages barbelés pour tenir à distance les activistes tibétains et le premier ministre Singh s’est appliqué à un discours sur la convergence stratégique et les intérêts à long terme des deux pays.

Il reste que la situation est aujourd’hui suspendue aux prochaines visites à Pékin du ministre de la défense indien et plus tard dans l’année à celle du premier ministre. Elle ne pourra être réellement débloquée que si la Chine, qui a toujours trainé les pieds, acceptait enfin de faire une proposition cartographiée de sa vision des frontières.

Alors qu’aucun problème de fond n’a été réglé et que l’embellie repose uniquement sur les bonnes paroles, Elliot s’interroge sur les intentions de la Chine qui, entre les provocations himalayennes et le voyage de Li Keqiang, envoie des signaux pour le moins contradictoires à son grand voisin du sud.

Tandis que la liste est encore longue des contentieux non réglés qui vont de l’épineuse question tibétaine à celle des frontières en passant par les stratégies chinoises en Birmanie ou au Sri Lanka encore aggravées par la captation des réserves d’eau par les barrages chinois construits en amont, sans parler du déficit commercial de l’Inde, dont tous les experts assurent qu’il ne pourra qu’augmenter compte tenu de la structure des échanges.

L’intention de Pékin est-elle vraiment d’avancer sur la question des frontières restée en suspens depuis le conflit de 1962, ou la direction politique nourrit-elle des intentions cachées ? Celles-ci viseraient par exemple, par le truchement d’une coopération militaire sur la frontière en cours de négociation, à lui donner un droit de regard sur les infrastructures planifiées par New-Delhi ainsi que sur les travaux défensifs que les unités du génie de l’armée indienne ont récemment entrepris pour contrer les provocations chinoises restées sans réponse depuis de longues années.

A l’étage supérieur, la manœuvre chinoise qui, assurément, vise aussi à calmer les tensions de ses relations extérieures déjà en difficultés avec le Japon au Nord-est et en Mer de Chine du Sud avec le Vietnam et les Philippines, a toujours eu pour objectif collatéral de contrecarrer les avances stratégiques américaines et européennes faites à l’Inde depuis 2005, notamment sur la question du nucléaire civil.

Pour le régime chinois, le rapprochement entre l’Inde et l’occident est d’autant plus préoccupant que la Birmanie, son allié de longue date en Asie du Sud, a récemment opéré un virage stratégique vers l’ouest. Selon les meilleures sources birmanes rencontrées par l’auteur, cette bascule, assortie d’une ouverture politique, était aussi motivée par la volonté du Myanmar d’équilibrer l’activisme politico-industriel hydroélectrique et minier chinois dans le pays.

Il reste que pour restaurer la confiance entre Pékin et New-Delhi, on voit bien que la Chine ne pourra pas continuer à éluder la question des frontières qui, pour l’Inde constitue un abcès de fixation incontournable, à la fois psychologique et profondément nationaliste, qui conditionne tout le reste.

Un des symptômes les plus pertinents que la confiance tarde à émerger de part et d’autre de la barrière himalayenne est que le commerce bilatéral s’est contracté de près de 10% entre 2011 et de 2012, pour tomber à 66,7 Mds de $, en dépit des promesses des dirigeants de le porter à 100 Mds de $ en 2015, tandis que le déficit commercial indien, pomme de discorde supplémentaire, atteint aujourd’hui 29Mds de $, malgré un déclin de 20% des exportations chinoises (source ambassade indienne à Pékin).

Après la visite de Li Keqiang, le professeur Srikanth Kondapalli Jawaharlal de l’Université Nehru laissait tomber une jugement lapidaire : « mon appréciation de la situation est que la Chine a plus gagné à ces échanges que l’Inde. La partie chinoise n’a fait aucune concession ».


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