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Diplomatie chinoise et méfiances indiennes

BRÈVES (1).

Chine – Pakistan.

Après son voyage en Inde, Li Keqiang s’est rendu au Pakistan les 22 et 23 mai, visite obligée de la diplomatie chinoise en Asie du Sud après chaque étape à New-Delhi. Les médias officiels chinois n’ont pas manqué de rappeler les liens indéfectibles des deux pays par leurs formules toutes faites comme « fraternité d’acier : 铁哥们 » ou « partenaire tous temps « 全天候伙伴 ».

Pour marquer cette proximité stratégique sans conditions, Li Keqiang a souligné lors d’un de ses discours : « si vous aimez la Chine, il vous faudra aussi aimer le Pakistan. 如果你爱中国,也请你爱巴基斯坦 ». Dans le même temps, comme s’il présageait une stagnation ou des difficultés, il appelait à un renouveau de l’amitié « pour qu’elle porte de nouveaux fruits 结出新硕果 ».

Un article du China Daily du 24 mai appelait également à augmenter les investissements chinois au Pakistan, notamment dans l’énergie, l’infrastructure, les télécoms et le secteur financier, pour « construire un corridor économique », facilité par la suppression progressive des droits des douane. L’auteur faisait écho à une déclaration de Li Keqiang soulignant que le Pakisan, 4e destination des exports chinois, était le premier pays d’Asie du Sud à avoir conclu un accord de libre échange avec la Chine et autorisé l’utilisation des monnaies chinoise et pakistanaise pour les échanges commerciaux.

L’article évoquait également, sans cependant s’étendre sur les difficultés qui jalonnèrent la mise au point technologique du projet, la coopération sino-pakistanaise autour du chasseur de combat JF-17, qui intéresse plusieurs pays du Moyen Orient, d’Amérique Latine et d’Afrique. Lire aussi Ambiguïtés sino-pakistanaises.

Enfin une dépêche de Xinhua rappelait que l’amitié sino-pakistanaise se nourrissait des risques géostratégiques perçus par la Direction politique à Pékin. Parmi eux la menace terroriste au Xinjiang a fait l’objet d’un communiqué commun pour lutter contre « le terrorisme, le séparatisme et l’extrémisme », avec en point de mire le « Mouvement islamiste du Turkestan oriental », désigné par Pékin comme une organisation terroriste.

Plus largement l’amitié entre Islamabad et Pékin est articulée autour de 4 objectifs majeurs du Bureau Politique : 1) Assurer la stabilité et la sécurité des provinces occidentales et le long des frontières avec l’Asie du sud et l’Asie Centrale ; 2) insérer les provinces occidentales dans un environnement transfrontalier propice au commerce et au développement économique ; 3) opposer une contrepoids stratégique à l’Inde en contrôlant son influence en Asie Sud-est ainsi qu’en Afghanistan – où Islamabad fut et est toujours le point d’entrée de Pékin - ; 4) freiner l’intrusion d’autres acteurs en Asie du Sud, plus favorables à New-Delhi qu’à Pékin. Lire aussi La mort de Ben Laden et les complexités du « Grand Jeu » chinois.

Si la proximité avec Islamabad ne permettait pas d’atteindre ces buts, la relation pourrait en être fragilisée. Nous n’en sommes pas là. Mais Pékin surveille avec attention la situation au Balouchistan, limitrophe de l’Iran et de l’Afghanistan et arrière pays du port de Gwadar, un des éléments clés de la relation sino-pakistanaise et point de départ du projet de pipeline devant relier la mer d’Arabie au Xinjiang.

La province, riche en ressources minières, est agitée par un mouvement séparatiste qui date de 1948, aujourd’hui supposé pro-taliban, qu’Islamabad et Téhéran soupçonnent d’être manipulé par Washington et New-Delhi, ce que l’un et l’autre démentent. Lors de « la journée noire » du 10 janvier 2013, trois des quatre attentats qui firent plus de 110 morts ont été perpétrés à Quetta, capitale du Baloutchistan.

Le 23 mai, au moins 12 personnes ont été tuées par une bombe déclenchée au passage des forces de sécurité dans la banlieue de Quetta. L’attentat a eu lieu à peine deux semaines après les élections générales au Pakistan, remportées par la Ligue Musulmane (PML-N) de l’ancien Premier ministre Nawaz Sharif, boycottées par les indépendantistes baloutches et les insurgés du mouvement des Talibans pakistanais (TTP).

En 2004, (attaque à la bombe qui tua 3 ingénieurs chinois) et 2006 (attaque contre un bus), les agissements terroristes du mouvement avaient directement visé les intérêts chinois dans la zone.

Chine – Suisse.

Le 24 mai, lors de sa visite en Suisse Li Keqiang a signé à Berne un accord de libre échange, deuxième de ce type avec un poids lourd de l’économie capitaliste occidentale, après celui conclu avec la Nouvelle-Zélande en 2008. La presse chinoise officielle l’a salué comme un jalon crucial de l’ouverture du pays, tandis que médias suisses considéraient qu’il s’agissait de « l’accord le plus important conclu par la Suisse depuis 40 ans. »

Pour Li Keqiang l’accord qui était le premier conclu avec une économie majeure du Continent européen « revêtait une importance capitale pour le libre commerce mondial ». Il survient alors même que l’Union Européenne et la Chine sont peut-être sur le point d’ouvrir une guerre commerciale à propos des subventions chinoises accordées à son industrie de panneaux solaires. A quoi Pékin répond que les Européens ne se sont pas privés d’accorder des subsides à leurs producteurs au nom de la protection de l’environnement.

Selon le ministère suisse des Affaires étrangères, l’accord sino-suisse concerne les échanges de produits industriels et agricoles, les barrières non tarifaires, la promotion d’investissements réciproques, ainsi que la coopération économique et technique, notamment pour la fabrication de machines outils haut de gamme.

Les deux pays, dont le volume des échanges a augmenté de 50% en 2011 pour atteindre 30 Mds de $, - qui fait de la Suisse le 7e partenaire européen de la Chine -, ont mis sur pied un comité conjoint pour mettre en œuvre l’accord et établi un mécanisme pour résoudre les différends. Les compagnies suisses opérant en Chine, comme Nestlé qui fut un des principaux appuis de la libéralisation des échanges espèrent que l’accord induira des bénéfices concrets pour leurs affaires.

Il est cependant peu probable que l’accord en négociation depuis 2011 permette des progrès substantiels du libre commerce de la Chine avec l’UE. Au demeurant il serait erroné de croire qu’il supprime toutes les barrières commerciales. Les montres suisses qui entrent dans la catégorie des produits de luxe sont encore taxées à 16% et le secteur de l’horlogerie suisse espère seulement que les droits de douane seront réduits à 12%.


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