›› Politique intérieure
Richesse du débat d’idées.
Le prolongement de la crise financière mondiale place la Chine face aux fragilités de son schéma de développement articulé autour de l’investissement public et de l’export, non seulement générateur d’inflation et d’inégalités, mais également mal adapté aux nouveaux défis de la société en pleine mutation.
C’est peu dire que le Parti sous la direction de Hu Jintao et Wen Jiabao, qui peut pourtant s’enorgueillir de flamboyantes performances économiques, de la construction d’infrastructures modernes et des retentissants succès des JO et de l’Exposition Universelle faisant suite à l’intégration de la Chine dans l’OMC, n’a pas réussi à édifier la « société harmonieuse », concept central de son action politique, jugée nécessaire après les rigoureuses et sévères mises aux normes économiques du marché de la période Jiang Zemin, Zhu Zongji.
L’échec de l’harmonie, ponctué par l’explosion des contestations et des méfiances d’une société de plus en plus rétive, aggravé par le sentiment que le système touche à ses limites a, en réaction, donné naissance au foisonnement des débats politiques rapportés par les médias tels que le Nanfang Zhoukhan 南方周刊- Sud Magasine –, Caixin 财新, où mêmes les grands organes de presse du régime, y compris celui de l’école du Parti et du Comité Central, Qiushi 求是 – « Quête de vérité » -, qui n’ont cessé de publier des opinions contradictoires, souvent très critiques.
Les idées définissent quatre grands courants qui s’expriment avec une vigueur d’autant plus audacieuse que les anciennes convictions héritées de Deng Xiao Ping perdent peu à peu de leur force, tandis que l’autorité morale et politique du Petit Timonier qui avait directement ou de manière posthume servi de caution à tous les Premiers Secrétaires depuis 1981, s’estompe progressivement.
Les déboires du réajustement social et de l’harmonie.
Le premier courant est celui de l’actuelle équipe encore en fonction. Arrivé aux affaires en 2007 avec la conviction que les succès économiques devaient s’accompagner d’une vigoureuse réponse aux attentes sociales et humaines de la société en mutation rapide, il encaisse de plein fouet les contradictions sociopolitiques, effets pervers d’une croissance déséquilibrée et des exigences nouvelles d’une classe moyenne en expansion et soumise aux sollicitations redoublées de l’information mondialisée.
En dépit de ses succès de prestige, des performances technologiques et économiques auxquelles s’ajoute un apaisement sans précédent de la question taïwanaise, la période commencée en 2012 est considérée par les critiques les plus sévères comme « une décennie perdue ».
L’harmonie promise par les slogans n’est en effet pas au rendez-vous, ni sur la scène stratégique où, mis à part Taïwan, de fortes tensions sont réapparues avec les voisins – Philippines, Vietnam, Inde, Japon - ; ni à l’intérieur, où la société est traversée par une crise de confiance, y compris au Xinjiang et au Tibet.
Au point que la Direction du Parti, reniant son esprit d’ouverture des premières années, s’est aujourd’hui repliée sur une position purement défensive, articulée autour du rappel des « valeurs morales chinoises », la critique de l’Occident, la censure et le contrôle de plus en serré de la société, des dissidents et des moyens d’information.