Your browser does not support JavaScript!

Repérer l'essentiel de l'information • Chercher le sens de l'événement • Comprendre l'évolution de la Chine

›› Editorial

La Chine agressive et conquérante. Puissance, fragilités et contrefeux. Réflexion sur les risques de guerre

Sous la surface des oppositions internes

Le changement de ton des responsables commerciaux des deux pays renvoie à la mise en garde de Kissinger, le 22 novembre dernier à Pékin : « Si les deux ne contrôlaient pas mieux leur rivalité stratégique – fond de tableau désormais irréfutable de leur relation -, ils glisseraient inexorablement vers un conflit aux conséquences plus graves que « celles des deux guerres mondiales qui ruinèrent la civilisation européenne ».

Sans préjuger de la mise en œuvre effective de l’accord alors que la demande chinoise affectée par la crise a sérieusement baissé [1] ces trois événements renvoient à quelques constantes de la politique de Pékin.

Il est en effet fréquent que des initiatives pragmatiques sur des sujets connexes tempèrent les effervescences nationalistes de la politique étrangère, elles-mêmes directement liées à la quête de légitimité intérieure agissant comme une surenchère.

Dans le cas de la relation sino-américaine, les échanges téléphoniques entre les responsables commerciaux montrent qu’une partie au moins de l’appareil répond au même souci de l’administration américaine d’apaiser les tensions, en dépit des aspects dangereux ou enkystés des différends (rivalité systémique globale, mer de Chine du sud, déséquilibre commercial, droit de propriété, respect du marché et vaste compétition technologique. Lire : Point sur la compétition technologique Chine – Etats-Unis.

En élargissant l’analyse à l’ensemble des relations commerciales on constate une rémanence lourde contredisant l’image « d’une guerre froide » avancée par certains commentaires. En dépit des accusations et des invectives, le rideau de fer n’est pas tombé. La situation inédite d’un commerce encore actif, dans une relation politique effondrée n’est en effet pas celle qui prévalait jusqu’en 1990 entre les alliés atlantiques et l’URSS, entre l’OTAN et le Pacte de Varsovie.

Alors que les données officielles américaines des relations commerciales montrent qu’au cours des 3 premiers mois de 2020, le surplus commercial chinois aux États-Unis s’est contracté [2], la projection annuelle pour 2020 des chiffres du commerce bilatéral, certes en recul, reste malgré tout à un niveau élevée à 391,6 Mds de $.

Ce qui, en glissement annuel, placerait pour l’ensemble de l’année 2020 la Chine au 3e rang des partenaires commerciaux de l’Amérique, derrière le Canada et le Mexique et devant le Japon (218,3 Mds de $) (source : Trade in Goods with China).

*

L’autre symptôme indiquant une faille dans le nationalisme anti-occidental est la mise en garde de Zi Zhongyun citée plus haut.

Elle vient 8 années après la directive n°9 définissant les 7 sujets politiquement tabous en Chine 七个不讲 (5 principes qui fondent les caractéristiques des pays démocratiques – valeurs universelles, liberté de la presse, société civile, droits civiques, indépendance de la justice - tabous auxquels l’appareil a ajouté « les erreurs historiques du Parti » et « les connivences entre les affaires et la politique ».

Ces deux dernières « interdictions » installaient à la fois une amnésie historique et une omerta sur les dysfonctionnements du système financier et ceux de l’appareil de production, deux occultations peu compatibles avec la marche d’un État moderne.

Après les essais critiques de Xu Zhangrun en résidence surveillée et les diatribes brutales contre le président Xi Jinping de Ren Zhiqiang disparu dans les geôles de l’appareil sans laisser de traces, la mise en garde de Zi Zhongyun rappelle qu’en dépit de la censure, malgré les brigades d’étudiants enrôlées pour dénoncer les professeurs (lire : Le Parti omniprésent met aux normes le système éducatif et les professeurs.), et au mépris du contrôle sévère exercé sur les institutions académiques, arrière-plan d’une paranoïa de surveillance de tous par tous, un esprit de liberté souffle toujours sous la surface en Chine.

*

Mais force est de reconnaître que, pour l’instant, alors que l’image de la Chine aux États-Unis s’est dégradée y compris par des jugements à l’emporte-pièce confinant au racisme, ce sont les harangues nationalistes et le rêve de puissance clairement exprimé contre l’Occident et ses « valeurs » qui dominent le débat hystérisé de la politique intérieure chinoise.

Leur virulence s’exprime sans réserve sur la scène internationale. Pour autant, face à l’agressivité conquérante, des vents contraires se sont levés. Du coup, le chemin vers l’échéance de 2049 et le rêve de grande puissance accomplie, capable de proposer un modèle de gouvernance concurrent de celui de l’Occident, apparaît soudain plus chaotique.

Note(s) :

[1Selon le magazine Caixin du 8 mai, au cours des trois derniers mois, les importations de soja américain ont doublé et celles de porc étaient en hausse. Pour autant, compte tenu de la chute des prix et de la baisse de la demande chinoise, Pékin aura du mal à tenir ses engagements d’achat de gaz et de pétrole américains.

[2Le déficit est passé de 79,97 à 53,89 Mds de $, comparé à la même période de 2019, soit, en glissement annuel, une estimation du surplus chinois en 2020 de 215 Mds de $ (à ce rythme il s’agit d’une contraction de 130 Mds de $ en glissement annuel, contredisant les commentaires selon lesquels le déficit commercial américain augmenterait).


• Commenter cet article

Modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Ce formulaire accepte les raccourcis SPIP [->url] {{gras}} {italique} <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

• À lire dans la même rubrique

A Hong-Kong, l’inflexible priorité à la sécurité nationale a remplacé la souplesse des « Deux systèmes. »

14e ANP : Une page se tourne

La stratégie chinoise de « sécurité globale » face aux réalités de la guerre

Que sera le « Dragon » ?

Brève et brutale crise boursière. Le prix de la défiance