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›› Editorial

La Chine agressive et conquérante. Puissance, fragilités et contrefeux. Réflexion sur les risques de guerre

Montée du nationalisme agressif et fracture avec l’Occident.

Ouverte par Kissinger en 1972, le fenêtre d’opportunité de la montée en puissance pacifique de la Chine 中国和平崛起 [3] est en train de se fermer, alors que l’aura chinoise de puissance douce s’est évaporée, brouillée par l’agressivité contre Taïwan, à Hong Kong, en mer de Chine du sud.

Ailleurs, les stratégies obliques de Pékin en Europe, la collection d’investissements stratégiques dans les sociétés de gestions portuaires ou de distribution d’électricité, ont fait surgir des réactions de défiance.

Aux États-Unis et, dans une moindre mesure en Europe où certains états membres tiennent néanmoins à ménager leurs relations avec la Chine [4], montent en écho les interrogations adressées à Pékin sur sa gestion initiale de la pandémie. Certains qui ne doutent de rien, sont allés jusqu’à demander des « réparations » à la Chine. Funeste réminiscence envoyant à la révolte ultra-nationaliste et xénophobe des « Boxers » à Pékin (1899 – 1901), vaincus par la coalition des puissances occupantes qui demandèrent « réparation ».

Aggravant la fracture avec l’Ouest, les diplomates chinois ulcérés, encouragés par Pékin dont le nationalisme s’alimente des réminiscences des humiliations subies par la Chine au XIXe siècle, ripostent avec une pugnacité provocante, souvent menaçante et punitive, donnant une image délabrée des relations diplomatiques de Pékin.

Enfin, la note du CICIR suggérant au pouvoir de se préparer à un conflit militaire avec Washington ajoute une touche de catastrophisme à ce paysage où tous les anciens repères d’une coopération raisonnable de la Chine avec les États-Unis et leurs alliés proposés par Kissinger, il y a un demi-siècle ont volé en éclats.

Au point que le 8 mai, le Secrétaire Général de l’ONU, Antonio Gutterres a appelé à cesser la désignation publique de boucs émissaires et les discours de haine.

*

Les Chinois l’ont compris. Les plus lucides savent que la poursuite du rêve chinois vers 2049 sera désormais placée sous le signe de la confrontation. Attisant le sentiment populaire par le rappel des humiliations infligées à la Chine par l’Occident, l’appareil cultive un nationalisme agressif dont le premier effet est d’isoler Pékin.

Shi Yinhong, professeur de relations internationales à Renmin (Université du Peuple) et conseiller du gouvernement concède que la relation sino-américaine est tombée au point le plus bas depuis 1972, année de la visite de Nixon à Mao. Pour lui, aucune des crises ayant secoué la relation depuis 48 ans n’a été aussi grave.

Qu’il s’agisse de celle ayant suivi la répression de Tian An Men le 4 juin 1989, ou le bombardement de l’ambassade de Chine à Belgrade, 10 ans plus tard, le 7 mai 1999, ou encore, quand le 1er avril 2001 un chasseur chinois J-8 avait percuté en vol au-dessus de Hainan un avion espion EP-3, qui fut suivi par la séquestration pendant 10 jours de son équipage américain.

Pour Shi, les relations déjà difficiles et heurtées depuis 2018 ont gravement été endommagées depuis la pandémie. Les discordes commerciales se sont dilatées en fractures idéologiques, puis en une rivalité géopolitique globale, tandis que le l’arrêt des vols commerciaux et le confinement ayant infligé de graves dommages aux chaînes d’approvisionnement globales, ont créé une rupture physique.

Plus grave encore, les sentiments populaires s’en mêlent. Une enquête d’opinion du « Pew research Center » révèle que 2 Américains sur 3 voient la Chine avec méfiance. Jamais la cote de la Chine et des Chinois n’avait aussi bas depuis 15 ans.

En Chine, les discours nationalistes et la xénophobie alimentés par la propagande publique diffusée par les médias créent une amertume et un sentiment d’injustice face aux critiques de Washington accusant Pékin d’avoir laissé filer les contagions en janvier.

Les Chinois à qui le Parti rappelle sans cesse la honte des abaissements d’il y a moins d’un siècle, ont le sentiment que c’est leur « ethnicité culturelle » qu’on attaque et « le parti communiste attise ce levier » dit David Zweig, titulaire de la chaire de sciences sociales à l’Université des sciences et technologies de Hong Kong.

Une fois de plus, mais cette fois confronté à une émergence puissante, rétive et agressive, dominée par une ambition globale, l’Occident est fondé de s’interroger sur les prochains mouvements stratégiques du Parti.

Note(s) :

[3Né au milieu des années 90, le concept était destiné à rassurer les États-Unis et l’Occident sur les intentions stratégiques de Pékin et éloigner le spectre de la menace chinoise. Prolongeant la pensée de Deng Xiaoping qui prônait la discrétion stratégique, il a été popularisé sous la présidence de Hu Jintao (2002 - 2012).

[4Même après la censure par la Chine d’un rapport de l’UE ayant critiqué la gestion par Pékin du départ de l’épidémie (lire L’insupportable pesanteur de la normalisation politique et du mensonge d’État.) les ambassadeurs des États membres et le représentant de l’UE en Chine ont, le 6 mai, tenu à marquer l’anniversaire des relations diplomatiques en cosignant un article dans le China Daily.

A la demande des Européens soucieux de leur part de marché en Chine, le bilan des relations Chine – Europe ainsi analysé n’évoquait que la face positive de l’histoire. Encore le texte a t-il été une fois encore censuré par le Parti qui fit supprimer la mention où les auteurs du texte disaient « grandement regretter » que Bruxelles ait accepté de se plier à la censure du régime.


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