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La démocratie directe et le défi des révoltes paysannes

Le Parti à l’épreuve des captations de terres.

Les yeux sont maintenant tournés vers Pékin qui craint une contagion, alors que les émeutes font l’objet de nombreux comptes-rendus des médias internationaux. Pour l’heure, les réactions semblent déployer une stratégie classique de division, encourageant les défections parmi les paysans, dont une trentaine a déjà accepté de quitter le village, et ciblant nommément les « meneurs », accusés d’incitation aux troubles.

En même temps, l’attention du pouvoir se tourne vers les cadres locaux soupçonnés d’avoir mal géré la controverse, tandis que reviennent à la surface d’autres affaires ayant impliqué la société Country Garden, dont l’actionnaire principale, Yang Huiyuan, 30 ans, éduquée aux Etats-Unis, fut désignée en 2006, par le magazine Forbes, comme la femme la plus riche de Chine, à la tête d’une fortune évaluée à 16 Mds de $, après que son père, fondateur de la société, lui ait légué ses parts.

Selon Xinhua, un autre investissement de Country Garden dans la province de l’Anhui aurait entraîné la sanction de dix cadres locaux accusés de corruption et d’utilisation illégale de terres. Le 10 août 2010, le journal Mingpao avait signalé que les actions de Country Garden avaient plongé pendant trois jours d’affilée, après que les autorités de l’Anhui aient mis fin à un projet de terrain de golf à Chaohu – 300 km à l’ouest de Shanghai -, partie d’un vaste ensemble de 1770 hectares qui violait la législation sur les projets immobiliers adoptée en avril 2010.

La quadrature du cercle.

A l’origine des captations de terres se trouvent les difficultés de financement des collectivités locales, prises entre les injonctions de l’Etat central qui leur impose la mise en œuvre de politiques publiques, et un système fiscal encore dans les limbes, très loin de pourvoir à leur besoins en liquidités.

Pour remédier à ces contradictions, les provinces ont imaginé d’autres sources de financement, dont plus de 25% reposent sur les revenus fonciers. La terre, propriété publique et laissée en usufruit aux fermiers, sert aussi de garantie pour les prêts contractés par les collectivités locales auprès d’institutions de financement parallèles, au fonctionnement très opaque. Voir à ce sujet l’excellente étude sur les dettes des provinces proposée par la Mission Economique française de Shanghai sous la signature de Romain Lafarguette et François Blanc.

Ce schéma, où l’on voit les gouvernements locaux livrés à eux-mêmes, se procurer les ressources nécessaires au financement de projets publics en utilisant, le plus souvent en conflit avec la paysannerie, les plus-values de la terre pour abonder leurs budgets, tandis qu’ils bénéficient au passage, parfois à titre personnel, des confortables bénéfices de l’immobilier, est à la fois un facteur important de la corruption des cadres locaux et le principal ferment des troubles liés au foncier en Chine.

Tant que ces contradictions ne seront pas levées, on peut craindre que les conflits de la terre, porteurs d’importants risques politiques, ne cesseront pas en dépit des sanctions appliquées au cadres locaux corrompus et malgré les répressions policières contre les paysans qui contestent, souvent avec violence, les évictions de terres dont ils sont victimes.

Plus largement ces dérèglements renvoient aux nécessaires réformes du schéma de développement qu’aujourd’hui beaucoup appellent de leurs vœux, en même temps qu’ils pressent pour une réforme politique, condition indispensable à l’élimination des blocages corporatistes.

Il s’agit de réviser de fond en comble le financement des collectivités locales toujours placées, par souci de centralisation politique, sous la tutelle financière de Pékin mais en partie privées de ressources fiscales. Depuis janvier 2011, des expériences sont en cours à Shanghai et Chongqing pour instituer les premières taxes à la propriété jamais mises en œuvre en Chine. Il reste que, comme à l’habitude, la réforme, qui heurte de nombreux intérêts dans l’oligarchie, sera lente et progressive.


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