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›› Chronique

La France et l’électro-nucléaire à Taiwan

Les trois options

TPC est donc, désormais, en 2020, dans une ambiance très particulière de haine anti-N des parlementaires et du gouvernement, devant les trois options suivantes :

(A) Insister pour poursuivre la construction des sarcophages sur les sites de ChinShan et de KuoSheng.

L’opposition des élus locaux est violente, unanime, dépasse l’usuel clivage KMT-DPP. Il y a peu de chances que les premiers sarcophages soient jamais remplis, et s’il l’étaient, cela retarderait et compliquerait le démantèlement des quatre tranches nucléaires en fin de vie. La population, même si les électeurs sont majoritairement favorables à l’électronucléaire comme l’a montré un récent référendum, y sera fermement opposée. Non sans raison.

(B) Conclure rapidement avec la France d’un enlèvement de la totalité des combustibles usés du Nord de l’île, pour retraitement à LaHague.

Cette option est la plus simple, et la plus économique, elle serait définitive. Mais elle se heurte à une profonde réticence ces élus DPP qui ne veulent pas admettre, de manière sectaire et religieuse, que « fermer le cycle du combustible » (comme en France) soit moralement acceptable.

Dans le non-dit des anti-N taïwanais, il y a donc un syndrome obscurantiste, d’autant plus facile à prendre en compte par des Français que c’est le Quai d’Orsay qui a fourni de manière délirante à Taïwan en grande partie l’argumentaire spécieux et qui a rémunéré - au coefficient colonial - le principal coach des anti-N taïwanais, le pittoresque « professeur » Jobin.

Mais, surtout, la France a fermé le dialogue à ce sujet, tant au niveau d’Orano que de ses tutelles et même d’organismes réputés indépendants comme l’ASN (qui refuse les rencontres et toute coopération avec les Taiwanais depuis le départ en retraite du Pr Lacoste (qui connaissait bien Taiwan).

L’opposition en 1995 de l’aberrant AG du CEA Philippe Rouvillois à Taiwan (et au recyclage…) est oubliée, mais le bilatéral franco-taiwanais n’est pas vraiment sorti - par la suite - des tourbillons des escroqueries franchouillardes lors des ventes d’armes (un tableau qui dépasse le périmètre de cet article).

De plus, tant qu’Areva était devenu propriétaire de l’ancien Framatome, la Chine y représentait une victoire historique et un bénéfice tangible, même s’il ne devait rien à Anne Lauvergeon et ses séides. Cela avait été longtemps auparavant le tout à fait remarquable succès de Jean-Claude Leny et de Dominique Degot : les quatre tranches de DaYa Bay, puis de LingAo (plus récemment deux EPR) et un très réel chiffre d’affaires.

Depuis que, dans la retentissante quasi-faillite d’Areva, l’ancien Framatome a été dévolu à EDF, Orano retrouve le périmètre de l’ancienne Cogema et doit admettre que la Chine avec quelques contrats dans l’amont du cycle et des entreposages à sec par sa filiale américaine n’est pas à la hauteur des enjeux du programme nucléaire chinois : les chances de contrats et de royalties sur la technologie du retraitement y sont peut-être illusoires, en tous cas bien loin des espoirs affichés et pas encore datés malgré des discussions qui n’en finissent pas.

La Chine qui a multiplié les visites de LaHague depuis trente ans pense en maitriser l’essentiel et ne pas avoir à payer des factures comme celles que les Japonais ont payé pour leur usine de recyclage à Rokkasho, au Nord de l’île de Honshu.

Les spécialistes (et les politiques) chinois partent du principe assez simple que leur gares et leur réseau ferré à grande vitesse ont largement dépassé l’expérience française et que pour l’électronucléaire, de la construction d’EPR en Grande-Bretagne pour le compte d’EDF, à une usine de retraitement en Chine, ils peuvent également avancer désormais pratiquement seuls.

A Rokkasho, les Japonais ont pourtant rencontré un problème en n’achetant pas, avec le reste du savoir-faire, le procédé français de vitrification des produits de fission. Il s’est ensuivi un goulot d’étranglement de la chaine du retraitement qui n’est pas étranger à la quantité de combustibles usés entreposés, avec les conséquences que l’on a observées, dans les piscines de Fukushima.

Pendant longtemps, les profits copieux de Cogema (puis Areva) à Taiwan (l’euphorique contrat de 1982) compensaient les dépenses somptuaires en Chine de représentants mal-choisis (sauf un, le premier, qui fit de son mieux pour neutraliser les lubies de sa patronne). Ce crédit est épuisé. La déception, pour ne pas dire les frustrations, d’Orano en Chine s’évacuent plus facilement en criailleries à propos de Taiwan (qui n’en peut mais) qu’en flatulences retenues à l’égard des interlocuteurs chinois — qui leur ont pourtant fortement appuyé sur le ventre.

Il y a donc - comme le résume un insider — un problème de caca nerveux d’Orano sur le dossier - qui perdure depuis la fameuse faïence de Louis-François Durret, même si son parfum et son souvenir se sont envolés dans les tourbillons des éoliennes que lui avait confiées Anne Lauvergeon - et qui se sont elles-mêmes envolées, Orano ayant enfin compris l’imbécilité profonde de cette filière démente de production électrique (qui automatiquement nécessite de bruler du gaz ou du charbon en proportion égale - sinon plus - au Kwh produits par ces monstrueux moulins, à vie courte et non-recyclables).

Pourtant l’espoir subsiste pour ce plan B, celui d’une solution écologique et paisible de recyclage en France des combustibles usés de Taiwan. Mais il n’est pas inutile de décrire en quelques paragraphes au préalable la troisième option que TPC devrait prochainement évaluer, car elle est la plus évidente et la plus logique, de manière intérimaire, en attendant que toutes les parties concernées recouvrent un peu de bon sens.

(C) L’option des châteaux double-usage :

La Suisse est un pays montagneux d’une dizaine de millions d’habitants qui dispose de 4 (depuis peu) tranches nucléaires opérationnelles. C’est comparable à Taiwan avec six réacteurs, puisque deux seulement restent en activité et quatre sont à l’arrêt en fin de vie. C’est un pays riche dont la population dispose d’une excellente éducation dans un régime démocratique. Taiwan devrait donc pouvoir s’identifier facilement à ce modèle.

Pour autant le centre d’entreposage de ZWILAG entre Bâle et Zurich n’est pas sur les itinéraires des nombreux Taiwanais qui sillonnent l’Europe en quête d’informations sur la fin de cycle de l’électronucléaire.

Ce centre est pourtant exemplaire. Il démontre que la totalité des combustibles usés, sur un siècle, de 5 réacteurs nucléaires peuvent tenir sur une surface très modeste, inférieure à un terrain de foot, dans un hangar banal d’une conception très simple, accessible par des tracteurs fort ordinaires, et que les visiteurs peuvent (même en fauteuil roulant comme ce fut le cas pour le seul Taiwanais à avoir fait le voyage) venir poser la main sur les châteaux d’entreposage qui ont servi au transport, les fameux double-usage(s).

En fait, à côté des châteaux contenant des combustibles usés, marqués d’une autre couleur, de l’autre côté du hangar, se trouvent des châteaux comparables contenant les produits de fission vitrifiés des combustibles qui ont été retraités à LaHague.

La Suisse, en effet, après avoir opté pour une politique de recyclage s’est donné le temps de la réflexion et conserve à ZWILAG une partie de ses combustibles usés — avant de choisir s’ils seront retraités ou non. Donc en attendant de décider en faveur soit d’un dispositif d’enfouissement en l’état, soit d’un recyclage.

L’option du château double-usage est donc prouvée et bénéficie d’un retour d’expérience dans un pays très sérieux. C’est un dispositif qui offre des avantages économiques et qui est facile à mettre en œuvre, d’une exemplarité compréhensible à tous les publics et dont la référence peut se visiter sans restrictions à tout moment. C’est surtout un dispositif qui reste ouvert, rapidement, sans frais, à toutes les options d’aval.

Cette option devrait donc être clairement comprise et étudiée à Taiwan. Elle ne l’est pas pour de bien mauvaises raisons, mais les mettre en évidence braquerait des fonctionnaires dont l’appui est nécessaire à une mise en œuvre paisible et intelligente d’une première étape vers une solution raisonnable.

Autant il peut être pédagogique, voire une sorte de vaccin, de mettre en évidence et ridiculiser les torts historiques de guignols comme Louis-François Durret à l’extrémité française, autant cibler les Taiwanais responsables de la confusion actuelle serait un exercice un peu injuste, périlleux et sans doute contre-productif ; si une solution optimale est possible, une sortie par le haut, elle doit être expliquée et encouragée sans froisser quiconque, en laissant à tous et à chacun le crédit d’avoir identifié et mis en œuvre une solution optimale acceptable par tous.

Un élément sensible, une sorte de verrou, reste à faire sauter : comment identifier l’emplacement le plus propice pour le déménagement dans l’île dans des châteaux double-usage ?

Parmi les sites d’ores et déjà disponibles pour un tel entreposage, sans le moindre danger, le foncier autour des deux tranches nucléaires de MaAnShan dans l’extrême Sud de Taiwan se prête admirablement à un tel transfert depuis le Nord de l’île, non pas par la route, mais par cabotage côtier, les deux extrémités étant dotées d’installations portuaires propres et faciles à mettre à niveau.

Le luxe le plus convaincant serait sans doute de louer un des ses navires à PNTL, l’armement franco-britannique qui possède la flotte spécialisée pour le transport des matières radioactives.

Autant la population de NewTaipeiCity (qui est concentrique de la municipalité de Taipei) sera ravie du départ des combustibles usés de ChinsShan et KuoSheng (et de la certitude qu’ils ne seront pas remisés ad aeternam dans des sarcophages sur site), autant il faut s’attendre à des réticences voire des protestations des électeurs du PingTung County, et plus précisément de la collectivité locale rurale (très peu dense en habitants) qui abrite les deux réacteurs PWR de MaAnShan, les tranches nucléaires 5 et 6 de Taipower.

En fait, plus que de réticences il s’agira d’espoirs de subventions diverses et variées — qui peuvent être légitimement accordées pour peu que les bénéficiaires soient des projets d’utilité publique et non pas des coquecigrues.

La construction de ces deux tranches, les deux PWR 7 & 8 à MaAnShan, montre il est vrai à une autre époque, que des installations nucléaires peuvent être bienvenues : à MaAnShan, le site a été originellement conçu et le foncier acquis et réservé - labélisé - pour 6 tranches nucléaires. Il y a donc cinquante fois le foncier nécessaire pour l’équivalent taiwanais d’un site de type ZWILAG.

Et le moment venu, les combustibles usés de MaAnShan n’auraient que la rue à traverser pour passer des piscines à un confortable entreposage passif à sec dans ces châteaux double-usage (sans sarcophage).

Organiser de multiples visites à ZWILAG aurait donc l’avantage de démontrer la solution au plan technique, mais également au plan de l’acceptation par les villages environnants.

Le plan d’explications vers le public environnant est assez simple à concevoir et à mettre en œuvre. Mais ce n’est pas le lieu pour le détailler en rallongeant un exposé déjà un peu longuet.

Ce qu’il est important de comprendre c’est que l’étude d’un tel transfert du Nord vers le Sud, de la dense agglomération du grand-Taipei vers le site bucolique de MaAnShan dans la pointe méridionale de l’île de Taiwan ne coûterait pas cher. Elle serait l’occasion de faire de la pédagogie, de relancer un dialogue social et scientifique indispensable vers un souhaitable - et très possible - consensus entre anti-N. et pro-N.

Si La France, revenue à de meilleurs sentiments à l’égard de Taiwan, en souvenir des profits historiques, et dans la perspective d’en réaliser d’autres, mettait en place la très petite équipe nécessaire à une remise en confiance, elle pourrait se greffer sur le transfert puisque la division TN d’Orano a, en concurrence avec l’allemand GNS, également des châteaux double-usage.

Et tout en fournissant navires, et une partie des casks, la France pourrait sans violenter les consciences continuer à faire visiter LaHague et exposer les avantages pour Taiwan de ne pas complètement négliger l’option du recyclage.

Pour être parfaitement entendue, cette option française devrait apporter une solution à la question du destin des produits de fission vitrifiés, dans le respect des lois française et autres qui interdisent l’exportation de déchets.

Tôt ou tard, toutes les parties concernées devront revenir à la table de travail (en l’occurrence celle d’un des meilleurs restaurants célèbre pour ses canards laqués de Pékin) où Viénet avait jeté avec succès, et avec le vice-ministre Liu KuangChi, les bases d’une solution bénie par la Chine et par Taiwan. Solution, on s’en souvient, avortée non pas la Chine, ni par Taiwan, mais par quelques naufrageurs français obtus et malveillants, aujourd’hui tous hors circuit.

L’épidémie de virus Covid-19 le triomphe électoral du DPP, l’hostilité attendue chinoise au rapprochement militaire entre Taipei et Washington (et accessoirement le contrat récemment mis à jour par Paris pour la mise à niveau et l’entretien d’une escadrille de cinq douzaines de Mirages), etc., semblent tisser un contexte défavorable.

Pourtant, il y a plus d’ingénieurs taiwanais qui ont - récemment - visité le site de BeiShan en Chine du Nord, celui envisagé de l’enfouissement des produits de fission vitrifiés chinois, qu’il n’y a eu de Taiwanais pour visiter - depuis quatre ans - LaHague.

La difficulté, puis l’obstacle, puis le délitement - il y aura bientôt trente années - d’une solution idoine n’était pas venu de la Chine ni de Taiwan, mais de France, plus précisément de quelques Français pathologiquement pervers, jouant contre leur entreprise et contre les intérêts industriels français.

L’un d’entre eux (le plus caricatural) a été, à dessein dans cet article, épinglé comme exemple de ce qu’il convient de ne pas tolérer si l’on souhaite que les chances de l’industrie française soient préservées et à nouveau favorisées.

Pour cela il n’est pas utile de réimplanter le bureau de liaison d’Areva à Taipei — que Orano a fermé voici quelques années avec le départ en retraite de la secrétaire qui y végétait. L’essentiel de la prise de conscience peut se faire en France, pour commencer : les éléments du brainstorming initial y sont largement disponibles.

Il serait presque plus utile qu’Orano ouvre une table-d’hôtes à coté de ZWILAG pour y escorter les nombreux Taiwanais qui devraient visiter ce site. A défaut, c’est GNS qui le ferait, à son avantage.

Une perspective est certaine, à brève échéance : il est possible de réinsérer la France dans le processus déjà lancé à Taiwan (avec le premier contrat de GNS) qui peut déboucher sur une solution optimale pour la France tout autant que pour Taiwan et les Taiwanais.


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Par Pieter Stern Le 25/02/2020 à 17h55

La France et l’électro-nucléaire à Taiwan

Un de vos meilleurs articles et ça n’est pas peu dire. Encore un exemple édifiant du brio de la France à l’étranger !

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