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›› Editorial

Les tribulations de l’axe sino-américain du monde

Le récent appel téléphonique de Donald Trump au président Xi Jinping a certes désamorcé les tensions autour de la question taiwanaise. Mais il n’a pas pour autant éliminé l’arrière plan de suspicions sur fond de sévères rivalités stratégiques de la relation sino-américaine.

Alors qu’après l’abandon du Trans Pacific Agreement, les pays de la région tentent de comprendre les contours de la nouvelle politique américaine en Asie, les points de crispation subsistent autour des relations commerciales, sur le sujet de la mer de Chine du sud et à propos de la question coréenne compliquée par le profond désaccord entre Washington et Pékin sur le projet américain, pour l’instant approuvé par Séoul, d’installer le THAAD sur le territoire de la Corée du sud.

A Pékin, le sentiment se renforce que Washington tente de freiner la montée en puissance de son rival stratégique chinois. Aux États-Unis, flotte la crainte existentielle du déclin de l’Amérique et l’idée insupportable pour « l’establishment » que la Chine pourrait lui ravir le rang de première puissance mondiale.

Sans surprise, la redistribution des cartes stratégiques et le surgissement de Donald Trump créent une hésitation dans la politique chinoise des États-Unis. Celle-ci balance entre, d’une part, l’ouverture de « realpolitik » prônée par Kissinger et Brzezinski et, d’autre part la vigilance stratégique exigeant des ripostes à la progression globale de l’influence chinoise.

Flottements de la politique chinoise de l’Amérique .

Le 26 février, le Washington Post rendait compte d’une récente interview de l’ancien ambassadeur des États-Unis en Chine, Max Baucus critiquant à la fois le manque de vision stratégique d’Obama et l’interventionnisme brouillon de Trump « dépourvu », a–il dit, « de la moindre connaissance de la Chine. ».

Puis il accusait l’establishment de Washington de ne plus avoir de vraie politique chinoise. « Alors que Pékin développe une stratégie de longue portée visant à asseoir une domination économique et une influence globales, les États-Unis se laissent distraire par les questions du Moyen Orient (…) Dans ce contexte, l’impression domine que la galaxie des Affaires étrangères à Washington a remisé la question de la Chine aux calendes grecques et ne traite que les contingences immédiates. »

Ses plus grandes frustrations : la trop faible implication d’Obama pour faire ratifier le partenariat trans-pacifique et son retrait par Washington, à quoi s’ajoute le manque de pugnacité de la Maison Blanche pour dénoncer le protectionnisme chinois et les harcèlements bureaucratiques dont les compagnies américaines sont les cibles.

Revenant sur les récentes transes de la relation sino-américaine provoquées par Trump à propos de Taiwan, caractéristique dit-il de « l’art du marchandage destiné d’abord à déstabiliser un concurrent commercial », il considère que l’épisode fut « une terrible “bourde“ ponctuée par une volte-face peu glorieuse ».

Reprenant les principales critiques de l’oligarchie contre le nouveau président, Baucus ajoute que ce dernier sous-estime la complexité de la diplomatie, « un art bien plus complexe que le marchandage commercial », oubliant que, « pour Pékin, Taiwan n’est pas un enjeu négociable. »

Après avoir repris les principales critiques anti-Trump sur les risques d’une fermeture commerciale des États-Unis « transformés en une île », l’interview a cependant souligné quelques qualités du nouveau Président. Sa capacité d’écoute, sa connaissance des dossiers en cours et la confiance optimiste que son contact inspire.

Enfin, appréciant sa double détermination à reprendre le problème chinois à bras le corps et à ne pas se laisser manipuler par Pékin, il exhorte la Maison Blanche à tracer des lignes rouges dans les secteurs économiques [1], la cyber guerre et la mer de Chine du sud et à se préparer à réagir au cas où elles seraient franchies, répétant que, « l’action vaut mieux que les paroles. »

La conclusion qui anticipe de nouvelles pressions de Pékin, confirme que la relation sino-américaine est bien sortie des anciennes bienveillances des années 90, articulant une politique américaine d’ouverture à la Chine dans l’espoir qu’elle se coulerait sans résister dans le moule d’un monde politiquement et économiquement calibré par l’Occident et les alliés de l’Amérique. « Il n’y a aucun doute à cela. C’est un régime autoritaire. Il continuera à nous tester et à faire pression sur nous ».

Une inquiétude stratégique globale.

Au même moment, le New-York Times déplaçait l’analyse des rivalités sino-américaines et des inquiétudes antichinoises de Washington au niveau stratégique global en revenant sur un sujet déjà évoqué par Question Chine en juillet 2015 : les angoisses du Pentagone face à l’installation de la marine chinoise sous son nez à Djibouti aux portes de la seule base américaine en Afrique, cœur et base arrière des opérations ouvertes et secrètes anti terroristes des États-Unis au Moyen Orient.

Lire notre article L’armée populaire de libération à Djibouti : une évolution notable des stratégies chinoises

Les raisons de la nouvelle emprise chinoise au demeurant très modeste avec ses 36 hectares comparés aux 230 hectares de la base américaine du camp Lemonnier, sont pourtant claires. Adossée à un nouveau port commercial chinois abritant une zone sous douane - voir la présentation du projet sans surprise assez grandiloquente -, la base militaire abritera 2 à 3000 hommes (?), des hangars de stockage d’armes et de munitions, des ateliers de maintenance pour navires et hélicoptères, 5 quais commerciaux et un quai militaire.

Naturellement, sa mission logistique sera d’abord dédiée aux engagements de la marine chinoise pour la lutte contre la piraterie dans la région et à la protection des convois d’hydrocarbures transitant par les détroits qui transportent 50% des importations chinoises ; elle sera aussi une base arrière des troupes chinoises engagées au Soudan et le cœur opérationnel des éventuelles répliques des missions d’évacuation de ressortissants chinois comme celles de février 2011 ayant extrait en catastrophe de plus de 30 000 Chinois de Lybie.

Lire : Le temps des crises

Rien n’y fait. En contradiction avec les insistances américaines exigeant que Pékin s’engage plus dans la gestion des problèmes de la planète, les analyses de la mouvance militaire américaine et d’une partie de l’establishment s’alarment. « La base chinoise de Djibouti est le signe de l’augmentation considérable des capacités globales de la Chine et de ses ambitions. » juge Andrew S. Erickson spécialiste de la marine chinoise au collège naval des États-Unis.

Plus encore, dessinant une situation où la méfiance s’enkyste inexorablement, les spécialistes des services secrets américains s’inquiètent ouvertement de la proximité du grand rival stratégique chinois à quelques kilomètres de leur grande base africaine où ils trament la plupart de leurs actions anti-terroristes au Moyen Orient et en Afrique.

La surprise exacerbée par les habitudes de secret des Chinois a encore accentué les crispations. Les Américains furent en effet pris de court par la décision de Djibouti rendue publique en 2016 d’accorder à la Chine un bail locatif de 10 ans alors même qu’en 2014, Washington avait réussi à tenir à distance les intentions du territoire d’accorder les mêmes facilités à Moscou. Peu après, la Maison Blanche craignant d’être en reste, annonçait le doublement du loyer augmenté à 63 millions de $ payés pour le camp Lemonnier en même temps qu’un projet d’investissement d’un milliard de $ pour rénover les installations.

Note(s) :

[1A ce sujet, Baucus reconnaît le pragmatisme de Trump, prenant ses distances avec l’accusation erronée que Pékin manipulerait sa devise, pour se concentrer sur des sujets plus réels et plus précis tels que le « dumping » par des groupes publics.


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