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›› Editorial

Les tribulations de l’axe sino-américain du monde

Le foyer de méfiances de l’Asie du nord-est.

Installée par le truchement de bases navales voisines, mais situées à plus de 8000 km des points de frictions stratégiques sino-américains les plus chauds, la méfiance entre Washington et Pékin ne faiblit pas non plus en Asie du Nord-Est où persiste le soupçon stratégique autour de la péninsule coréenne toujours placée sous de fortes tensions ; à quoi s’ajoutent les alliances américaines avec Séoul et Tokyo considérées à Pékin comme des survivances intrusives et antichinoises d’un autre âge.

Le discours chinois est cependant contredit par l’existence de la carte sauvage nord-coréenne, principal carburant du maintien des alliances américaines dans la zone et des vastes exercices militaires annuels baptisés « Fol Eagle » dont le dernier en date a commencé le 1er mars sur la péninsule coréenne, tandis que Kim Jong-un, dont la Corée du Sud certifie qu’il vient de faire assassiner son demi-frère, appelle à une « riposte sans pitié contre les forces ennemies ».

En arrière plan, l’incontournable risque nucléaire posé par Pyongyang et les positions difficilement conciliables des trois acteurs principaux empêtrés dans une profonde méfiance réciproque.

Trois acteurs irréconciliables.

Pékin, pour qui la Corée du nord est une indispensable zone tampon stratégique contre la mainmise américaine sur toute la péninsule, reconnaît le péril posé par son voisin, mais prône la négociation et l’abandon du « cercle vicieux » des sanctions ;

Washington dont l’influence stratégique est augmentée par le risque nucléaire et balistique, exige une plus grande fermeté de Pékin contre son allié rétif et préconise l’installation d’un système anti-missiles dont la Chine ne veut pas ;

Pyongyang, enfin, qui calcule que son arsenal nucléaire naissant constitue son principal argument de survie, rejette les conditions américaines de démantèlement préalable au dialogue, et vise la reconnaissance que lui procurerait un traité de paix signé avec les États-Unis, sa bête noire.

Le chassé croisé diplomatique qui a conduit Yang Jiechi, Directeur du groupe dirigeant des Affaires étrangères, ancien ministre des AE et ancien ambassadeur aux États-Unis (2001 – 2005) à rencontrer le Secrétaire d’Etat Rex Tillerson et Donald Trump le 27 février à Washington [2], tandis que Pyongyang qui accuse la Chine d’avoir « entonné la musique américaine », a, le 28 février, dépêché à Pékin le vice-ministre des Affaires étrangères Ri Kil-song, n’a, pour l’heure, pas permis de désamorcer les méfiances.

Elles s’expriment à Pékin par un éditorial du Global Times paru le 28 février préconisant des sanctions contre le « Chaebol » sud-coréen Lotte (agroalimentaire, distribution, tourisme, construction, bâtiment, génie civil, machinerie, finance, information, services et R&D) ayant proposé des terrains pour l’installation en Corée du sud du THAAD américain. « Lotte qui emboîte le pas des États-Unis, devenant ainsi la marionnette arrogante de Washington, trahit l’esprit de coopération (sic) régnant en Asie du Nord-est et exprime une fois de plus la volonté américaine de freiner la montée en puissance de la Chine ».

L’esprit fermé au compromis domine aussi à Séoul et aux États-Unis où, en marge de « Fol Eagle », les deux ministres de la défense Han Min-koo et James Mattis ont, dans un communiqué commun, insisté sur la nécessité de renforcer leur coopération militaire, promettant une riposte « écrasante à l’emploi de l’arme nucléaire par Pyongyang ».

Risques de dérapages en Mer de Chine du sud.

Dernier point chaud dans la panoplie des tensions sino-américaines, la mer de Chine du sud, symbolise les crispations entre les États-Unis champions incontestés de la puissance navale globale et la Chine, première puissance territoriale dont les projets d’expansion visent à s’approprier la surface maritime de la mer de Chine du sud grande comme la Méditerranée.

Après l’apaisement des tensions taiwanaises, ce théâtre est paradoxalement celui où un dérapage militaire paraît imminent, mais où des marges de négociation existent derrière le rideau, pour peu qu’elles soient bien mises à profit par des diplomates de talent réfutant les postures bravaches : Lire à ce sujet Mer de Chine du sud. Plongée dans la pensée paradoxale chinoise.

Pour l’instant ce qui domine c’est la tendance néfaste à la militarisation des ilots par la Chine, source d’inquiétude pour les pays de l’ASEAN d’autant plus sur le qui-vive que le désengagement de Washington de la zone les laisse sans grande possibilité de riposte. La réalité de l’installation par Pékin de système anti-aériens est progressivement attestée depuis novembre 2016 par les images satellites confirmant la construction plus ou moins avancée sur Gaven, Hughes, Johnson, Cuarteron, Fiery Cross, Subi et Mischief de fortifications abritant des systèmes navals à tir rapide contre des attaques missiles.

Ces nouvelles, contredisant les affirmations de la direction chinoise, dont celle de Xi Jinping ayant à la fois réaffirmé la légitimité culturelle et historique des droits chinois sur toute la mer de Chine et sa volonté de ne pas militariser les îlots, fut un des sujets de la dernière réunion des ministres des Affaires de l’ASEAN à Borocay aux Philippines.

Boracay, l’ASEAN sous l’oeil de Pékin et Washington.

Organisé par Manille dont le président Duterte s’est récemment rapproché de la Chine, le séminaire de la dernière semaine de février, a à la fois exprimé une inquiétude et la volonté de parvenir à un accord d’apaisement avec Pékin. Perfecto Asay, le ministre des Affaires étrangères philippin a résumé les préoccupations face à la militarisation des îlots et les espoirs que l’ASEAN parvienne à un accord avec la Chine cette année.

Alors que Manille a, depuis l’avènement de Duterte, réduit la voilure de sa contestation antichinoise (lire : Mer de Chine du sud. La carte sauvage des hydrocarbures. Le dilemme de Duterte.) et que plusieurs pays dont le Cambodge et le Laos épousent la position de Pékin, Yasay a tout de même souligné que la formulation d’un Code de Conduite comportant une clause juridiquement contraignante, dont il espère la signature d’ici le milieu de l’année, dépendra entièrement de la bonne volonté chinoise.

Pour autant, compte tenu de la déjà longue histoire inachevée du Code de Conduite lancé en 2002 et dont Pékin s’est toujours soigneusement tenu à distance, l’échéance de l’été 2017 apparaît irréaliste.

*

La méfiance et les malentendus demeurent. Pour l’instant, comme en Asie du Nord-est, ce sont « les bruits de ferraille » militaires qui dominent par manœuvres navales interposées.

Après une série d’exercices du porte avions Liaoning en janvier (lire notre article Première sortie d’entraînement du porte-avions chinois. Un « feu rouge » clignotant.) puis ceux de trois autres bâtiments de la marine chinoise dont un destroyer lance-missiles, entre le 10 et le 17 févier, la marine américaine a, engagé un groupe aéronaval composé des porte-avions Nimitz et Carl Vinson accompagnés des destroyers Arleigh Burke et USS Wayne.

Le 15 février, le porte-parole du Waijiaobu réagissait sèchement : « En vertu des accords internationaux la Chine respecte la liberté de passage et de survol en mer de Chine du sud. Mais elle s’oppose fermement à ceux qui violent sa souveraineté en nom de la liberté de navigation ». Dans un éditorial du 23 février, Le Global Times qui ne s’embarrassait pas de nuances diplomatiques, allait plus loin : « La mer de Chine du sud n’est pas la mer des Caraïbes. Les États-Unis ne peuvent pas s’y comporter de manière désinvolte ».

Note(s) :

[2Alors que Washington s’apprête peut-être à ajouter la Corée du Nord à la liste des « Etats terroristes », manœuvre symbolique destinée à faire pression sur Pékin, l’activisme diplomatique de la Chine vise à ouvrir le plus de canaux de communication possibles avec la nouvelle Maison Blanche.

Après la marche arrière de Trump sur la question taiwanaise, la voie est libre pour des rencontres avec les conseillers directs de la Maison Blanche, dont le général Mc Caster, remplaçant du Général Flynn démissionnaire et auteur du livre à succès « Deriliction of duty » (1997), violemment critique de l’administration Johnson et Mc Namara, accusés d’être responsable de la défaite au Vietnam.

L’autre conseiller rencontré par Yang Jiechi est Stephen Bannon qui attribue l’échec de la bascule stratégique d’Obama vers l’Asie à la faiblesse du dispositif militaire américain engagé dans le Pacifique, à la suite de la réduction du budget de la défense.


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