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›› Editorial

« Lianghui » 2021 : Quand Li Keqiang est au chevet socio-politique du pays, Wang Yi s’exerce à l’apaisement international

Pour faire oublier « les loups guerriers », Wang YI tente la bienveillance.

Adoptant un ton nettement plus conciliant et plus patient qu’en mai dernier, Wang a clairement eu à cœur de corriger l’image d’agressivité de la Chine. Dans un style plus apaisé, il a répondu à près d’une trentaine de questions portant sur un large éventail de sujets sensibles allant de la mer de Chine du sud à Hong Kong en passant par le Xinjiang et Taïwan.

En arrière-plan, dit Shi Jiangtoa du SCMP, presque tous les journalistes firent allusion à l’image internationale de la Chine, largement dégradée au moins en Occident à la suite de sa diplomatie agressive post-covid et à l’effondrement de ses relations avec les États-Unis et ses alliés.

Pour autant, ayant abandonné le vindicte du « Loup guerrier » adopté par sa diplomatie depuis 2019, il n’en a pas moins tenté de présenter la Chine comme la victime innocente du harcèlement des États-Unis et des autres puissances occidentales.

Sans faiblir, il a défendu « les nouvelles routes de la soie » secouées par la pandémie et riposté aux critiques à propos de Hong Kong et du Xinjiang dont il a rappelé qu’elles concernaient des affaires internes du pays. Plus généralement, tout son discours visait à présenter la Chine comme une puissance responsable, garante de l’ordre mondial, championne de la globalisation et du multilatéralisme.

Sur ces thèmes, son introduction avait des accents clairement lyriques : « Dans l’année qui vient la Chine compatissante, engagée, responsable et fidèle à ses principes, apportera au monde plus de chaleur et d’espoir ; sa contribution donnera confiance et force dans la poursuite du développement pour tous. »

La matrice généreuse et sûre d’elle-même d’une coopération « gagnant gagnant » et exemplaire du discours s’est appliquée à tout l’éventail des relations étrangères qu’il s’agisse de son environnement proche en Asie, du Moyen-Orient [4], de l’Europe, de l’Amérique latine ou de l’Afrique [5]. Avec, cependant très clairement l’idée sous-jacente que sur les questions controversées, l’apaisement en mer de Chine du sud et à Taïwan devait nécessairement passer par l’adoption des solutions de Pékin.

Sur ces malentendus, dans le sillage desquels surgissent assez vite les réminiscences des humiliations infligées à la Chine par l’Occident, lire la recension de l’article de Fu Ying, ancienne vice-ministre des Affaires étrangères et, depuis 2013, présidente de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée Nationale Populaire, publiée en 2018 dans le Quotidien du Peuple : Fu Ying analyse les tensions sino-américaines.

Évoquant les liens avec la Russie, Wang Yi est à nouveau devenu enthousiaste et inspiré, utilisant une longue anaphore. « Le partenariat stratégique sino-russe, déjà vieux de 20 ans, sera à l’avenir un exemple d’entraide et de confiance mutuelle, un exemple de coopération et d’investissements bénéfiques réciproques, un exemple de connexions amicales et culturelles entre les peuples, un exemple d’équité et de justice par la prévalence donnée au multilatéralisme, à l’autorité des Nations Unies, et au droit international. »

Pour Gu Su, professeur de sciences politiques à l’université de Nankin, Wang était en mission au nom de l’appareil : « Rassurer le monde, notamment les États-Unis, que la Chine n’était pas une menace et qu’elle ne contestait pas l’ordre international. » et, alors que le Parti fête son centième anniversaire, faire pièce au risque que se cristallise une coalition anti-chinoise.

Comparée à la récente déclaration du nouveau secrétaire d’État américain Antony Blinken considérant la Chine comme « le plus grand défi géopolitique » jamais posé aux États-Unis, Wang a tenté de minimiser les tensions sino-américaines, sans y parvenir vraiment.

Cinq sujets lui ont brièvement fait perdre son ton conciliant. En mer de Chine du sud, l’Amérique était un intrus prenant prétexte de « la liberté de navigation » pour créer un trouble dans la zone ; aux accusations de « génocide » au Xinjiang qui heurtent la dignité du peuple chinois, il a opposé l’histoire esclavagistes des États-Unis.

Sur le même thème, réponse du berger à la bergère, le 12 mars, le lendemain de la prestation Wang Yi, le Waijiaobu a saisi le Conseil des droits de l’homme à Genève, en se disant très « préoccupé » par les centres de détention « off-shore » de l’Australie où sont déportés les demandeurs d’asile. Pour faire bonne mesure, Pékin a également évoqué les accusations d’exactions commises par les troupes australiennes en Afghanistan entre 2005 et 2016.

A la question d’une journaliste de « China News Agency » sur la mise aux normes politiques chinoises de Hong Kong, il a rappelé que « durant l’ère coloniale, la R.A.S n’avait jamais connu la démocratie » et défendu la loi sur la sécurité nationale et la répression de la mouvance démocrate, dont nombre de figures sont accusées de sédition.

« Le passage de Hong Kong du chaos à la stabilité sert pleinement les intérêts de toutes les parties. Il fournira des garanties plus solides pour protéger les droits et les intérêts des résidents de Hong Kong et ceux légitimes des investisseurs étrangers. Nous sommes résolus à continuer de mettre en œuvre « Un pays, deux systèmes » par lequel le peuple de Hong Kong administre Hong Kong avec un degré élevé d’autonomie. »

A propos de Taïwan enfin, il a mis en garde contre les tentations de la précédente administration américaine de « franchir les lignes rouges » pour appuyer des forces séparatistes au pouvoir dans l’Île. « S’agissant de Taïwan » a t-il martelé, « aucun compromis n’est possible ». Puis, ignorant superbement la volonté des 24 millions de Taïwanais : « L’Île est chinoise et c’est au peuple chinois de décider de son futur ».

Note(s) :

[4A propos de l’Iran et du retour de Washington au sein de l’accord dit JCPOA, Le ministre a noté qu’il existait de lourdes différences entre Pékin et Washington, notamment celles des sanctions infligées par la justice américaine à ceux des pays, dont la Chine, qui coopèrent avec Téhéran. Lire : La Chine peut-elle contourner l’Amérique par l’Iran ?.

Sans oublier les très anciennes relations de la Chine avec la Perse (lire : Chine, Iran, États-Unis : Avantage Pékin. Retour sur la longue histoire entre la Perse, l’iran des Ayatollahs et la Chine), notons que Wang Yi est resté prudent et ambigu, tout en veillant à rester dans le jeu : « Cela dit, le JCPOA n’est certainement pas une panacée pour tous les problèmes au Moyen-Orient et dans la région du Golfe.

Pour d’autres questions concernant la sécurité régionale, la Chine a proposé la mise en place d’une plateforme de dialogue multilatéral dans la région du Golfe à condition que le JCPOA soit préservé. Diverses parties peuvent utiliser cette plate-forme pour gérer les différences et désamorcer les tensions grâce à des consultations et pour défendre conjointement la paix et la stabilité régionales. »

[5La coopération Chine – Afrique fut l’occasion de rappeler le Forum de dialogue Chine – Afrique (FOCAC, Forum on China – Africa Cooperation 中非合作讨论) dont c’était l’an dernier le 20e anniversaire. Le prochain sommet FOCAC aura lieu cette année sur les traces françaises au Sénégal, où le président Maky Sall a clairement joué la carte chinoise : L’Afrique, la Chine et l’Europe.

A cette occasion, Wang a rappelé que le commerce Chine – Afrique avait été multiplié par 20 et les investissements chinois par 100, pas seulement dans le secteur minier. Écartant les critiques de « néo-colonialisme », la Chine, dit-il, investit également dans la création d’industries locales. Durant la pandémie, elle a apporté une aide directe.

« Alors que nous coopérons à la construction de 30 hôpitaux, nous avons fourni près de 120 lots d’équipements d’urgence à l’Afrique, procuré des vaccins COVID à 35 pays dont 15 ont reçu l’assistance directe d’experts chinois. » Le discours édifiant balayait systématiquement toutes les critiques habituellement faites à la Chine d’investir seulement pour sa quête de ressources primaires. « Nous soutiendrons les efforts de l’Afrique pour vaincre le virus, renforcer la santé publique du Continent, accélérer son industrialisation et renforcer ses capacités de développement locales ».

Moins convaincant sur un terrain où la Chine n’a jamais pris la mesure réelle des tensions réelles ethniques et religieuses agitant le Continent, Wang Yi a même promis que Pékin « aiderait à accélérer l’intégration africaine, à trouver des solutions politiques aux points chauds et à maintenir la paix et la stabilité sur le continent. »


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