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›› Editorial

« Lianghui » 2021 : Quand Li Keqiang est au chevet socio-politique du pays, Wang Yi s’exerce à l’apaisement international

La prévalence de la question sociale.

Autre signe de vigilance socio-économique, les discours ont porté une attention plus soutenue que précédemment aux inégalités entre provinces, notamment aux difficultés des zones industrielles du nord-est.

Avec insistance, Li Keqiang a rappelé les efforts de son gouvernement pour offrir de nouveaux emplois. « L’emploi est le fondement du bien-être et du développement des personnes. » (…) « Il est aussi une source de richesse. », a t-il dit lors de sa conférence du 11 mars, ajoutant que l’appareil s’efforcerait de créer « pas moins de 9 millions d’emplois urbains, clés de la consommation et de la croissance positive de l’économie », ajoutant que le taux de chômage urbain à ne pas dépasser serait de 5,5% et celui de l’inflation à 3,5%, alors que, depuis 2018, il plafonne officiellement à 3,8%.

Un souci connu du régime, rarement évoqué dans des déclarations publiques diffusées dans le monde entier, la démographie. Sillage rémanent de la politique de l’enfant unique et conséquence de l’évolution des mentalités des jeunes générations, en 2020, les naissances ont chuté de 15%, à un taux jamais vu depuis sept décennies. L’effondrement de la natalité survient en dépit d’un important train de mesures pour encourager les familles à avoir deux enfants dont la charge financière joue encore comme un frein pour les ménages.

La chute des naissances s’accompagne du recul du nombre de mariages et de la hausse du nombre de divorces (QC avait abordé cette question en 2017 : Modernité et familles élargies. Emancipation des femmes et divorce). Sans donner de détails, Li Keqiang à promis de prendre d’autres mesures pour améliorer le taux de natalité du pays.

La retenue confinant à un blocage bureaucratique se perçoit également dans la lenteur avec laquelle sont levées les restriction du Hukou 户口, le passeport intérieur, dont la réforme est pourtant urgente pour relancer la consommation intérieure et favoriser la mobilité de la main d’œuvre.

La question est aussi sociale puisqu’elle touche la population de « migrants intérieurs » - 30% de la main d’œuvre urbaine – au statut social fragile. Selon le 14e plan qui prévoit de porter la proportion des urbains à 65%, la réforme devrait être mise en œuvre dans les villes de moins de 5 millions d’habitants par simple déclaration, tandis que les destinations les plus courues, offrant de meilleures opportunités d’emplois que sont les mégalopoles, garderont leurs critères d’éligibilité par un système de points.

Potentiellement la bascule qui mettrait fin au quadrillage administratif de la population, porte une nouvelle source d’inégalités. Pour les plus pauvres des migrants, les choix resteront limités aux villes moyennes dont les capacités financières et les services sociaux sont plus réduites. Certains ouvriers parmi les plus démunis – c’est un obstacle – hésitent d’ailleurs à abandonner leurs lopins de terre à la campagne. Lire : Les nouveaux « légistes » et l’idéal démocratique.

La question sociale a également été évoquée non seulement sous l’angle des inégalités entre riches et pauvres – sujet sensible et opaque au point que le régime ne publie plus son indice de « Gini » [3]– mais également sous celui du remboursement de soins, de l’aide aux personnes âgées et du prix des médicaments dont l’unification est encore loin d’avoir été réalisée.

Li a promis qu’à la fin de l’année prochaine tous les districts seront pourvus d’un centre de remboursement « interprovincial » où les patients d’où qu’ils viennent pourront être défrayés de leurs dépenses de santé. En même temps sera instaurée une assurance vieillesse pour 95% de la population. « Il est de notre responsabilité de soulager les anciens de ce fardeau ». Lire notre article : Systèmes de santé chinois : clés de décryptage.

Ambiguïté écologique et course à l’innovation.

Une des plus grandes interrogations au regard des déclarations précédentes du régime fut ce qui paraît traduire la perte de l’élan écologique et le retour aux déclarations d’intention peu crédibles.

S’il est vrai que les prévisions 2021 prévoient pour la première fois une réduction de 3% de la consommation d’énergie par unité de PIB, les objectifs du 14e Plan (réduction de 13,5% de la consommation d’énergie et de 18% des émissions carbone par point de PIB), paraissent un affichage hors d’atteinte. Lire : Le 14e plan quinquennal. « L’aménagement technologique du territoire » et le plan carbone. Au-delà des affichages.

Un rapport de la Commission de Développement cité par Bloomberg avant les deux réunions à Pékin confirme même que la Chine n’a pas l’intention de tourner le dos au charbon, mais qu’elle augmentera ses efforts pour développer les techniques de captage et de piégeage des émissions carbone tout en continuant à élargir son parc de centrales nucléaires et en portant la part des énergies non fossiles de 15% aujourd’hui à 20% à l’échéance de 2025.

Sur les hautes technologies, évoquées par un journaliste de CCTV qui semblait reprocher au gouvernement de privilégier la posture des succès spectaculaires et rapides, Li Keqiang a concédé la faiblesse de la R&D qui, dit-il, doit, elle aussi, être « consolidée », reconnaissant que la part de 2,4% du PIB qui lui est consacrée, contre 2,84 % aux États-Unis reste insuffisante. (Pour mémoire, la moyenne des pays de l’UE est à 2,22 %, la France est à 2,20%, l’Allemagne à 3% et à 3,37% en Suisse).

Le 14e plan promet d’augmenter le budget crucial de la recherche sur les micro-processeurs, cœur des hautes technologies et de l’intelligence artificielle, tout en fixant une augmentation de 7% des dépenses de R&D. Évoquant les risques de rupture des circuits de coopération dans le secteur des hautes technologues (lire : Avis de rupture du monde de la high-tech), Li Keqiang a rappelé que les explorations spatiales, la biotechnique, l’IA, l’Internet quantique, les moteurs d’avions etc. nécessitent la coopération internationale et des efforts conjoints.

« L’isolement ne mènera nulle part et la rupture des chaînes industrielles ou d’approvisionnement ne fera de bien à personne. » Ajoutant que « sur la base de la protection de la propriété intellectuelle, la Chine est prête à renforcer la coopération avec tous ».

Sur les sujets de controverse internationale, Li ne s’est pas écarté du discours officiel. A propos de Hong Kong dont il a annoncé la modification de la loi électorale dans son discours d’ouverture, il a insisté sur l’exigence patriotique.

S’il est vrai que l’exigence heurte beaucoup les démocrates qui y voient une un moyen d’écrémage de l’opposition, comment s’étonner que le nationalisme implacable de Xi Jinping réclame la loyauté des fonctionnaires et des élus. D’autant que, depuis 2016, a surgi dans le paysage de la R.A.S, l’insoutenable menace d’une rupture indépendantiste. Lire : A Hong Kong, Pékin impose le patriotisme électoral et éteint la mèche démocratique allumée par Chris Patten. ;

A propos de Taïwan, interrogé par la chaîne taïwanaise TVBS, il a rappelé les conditions de la reprise du dialogue officiel entre les deux rives. Le pouvoir à Taipei reconnaisse le « consensus de 1992 d’une seule Chine ».

La rivalité stratégique avec les États-Unis a été évoquée par un journaliste de CNN à la veille de la prochaine réunion bilatérale des ministres des Affaires étrangères à Anchorage, Alaska le 18 mars, la première de l’après-covid. A la question de savoir si Pékin était prêt à reconnaître que la responsabilité des tensions était à torts partagés, Li a préféré insister sur la nécessité du dialogue « Y compris sans perspective de solution immédiate, les échanges renforcent la confiance et dissipent les appréhensions ». (…)

« Alors que le commerce bilatéral sino-américain a atteint 560 Mds de $ en 2020 (note de la rédaction : dont 310 Mds de $ de déficit américain), en tant que membres permanents du Conseil de sécurité, nos deux pays assument une responsabilité importante dans le maintien de la paix et de la stabilité, comme dans la promotion de la prospérité et du progrès global. »

Les questions internationales avaient déjà été évoquées le 7 mars par Wang Yi, le MAE.

Note(s) :

[3En 2016, il était de 0,38, (au même niveau qu’aux États-Unis), contre 0,30 dans l’UE et 0,29 en France.


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