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Mer de Chine du sud : Pékin propose des exercices militaires à l’ASEAN. Décryptage

Une aggravation des tensions depuis 2012.

Extension des récifs de Johnson Reef dans les Spratly (200 nautiques à l’ouest de l’île de Palawan) par le génie maritime chinois.

Après la demande d’arbitrage déposée en janvier 2013 par Manille au tribunal sur le droit de la mer, par laquelle les Philippines contestent la ligne en 9 traits, la construction de nouvelles structures sur certains rochers submersibles et l’extension artificielle des récifs, Hanoi a, provoquant une forte irritation de Pékin, emboîté le pas en décembre 2014, faisant état des mêmes objections légales. La démarche fut suivie 5 mois plus tard par la mise à sac au Vietnam des zones de développement abritant non seulement des intérêts chinois, mais également taïwanais, coréens, japonais singapouriens et malaisiens.

Les cibles principales des mouvements de foules attisés par le pouvoir à Hanoi étaient d’abord les commerces ou des établissements portant des enseignes en caractères chinois. Une quinzaine d’usines furent brûlées et une centaine pillées. Le détonateur de ces explosions de violence anti-chinoises dont le bilan humain n’est pas connu, fut la présence dans les eaux adjacentes des Paracels que Hanoi convoite, de la plateforme pétrolière immatriculée HYSY-981. Mais après les échauffourées de mai 2014, Pékin n’abandonna pas sa stratégie visant à tester les réactions de Hanoi et indirectement celles de Washington.

La plateforme, en route vers l’océan indien, est en effet réapparue dans les parages des Paracel en janvier 2015, escortée par des bâtiments de combat. Peu après, un navire de recherche sismique chinois entrait dans la ZEE vietnamienne à 45 nautiques des cotes dans les parages de l’île de Phu Quy, à 100 nautiques à l’Est de Vung Tao (l’ancien cap Saint-Jacques), un incident que Hanoi avait à tort assimilé à une violation des eaux territoriales, tandis que Pékin aurait du informer Hanoi de ses intentions, comme l’exige le droit de la mer.

Le bétonnage des îlots. Un facteur de crise.

Les tensions bouillonnaient sous la surface depuis le printemps 2014, soulevant aussi l’inquiétude de New-Delhi et de Tokyo, quand, après le recours au tribunal international sur le droit de la mer par Manille, Pékin fut atteint d’une fièvre de bétonnage des 7 îlots des Paracel et des Spratly (Lire notre article Nouvelles tensions en mer de Chine du Sud). Le résultat de cette nouvelle et très spectaculaire initiative, amplement documentée par les satellites américains, fut que les riverains commencèrent à avoir la conviction d’être en face d’une nouvelle étape de l’appropriation par Pékin de la totalité de la mer de Chine du sud.

Par le truchement des zones maritimes contigües qui génèrent des eaux territoriales et des zones économiques exclusives, l’espace maritime autour des Paracel et des Spratly devenait progressivement une zone administrée par la Chine qui, désormais, se croit autorisée à y contrôler les mouvements des navires et des aéronefs.

La réalité du danger d’appropriation est perçue avec d’autant plus d’énervement par les 4 pays qui disputent à Pékin cette souveraineté, que la « ligne en 9 traits » chinoise passe par endroits à moins de 30 nautiques des côtes du Vietnam, des Philippines et de la Malaisie, c’est à dire très largement à l’intérieur des zones économiques exclusives. S’il est vrai que ces espaces sont juridiquement ouverts à la libre navigation, il n’en reste pas moins que les riverains y ont un droit de préemption sur tous les projets économiques.

Enfin, accusée de militariser la mer de Chine du sud, la Chine s’en défend et renvoie le grief vers Washington en rappelant les alliances militaires américaines et les incessantes patrouilles et manœuvres de l’US Navy. Mais, quand Pékin répète que les travaux conduits sur les îlots par le génie maritime chinois sont à vocation civile, Washington exhibe les images satellites de hangars pouvant abriter des chasseurs de combat et de 3 pistes d’aviation dont l’une, déjà achevée, est longue de 3000 m, sur les Paracel, tandis que 2 autres sont en construction dans les Spratlys.

Les crispations sino-américaines atteignirent leur apogée à la veille de la visite officielle du Président Xi Jinping aux États-Unis, quand au milieu d’autres griefs qui allaient des cyber-intrusions aux protectionnisme commercial en passant par la pollution, le dumping des prix et les manquements aux lois sur la propriété intellectuelle, Obama accusa la Chine de profiter de la puissance militaire pour exercer des pressions sur ses « petits voisins ».

Sur zone, les tensions se traduisirent par quelques incidents, des postures martiales et des menaces qui toutes concourraient à créer l’impression d’une dangereuse spirale. Déjà, en mai dernier, un appareil de patrouille américain, de type P-8A Poseidon, biréacteur dérivé du Boeing 737-800, avait été interpellé par les contrôleurs chinois qui lui enjoignirent de dégager la zone pour « éviter tout malentendu ». Pour faire bonne mesure, le Pentagone avait diffusé le reportage sur CNN.

Crispation chinoise et fausse placidité américaine.

Le 15 octobre, les médias chinois accusèrent les États-Unis de « provocations incessantes en mer de Chine du sud », alors que le Pentagone étudiait la possibilité, et le faisait savoir, de dépêcher des navires de guerre dans les nouvelles eaux revendiquées par la Chine. Le même jour, après une réunion des responsables australiens et américains, Ashton Carter, le secrétaire d’État à la défense, aussitôt soutenu par la ministre des Affaires étrangères australienne Julie Bishop, prévenait Pékin que le Pentagone allait continuer à envoyer ses unités navales militaires « partout où la loi sur la mer l’autorisait, y compris en mer de Chine du sud ».

En même temps, un éditorial du Global Times condamnait à nouveau « la politique de puissance de Washington » et ses « incessantes provocations », exhortant le pouvoir à Pékin « à ne pas tolérer les incursions américaines dans les eaux et l’espace aérien chinois et à se préparer à riposter en proportion du niveau de provocation ». Il ajoutait que l’envoi de navires de combat par Washington revenait à franchir une « ligne rouge » à quoi l’armée chinoise se devait de riposter.

Quant aux réactions officielles de Washington qui décrit les patrouilles comme des « opérations de routine », mais en réalité très préoccupé par les risques de dérapage militaire, elles ont été empreintes d’une placidité de façade, probablement parce que la position de la Maison Blanche n’est pas isolée. Les déclarations martiales de Pékin ont en effet également soulevé l’inquiétude dans la région, notamment des grands voisins que sont Canberra, Tokyo et New-Delhi.

En réalité, depuis plus d’un an et, en dépit des puissantes relations commerciales entretenues par Pékin avec tous les pays de la région, se cristallise dans la zone une inquiétude dont les conséquences les plus visibles sont l’augmentation générale des budgets militaires et le développement des liens de coopération de défense et de sécurité entre Tokyo, New-Delhi, Hanoi et Manille.

Pour Washington, l’aide militaire, même modeste, dispensée par Tokyo et New-Delhi aux deux « rebelles » philippin et vietnamien a l’avantage de désamorcer les critiques chinoises qui accusent la Maison Blanche d’attiser la militarisation de la zone.


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