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Chapitre III
Quelques instants auparavant, un cuisinier apportant de dangereux petits fours s’était quasiment fait braquer par les forces de police, à deux doigts de gâchette de neutraliser sur le champ ce dangereux terroriste et son chargement d’armes de distraction massive ; Le marmiton avait été embarqué pour interrogatoire et le plateau du délit avait été confisqué sur le champ, car la consigne était simple et formelle : aucune pâtisserie et aucune crème ne devaient pénétrer dans l’enceinte de l’hôtel. Biscuits secs et fruits en tranches étaient, à la rigueur, tolérés mais sous très haute surveillance.
Notre copain Grodaeg, n’écoutant que son courage, avait pu récupérer le plateau avant sa destruction et l’avait rapporté triomphalement dans la suite royale qui nous servait de QG opérationnel.
Mimille, notre quatrième mousquetaire, arrivé l’avant-veille directement de France, le suivait, l’air radieux, tenant sous ses aisselles, à la Cartier-Bresson, deux bouteilles de Grace-Vineyard qu’il venait de puiser de façon éhontée dans les caisses de pinard destinées au banquet du midi.
Mimille était une pièce rapportée. Le service l’avait employé dans une affaire délicate quelques années auparavant et il avait su convaincre de son inutilité indispensable. Il avait fini par se faire adopter comme mascotte et catalyseur d’incidents. Il n’avait pas son pareil pour faire diversion : avec Mimille planté au milieu d’un hall d’hôtel, vous pouviez sortir et rentrer dix fois de suite dans l’établissement sans que personne ne vous remarque... Il avait également une passion pour la gente demoiselle qui tenait à la fois de la passion, du grand art et de la prouesse technique. Avec sa taille fluette, son accent toulousain à mi-chemin du quartier de Portet et de celui des Minîmes, il maîtrisait toute les nuances de l’approche amoureuse, de la voix soft et paterne à l’attaque frontale avec biscotos en parade, en passant par le regard pathétique avec battements de cils en communion avec les battements du cœur de sa proie... En un mot, Mimille était un artiste dont nous ne pouvions plus nous passer...
Et le général avait réussi le tour de force de rassembler avec Mimille, Huang, Grodaeg et votre serviteur, son meilleur quatuor de has been, du genre d’Artagnan et les Quatre Mousquetaires dans un remake inédit de « Quarante ans après »...
Grodaeg s’était, pour la circonstance, habillé sobrement d’une ample saharienne beige qui laissait flotter librement son quintal et demi sans le gêner aux entournures, et d’un chapeau à l’Aristide Bruant tout à fait adéquat pour une approche discrète... Il avait sorti le tire-bouchon emboîtable en téflon qu’il avait eu tant de mal à faire passer aux contrôles de l’aéroport, composé d’une ingénieuse poignée cylindrique en acier dans laquelle venait se loger une vis rétractable. Il en avait hérité de sa voisine de palier, un soir où il l’avait consolée de n’être arrivée que deuxième au concours de Miss Sartrouville... Ce tire-bouchon lui avait coûté la peau des fesses et il y tenait donc comme à la prunelle de ses yeux. Il avait eu la peur de sa vie, lors de son dernier vol, à Roissy : Il avait dû passer plus d’une demi-heure à palabrer et négocier avant de pouvoir finalement franchir le portique de sécurité de l’aéroport, alors que son engin ne comportait ni lame acérée ni partie contondante.