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Pékin ce n’est pas de la tarte

Il avait entassé, sur sa plate-forme brinquebalante, des portes défoncées et des fenêtres arrachées, récoltées sur un des nombreux chantiers de démolition qui labouraient des pans entiers de la ville. Les roues de son attelage paraissaient frêles et fragiles sous le poids démesuré de son chargement qui le dépassait de deux fois sa hauteur, menaçant de s’écraser sur l’asphalte à chaque cahot de la route. Un énorme sac de bidons en plastique usagés pendait sur le côté, rythmant sa course d’un balancement lugubre.

Sa femme marchait derrière, accolée à la cargaison, qu’elle contrôlait et poussait à la fois. Elle avait fui sa campagne ; Son teint cuivré suffisait à la différencier des autres citadines. Ses bras tannés par le soleil émergeaient d’une robe de toile rêche grossièrement découpée ; Ses traits étaient fins et contrastaient avec les callosités de ses mains rugueuses. Derrière elle un tout petit garçon en guenilles la tenait par la robe, en suivant le convoi, l’air absent, absorbé par la danse des lanières de feuilles de magazines en papier glacé qu’il agitait au vent.

Le spectacle ne semblait pas émouvoir la foule ; Le peu de valeur du fret indiquait pourtant clairement à quel prix se bradait le travail humain. Mais personne, à part nous, ne prêtait attention à cet équipage dérisoire sur lequel les regards glissaient sans voir. Seuls les coups d’avertisseurs outrés des véhicules obligés de ralentir ou les sonneries nerveuses de quelques rares cyclistes plus pressés que la moyenne du flot apathique, parvenaient à nous faire croire à l’existence, autrement transparente, de ce vaisseau fantôme.

C’est juste à quelques mètres devant nous, qu’une BMW blanche, de cylindrée puissante, se rabattit sèchement pour éviter un vélo suicidaire, venant à sa rencontre ; Un cycliste acrobate, déséquilibré par une grande horloge à balancier ficelée sur son porte-bagages et par les trois poulets vivants ligotés à son guidon, venait, pour éviter le trou béant d’une plaque d’égout manquante, de se jeter devant les roues de la voiture, contraignant cette dernière à ce brusque coup de volant.

Surpris et emporté par l’inertie de son chargement, le tricycle, malgré tous ses efforts, ne parvint pas à éviter la berline et grava une mince estafilade sur le vernis brillant de la portière avant.

Le conducteur s’extirpa de la voiture, l’air mauvais, accompagné d’un acolyte gracieux comme un crotale dont on aurait écrasé la queue. Ils contemplèrent longuement les dégâts, touchant la plaie du doigt puis reculant pour mieux en diagnostiquer la gravité, hochant la tête et soupirant bruyamment et jetant des regards mauvais au conducteur du triporteur qui, de son côté, pour ne pas être en reste, inspectait le bois vermoulu de sa plate-forme et le parallélisme non-euclidien de ses roues de guingois...


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Par ErLangShen Le 6/10/2006 à 18h46

> Pékin ce n’est pas de la tarte

Il y a des moments comme çà où on ne voudrait pas que çà s’arrête, surtout en pleine courante...
Peut-on savoir si l’auteur de ces lignes inénarrables est aujourd’hui (DuanWu 2006) dans ce beau pays ?

Site indiqué : http://www.questionchine.net/articl...

Par Lé Hèm Le 14/01/2007 à 14h12

> Pékin ce n’est pas de la tarte

Bonjour Monsieur Gedoie,

Si vous avez besoin d’un outil de recherche avancée *, technologie 1980, en complément de votre téléphone j’en tiens un à votre disposition ...
Je viens de me plonger dans la lecture de votre dernier roman.

Plus que l’intrigue policière, c’est les tranches de vie, les moments de vie qui m’interessent (cf « le vendeur de sang »). Aujourd’hui, je suis attirée par les « impressions de chine », vos regards sur la chine.

Merci de satisfaire ma curiosité :
le cerf à queue de vache ...est-ce une réalité encore de nos jours ?

Bref, j’arrête là...pour poursuivre ma lecture... car j’ai envie de poursuivre.

* je viens de retrouver le nom : « minitel »
.........disponible à STRASBOURG

Par Anonyme Le 9/02/2007 à 10h52

> Pékin ce n’est pas de la tarte

trés bien super je suis entousiasmer par votre solution de défense des hipopotames en vois de reproduction selon le théoreme du pandatisme mais je sais que cela n’aurais pas pu se passé ds une ville comme naintré

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