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Photo : Le 25 juin dernier, à Taïwan des activistes prochinois souhaitaient la bienvenue à Zhang Zhijun, le président du Bureau des Affaires Taïwanaises à Pékin.
Quinze jours après la fête nationale du « Double Dix », 103e anniversaire de la République de Chine qui donna lieu à un discours politique de Ma Ying-jeou très controversé sur le comportement démocratique de ses opposants et à quelques semaines des élections locales connues à Taïwan sous le raccourci « 九合一选举 Jiu He Yi Xuanju - 9 en une - », prévues pour le 29 novembre, cette note fait le point sur la situation socio-politique et économique de l’Île, ainsi que sur l’état de ses rapports avec le Continent.
La trajectoire heurtée du rapprochement avec Pékin.
En arrière plan et malgré les visites croisées en Chine et dans l’Île de Wang Yu-chi, ministre taïwanais du Bureau des affaires continentales et de Zhang Zhijun, son homologue chinois, premiers exemples d’une reconnaissance officielle du statut de ministre du représentant taïwanais (un succès formel dont le KMT peut se prévaloir), plane l’ombre portée de la secousse politique du printemps dernier qui, avec l’occupation du Yuan législatif par le mouvement étudiant « du tournesol » 太陽花學 運 (Taiyang Huaxue Yun) mit un frein brutal à la ratification de l’accord sur les services avec Pékin.
Cette rupture dans la trajectoire supposée sereine du rapprochement entre les deux rives par le truchement de l’Accord Cadre, cheval de bataille du KMT, fut encore aggravée par la destitution en août pour compromission de secrets d’État, de Chang Hsien-yao, jusqu’alors à la tête de l’équipe de négociateurs de l’accord avec Pékin. Les conséquences de cet incident pour la relation de confiance dans le Détroit et pour le KMT restent à mesurer.
Riposte chinoise.
Autre évolution préoccupante pour la relation avec le Continent : au « mouvement du Tournesol » et au blocage de la ratification de l’Accord sur les services, la Chine riposta ouvertement en août, en faisant obstacle à un traité de libre échange avec la Malaisie, modifiant radicalement l’attitude de souplesse quelle avait adoptée à l’égard de Taipei depuis l’arrivée au pouvoir de Ma Ying-jeou en 2008. Le blocage par la Chine des traités de libre échange de l’Île avec d’autres pays vient s’ajouter aux difficultés commerciales sur le marché chinois nées du retard pris par le traité sur les services. Ces contretemps créent un important déficit de compétitivité face à la Corée du sud, le principal concurrent de Taïwan sur les marchés chinois et asiatiques.
L’ébranlement politique provoqué par ces événements qui recoupaient à la fois les malentendus de la relation avec le Parti Communiste Chinois et les divisions internes au KMT exprimées par la mésentente publique entre Ma Ying-jeou et le Président du Yuan Législatif Wang Jin-pyng, est survenu en même temps que l’arrêt en avril du chantier de la 4e centrale nucléaire. Alors que la centrale était terminée à 97%, sa construction fut stoppée par les protestations de la société civile suite aux remises en question sécuritaires de l’après-Fukushima.
Glissement de la jeunesse en faveur de l’indépendance.
Étape cruciale avant les 6e présidentielles de 2016 où seront élus les maires, les conseillers de communes et les gouverneurs-maires des 6 « municipalités spéciales » (Kaoshiung, Nouveau Taipei, Taichung, Tainan, Taoyuan, Taipei), le scrutin de la fin novembre et la campagne qui le précèdera testeront les rapports de forces politiques, alors que la désaffection publique dont souffre le KMT et Ma Ying-jeou s’accompagne d’un glissement de l’opinion, notamment des plus jeunes générations, en faveur des forces politiques qui soutiennent l’indépendance de l’Île.
Toutefois, compte tenu de la crainte assez générale de l’opinion d’un regain de tensions avec la Chine, il n’est pas certain que ce lent mouvement de conscience des jeunes générations en faveur d’une identité politique séparée du Continent se traduise concrètement dans les urnes à la fin novembre.
Le dernier sondage publié le 15 août donnait un pourcentage d’opinions favorables pour Ma Ying-jeou tombé à 23%, tandis que le KMT ne recueillait que 23,6% de réponses favorables contre 27,3% à l’opposition indépendantiste du DPP, dont la présidence est, depuis mai 2014, à nouveau assumée par Tsai Ing-wen, candidate malheureuse aux présidentielles de 2012 et présidente du DPP entre 2008 et 2012.