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Tempête existentielle au parti indépendantiste

Les embarras du dialogue avec Pékin.

Alors que la plus virulente critique adressée à Tsai Ying-wen venait d’Annette Lu, l’ancienne vice-présidente de Chen Shui-bian, qui stigmatisait la faiblesse du leadership, le manque de clarté de ses positions économiques, les indécisions de la lutte contre la corruption interne au DPP, le flou de sa politique chinoise, un consensus s’est tout de même dégagé autour de l’idée qu’il fallait corriger l’impression que le DPP était porteur d’une rupture hostile avec Pékin.

L’autre idée avancée aux cours des débats vise à rapprocher le DPP du « consensus de 1992 » et de la reconnaissance « d’une seule Chine », selon certains, seule voie réaliste pour établir un dialogue constructif avec Pékin.

C’est également Franck Hsieh qui a ouvert ce chemin dès janvier 2011, en proposant de remplacer le « consensus 1992 », que le DPP ne reconnaît pas, par une formule pouvant rallier tous les Taïwanais, comme par exemple « interprétations respectives de la Constitution ». Pour l’ancien premier ministre, la loi fondamentale taïwanaise étant, pour l’instant, celle de la République de Chine, c’est sur elle que devrait porter le consensus à l’intérieur de l’Ile et entre Pékin et Taipei.

Franck Hsieh considère aussi que la référence constitutionnelle contient en filigrane l’idée que Taïwan et la Chine sont bien deux entités séparées. Elle renvoie bien plus à une exigence de souveraineté que la formule d’une seule Chine, contenue dans le consensus de 1992.

Il ajoute : « s’il advenait que la Chine communiste nous refuse l’appellation de République de Chine, inscrite dans notre constitution et qui nous donne plus de dignité que le “consensus d’une seule Chine”, alors il serait temps de changer la constitution (…) “Une seule Chine avec deux interprétations de part et d’autre du Détroit” qui est l’interprétation du KMT, implique déjà que les deux rives sont parties d’un même pays. (…) Alors que ma proposition, qui renvoie à deux constitutions indique que nous sommes en présence de deux entités politiques séparées ».

Au total, on voit bien que les pirouettes sémantiques et juridiques sont des artifices pour résoudre la quadrature du cercle à laquelle est confronté le DPP, obligé par nécessité non seulement électorale, mais également géostratégique et économique, de nouer de meilleures relations avec Pékin, lesquelles sont éminemment sensibles, compte tenu des intentions de réunification clairement affichées par la Chine.

L’ancien premier ministre qui, là aussi doute de la possibilité que ses idées teintées de juridisme triomphent, reconnaît lui-même la difficulté. Il souligne en effet que Pékin ne peut pas accepter une relation trop clairement marquée par la différence de statut politique et ouvertement fondée sur la notion de deux pays séparés. Lucide, il conclut : « et le fait qu’elle accepte, indique que nous nous engageons dans une voie dangereuse (…) Les stratégies taïwanaises susceptibles d’être acceptées par la Chine risquent toutes de ne pas être à l’avantage de Taïwan ».

En attendant, la situation porte le risque de brouiller le message du DPP, dont le cœur est toujours exprimé par la vision de Peng Ming-Min énoncée dès la fin des années 60. Elle véhiculait le combat sans ambiguïté contre « le concept d’une seule Chine » qui, aujourd’hui encore, constitue la base politique du rapprochement dans le Détroit. Aux arguments ethniques et historiques avancés par Pékin et le KMT en faveur de la réunification, il oppose sa propre vision, soulignant que la proximité culturelle et ethnique ne peut, en aucun cas, être la condition suffisante de l’unité administrative et politique.

Il n’est pas étonnant que, confronté à autant de contradictions et de pièges, le parti flotte et cherche sa voie. Si tout le monde a bien compris qu’il était urgent de modifier l’image du DPP et le style des relations avec la Chine, rares sont ceux qui ont une idée arrêtée sur la manière de s’y prendre. Les propositions les plus pragmatiques sont peut-être venues de la vaillante Chen Chu, maire de Kaohsiung, une des plus actives militantes de la démocratisation de l’Ile, qui fut emprisonnée six années au début des années 80.

Récemment désignée pour diriger le DPP par intérim après la démission de Tsai, Chen a promis de développer des liens personnels avec le PCC en multipliant les visites locales dans le cadre des relations d’affaires. « Nous espérons faire évoluer la situation en proposant un apaisement à tous les secteurs de la société chinoise et augmenter ainsi le niveau de compréhension mutuelle ». Dans les plus hautes strates du parti chacun comprend aussi que l’interaction la plus large avec la société chinoise a pour but de mesurer les fragilités politiques du corps social chinois qui, elles-mêmes, pourraient constituer autant d’opportunités d’actions et augmenter la marge de manœuvre du DPP.


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