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›› Editorial

Vents contraires

Source Chris Buckley, New-York Times / 7 septembre. Récemment, Xi Jinping a inspecté les campagnes au milieu d’insistantes rumeurs faisant état de pénurie alimentaire ; il a encouragé les secteurs dont les profits sont en baisse et luttant pour la reprise ; il a visité des centres de recherche pour exalter l’innovation technologique, alors que le harcèlement américain menace de couler Huawei ; en arrière-plan, le n°1 chinois exprimait le souci d’une réforme économique pour augmenter la capacité autonome du pays en vue de vents contraires post-pandémie au milieu d’incertitudes face à une demande globale en baisse et la montée des hostilités contre la Chine.


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L’analyse de François Danjou offre une vue transversale des événements dont l’arrière-plan général est, à l’intérieur, un reflux de la popularité de Xi Jinping au moins chez certains intellectuels et un questionnement sur la pertinence de l’action extérieure de la Chine.

Elle ne prétend pas faire le tour de la question, ni préjuger de l’évolution des rapports de forces, mais elle propose un arrêt sur image au moment où, en Chine même, et malgré la censure, le Parti ne peut plus se prévaloir d’une unité sans faille autour de la gouvernance de Xi Jinping.

S’il est possible d’affirmer que l’opinion publique chinoise soutient l’actuel Bureau Politique dans son bras de fer avec l’Amérique, il n’en va pas de même de tous les intellectuels. Des craquements apparaissent en effet ici et là, traduisant une usure de l’enthousiasme qui il y a encore quelques mois accompagnait les discours sur le « rêve de renaissance de la Chine – 中国 复兴 梦 - ».

Les principales critiques fustigent un style de gouvernance autocrate ayant fermé tous les débats à l’intérieur du Parti et éliminé les nuances et les voix contraires au prétexte de la lutte contre la corruption.

A l’extérieur, il est vrai que Pékin peut encore se prévaloir de nombreux soutiens dans le Tiers Monde, en Afrique, en Amérique Latine, au Moyen Orient, en Amérique du Sud, en Russie, en Iran et en général de tous ceux qui détestent l’Amérique.

A ce sujet, un des meilleurs exemples de la fracture entre d’une part, les appuis internationaux de la Chine loin d’être négligeables et, d’autre part ses détracteurs, essentiellement Occidentaux, reste encore le contraste dans la manière dont les deux camps apprécient la politique de Pékin au Xinjiang.

A ce sujet, lire l’analyse de J-P. Yacine de juillet 2019 qui faisait l’inventaire des appuis de Pékin à propos du traitement infligé aux Ouïghour, que l’Occident tout entier condamne avec de plus en plus de mordant : Controverses globales autour du traitement des Ouïghour. Pékin rallie un soutien hétéroclite et brouille la solidarité des musulmans.

L’autre face de cette réalité est que la nébuleuse des critiques de Pékin prend de l’ampleur dans la presque totalité des pays occidentaux. Vue des États-Unis et d’Europe et en dépit des discours de l’appareil sur l’ouverture internationale et le désir de paix du régime, dont le président Xi Jinping a présenté un concentré lors de son discours à la dernière AG des Nations Unies à la fin septembre, la Chine de Xi Jinping suscite de sérieuses inquiétudes.

La préoccupante épine dorsale des stratégies extérieures de Pékin donne en effet l’image de la contestation du droit international notamment en mer de Chine du sud (lire : En mer de Chine du sud, les limites de la flibuste impériale chinoise) et, appuyé par une affirmation nationaliste sans mesure, celle d’un positionnement anti-occidental aujourd’hui attisé par le souvenir des humiliations infligées au XIXe siècle à la Chine par les « Huit puissances » (sur ce sujet, voir une mise en perspective, en Annexe I.).

Tandis que Pékin remet en cause en les critiquant ouvertement les principes démocratiques qui fondent la colonne vertébrale des régimes occidentaux dont, il est vrai, la frénétique dérive individualiste accentue la vulnérabilité, l’affirmation de puissance de la Chine a allumé de nombreux contrefeux contre Pékin.

Taïwan, une très symbolique incandescence.

Le montage montre Xi Jinping qui monte les enchères de la réunification avec Taïwan à hauteur d’une exigence patriotique incontournable. Il est dans la lignée de ses prédécesseurs. Mais avec le « rêve de puissance de 2049 », échéance ultime de la réunification, il ajoute une exigence de calendrier dont le premier effet est d’attiser les angoisses des Taïwanais, tous opposés à la réunification avec le système communiste.

Aux pressions de Pékin, Washington réplique en multipliant les visites de haut niveau dans l’Île donnant le sentiment de tourner le dos à la prudence stratégique des « Trois communiqués » des années 1980 que la Maison Blanche avait respectés jusque-là, au moins dans la forme.

En réaction, Pékin multiplie les incursions de ses chasseurs de combat au-delà de la ligne médiane du Détroit, tire des missiles balistiques DF-21 et DF-26 « tueurs de porte-avions » au sud de Hainan (lire : La puissante menace régionale des missiles chinois) et organise des manœuvres à proximité de l’Île, tout en mettant en garde la Maison Blanche contre le « franchissement des lignes rouges ».

Face à Xi Jinping, Tsai Ing-wen, la présidente et Lee Teng-hui décédé le 30 juillet dernier, ripostent en faisant des enjeux dans le Détroit le symbole de la défense des principes universels de la démocratie.


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Mais tout compte fait c’est dans le Détroit de Taïwan que se cristallise le plus clairement le choc entre d’une part l’impératif politique d’unification normalisée au nom des « caractéristiques chinoises » et de l’histoire et, d’autre part, l’exigence démocratique que l’actuelle Présidente Tsai Ing-wen, harcelée et ostracisée par Pékin à cause de son projet de rupture avec le Continent, érige en flambeau autour duquel elle tente de rassembler les démocraties de la planète. Lire : A Taïwan, la pandémie éclaire la brutalité de Pékin.

La rédaction.

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A l’intérieur, des figures politiques contestataires existent et s’expriment. Si elles restent en Chine, elles risquent gros, comme Ren Zhiqiang, milliardaire et membre du Parti. Fils d’un vice-ministre et blogueur turbulent suivi par plus de 30 millions de lecteurs, il avait traité Xi Jinping de « clown ». Pour cette raison, il vient d’être exclu du Parti et condamné à 18 ans de prison.

A Qinghua, le professeur de droit international Xu Zhangrun a été démis de ses fonctions pour avoir dénoncé la dérive fascisante du régime articulée au retour en force du culte de la personnalité de Xi Jinping dont l’expression fut éclatante à l’occasion du défilé militaire du 1er octobre 2019, avec ses foules compactes, sa masse des défilés martiaux et le retour des portraits géants qu’on croyait oubliés.

Plus prudente, Cai Xia, professeur de droit à la retraite de l’École Centrale du Parti a attendu d’être réfugiée aux États-Unis pour lancer un message critique en ligne de 20 minutes.

Après avoir accusé le président de manipuler à son profit le Parti comme le ferait « un chef mafieux », au point que l’appareil a été transformé, dit-elle, en « parti zombie », elle a, ne doutant de rien, demandé à ses anciens collègues de démettre le Président de sa fonction.

Émanant non plus d’intellectuels, mais d’une cadre supérieure de l’appareil politique, qui plus est issue du creuset idéologique du Parti dont elle exprime, au moins en partie, la pensée critique, la contestation à l’égard du dirigeant suprême a manifestement changé de nature. La machine reste fermement en charge, mais désormais la propagande affirmant l’unité de la Chine derrière le n°1 n’est plus tout à fait exacte.

La brutalité de la norme uniformisée imposée par Xi Jinping a récemment soulevé un contrefeu en Mongolie intérieure peuplée de 4,5 millions de Mongols où, à la fin août, des élèves et leurs parents ont organisé un boycott général des cours pour protester contre le recul de la langue mongole dans plusieurs matières. Face à la fronde le Parti est resté de marbre.

Le 3 septembre, Hua Chunyin, la porte-parole du Waijiaobu, interpellée sur le sujet a, exprimant la priorité inflexible de Xi Jinping, rappelé que « le Mandarin écrit et parlé était un symbole de souveraineté nationale. » (…) « C’est le droit et le devoir de chaque citoyen d’apprendre et d’utiliser la langue nationale parlée et écrite commune ».


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