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›› Editorial

A l’orée de l’année du cochon, bilan discordant de l’année du chien

Les routes de la soie sur la sellette.

En phase avec les crispations de Washington encore exacerbées par la crainte des élites américaines angoissées par le recul de leur magistère global, la méfiance contre le projet d’influence géopolitique des « nouvelles routes de la soie » s’est élargie à l’Australie, à la Malaisie au Vietnam, à l’Indonésie, à la Nouvelle-Zélande, au Sri Lanka, aux Maldives, à l’Afrique et à l’Europe.

En juillet, le voyage de Li Keqiang en Europe où il rencontra Angela Merkel sous une forte pression interne des critiques allemands à la Chine sensibles à l’idée que les « caractéristiques chinoises » véhiculaient un projet politique anti-démocratique, avait aussi pour objectif de démentir les accusations de Bruxelles selon lesquelles le dialogue sino-européen dit des « 16+1 » entre Pékin et 16 pays de PECO était en réalité une manœuvre pour diviser l’UE.

Méfiances allemandes et européennes.

Pékin n’est pas fermé aux critiques. Un recadrage des routes de la soie est en cours. Prenant acte des dérapages, craignant un emballement, le régime a ordonné à ses banques de travailler en liaison avec la banque mondiale et l’Agence Française de Développement pour vérifier la viabilité des projets, tandis que le nombre de contrats signés dans les pays cibles des « Nouvelles routes » a baissé de 28% au cours des 8 premiers mois de 2018.

A la fin août, suite aux déclarations du gouverneur de la Banque Centrale Yi Gang alignées sur les promesses de Xi Jinping au 19e Congrès, la Commission de régulation bancaire ouvrait le système bancaire chinois aux investissements étrangers, déclenchant un vague d’optimisme parmi les analystes, en dépit de la forte rémanence des banques publiques monopolisant la quasi totalité de l’épargne. Lire : Ouverture financière et contrôle politique.

En conflit avec Washington, Pékin a tenté d’éteindre les contrefeux européens en réservant d’abord ses efforts à l’Allemagne son partenaire privilégié dans l’Union.

Après les nervosités allemandes marquées par le raidissement politique bloquant le rachat du fabricant de robots Kuka en 2016 par le groupe chinois Midea (lire : La nouvelle agressivité des groupes chinois à l’international mise en perspective.) suivies en 2018 d’une riposte financière pour empêcher le Chinois « State Grid » de prendre la majorité des parts dans le distributeur électrique allemand 50 Hertz (lire : L’énergie globale, selon China State Grid.), à quoi s’ajouta le veto de Berlin ayant rejeté le rachat par un groupe chinois du fabricant de machines outils Leifeld Metal Spinning - AG, Pékin a multiplié les gestes de bonnes volontés à l’égard de Berlin.

Lors de son passage en Europe en juillet Li Keqiang a signé avec Angela Merkel 23 milliards de $ de contrats commerciaux impliquant BASF, BMW, Volkswagen, Daimler, Siemens, et Bosch. Surtout, concessions industrielles et commerciales majeures et pied de nez à Washington visant à démentir les accusations de fermeture de son marché, Pékin a autorisé les géants BASF et BMW à installer en Chine des usines sans obligation de partenariat avec un groupe chinois.

Malgré ces efforts l’évolution des relations politiques entre Berlin et Pékin flotte dans une ambiance incertaine, traversée par des signaux contradictoires. En harmonie avec nombre d’analystes économiques plus optimistes que les sinologues, en novembre un sondage de la Chambre de Commerce allemande signalait que 97% des groupes allemands présents en Chine maintiendront ou augmenteront leurs investissements.

Mais dans le même temps, en décembre, irritant de première grandeur pour Pékin, la députée Bärbel Kofler, SPD, chargée d’une mission de droits de l’homme au gouvernement demandait officiellement un droit de visite des camps d’internement des Musulmans au Xinjiang.

Puissants questionnements stratégiques.

Un mois plus tard, en janvier 2019, Berlin continuait à émettre de sérieux signaux critiques à l’égard de Pékin, signalés par QC, exprimés par une sévère contestation des pressions militaires chinoises contre Taïwan et une mise en garde de la Fédération des Industries allemandes contre une trop grande dépendance au marché chinois. Lire : Une « paix inconfortable. » Les non-dits du duopole sino-américain. Pékin face aux contrefeux.

Au passage, au milieu de la controverse entre Moscou et Washington s’accusant mutuellement de l’abandon du traité sur les forces nucléaires intermédiaires (FNI), la mise en garde du ministre allemand des Affaires étrangères Heiko Maas réfutant « quelles que soient les tensions dans le Détroit de Taïwan » la menace militaire contre Taipei, jette une lumière crue sur un non-dit stratégique de première grandeur, systématiquement occulté par les commentateurs, essentiellement occupés à dénoncer le « vandalisme diplomatique et stratégique » de D. Trump.

Chacun sait en effet que la crédibilité de la posture martiale de la Chine décidée à ramener tôt ou tard et coûte que coûte Taïwan dans son giron, encore répétée plusieurs fois au cours de l’année du Chien par Xi Jinping, s’appuie en particulier sur le déploiement de plusieurs milliers de missiles balistiques de portée intermédiaire sans cesse modernisés.

Encore récemment agité sans le dire par Pékin qui déplaça ostensiblement des missiles mobiles DF-26 (porté maximum 5500 km entrant dans la catégorie des missiles intermédiaires) détectés par satellites pour dissuader les missions de l’US Navy dans les zones navales réclamées par Pékin en mer de Chine du sud (lire : Une vue cavalière du conflit global sino-américain.) l’arsenal balistique intermédiaire chinois a deux objectifs : 1) dissuader l’Île de Taïwan devenue démocratique de déclarer l’indépendance ; 2) tenir à distance les vélleités américaines de s’engager dans le Détroit.

Alors qu’au sommet de Davos, Georges Soros, considéré à Pékin comme un « ennemi public » à l’origine des très menaçantes « révolutions de couleur » aux approches de la Chine, mettait en garde contre le « danger sans précédent » représenté par les dérives autoritaires du régime et son influence globale, les critiques allemandes ouvertes signalaient que l’approche chinoise de Berlin étaient passée de la « lune de miel » à la « vigilance constructive ».

L’expression recoupe celles des quelques chercheurs qui aux États-Unis s’opposent à la guerre ouverte déclenchée contre la Chine par D. Trump et souhaitent, avec cependant peu de chances d’être entendus pour l’instant, un retour à la politique « d’engagement. »

Succès stratégique chinois en Corée.

Au milieu des contrefeux aux États-Unis, en Europe et dans certains pays d’Asie du sud-est et d’Afrique, l’année du Chien fut cependant bénéfique à la Chine sur la péninsule coréenne. A la faveur des effervescences déclenchées par D. Trump, Pékin qui peut se prévaloir d’être à la l’origine du double moratoire sur les essais de missiles de Pyongyang et sur les manœuvres militaires de l’alliance conjointe, a retrouvé une place et un rôle dans le processus de paix. Alors que Kim Jong-un n’était jamais venu à Pékin, il a fait 4 fois le voyage en moins d’un an depuis le 27 mars 2018.

Dans ce jeu stratégique à ses portes où le haut du pavé est tenu par Washington clé d’un traité de paix, les intentions premières de la Chine sont d’éviter la dilatation jusqu’à ses frontières de la puissance militaire américaine et de protéger son allié Pyongyang d’un effondrement. Ce qui - objectif connexe - privilégie le statuquo de la partition de la péninsule.

A cet effet, Pékin manœuvre de manière ambiguë et habile en répétant son adhésion à l’objectif de dénucléarisation, tout en livrant en sous main à Pyongyang la logistique nécessaire à sa survie. En même temps, laissant planer avec Moscou l’hypothèse d’alléger les sanctions au prétexte du dégel installé par les rencontres au sommet entre Kim et Trump, elle affaiblit la stratégie de la Maison Blanche et ouvre un abîme de perplexités à Tokyo, dont la classe politique, toutes tendances confondues, sait qu’elle serait en première ligne d’un accord de paix bâclé.

A l’avenir, tout en continuant d’afficher la priorité du démantèlement de l’arsenal nucléaire, l’ambition vertueuse de Pékin est de se placer en première ligne de l’aide économique à Pyongyang destinée à sortir le régime de ses ornières bureaucratiques rigides.

Si à l’extérieur, la Chine bataille avec les contrefeux allumés face à ses ambitions géopolitiques globales, la situation intérieure est également marquée par des questionnements d’autant plus perplexes que l’opacité du système communiquant peu sur lui-même, rend toute analyse détaillée aléatoire.


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