›› Politique intérieure

La photo est une capture d’écran de la vidéo d’entraînement de l’APL mise en ligne sur Youtube pour mettre en garde les manifestants. On y voit un jeune officier prévenir la foule qu’elle devait se disperser ou accepter toutes les conséquences d’une charge. Le message laisse entendre que l’armée chinoise pourrait intervenir pour rétablir l’ordre. On n’en est pas encore là. Même pour Pékin, la carte d’un engagement de l’APL dans Hong-Kong est lourde. Mais la séquence est révélatrice des tensions qui montent attisées par le télescopage entre la quête des libertés dans la R.A.S et la fierté nationaliste chinoise humiliée par les désordres antichinois et la profanation des emblèmes. Parallèlement, sans se poser d’autres questions sur l’origine profonde des troubles, Pékin accuse Washington d’attiser les manifestations antichinoises.
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Dans la R.A.S, les troubles n’ont pas cessé. Après les démonstrations monstre ayant, le 16 juin, rassemblé 2 millions de manifestants (lire : Chine – Hongkong, la fracture.) qui, non seulement réclamaient le retrait définitif du projet de loi sur l’extradition, mais exprimaient aussi leur inquiétude face à l’alourdissement de la main politique de Pékin, le volume des rassemblements s’est réduit.
En même temps, les affrontements se sont durcis, tandis que le ton des réactions de Pékin, y-compris par les responsables militaires, devenait plus menaçant.
Après avoir culminé dans la violence et les saccages le 1er juillet, jour anniversaire de la rétrocession inaugurant le schéma politique des « deux systèmes » où de jeunes révoltés avaient mis à sac le Legco (lire : A Hong Kong, un anniversaire en feu.), les émeutiers ont continué à défier la police dont la réaction s’est progressivement raidie.
Défi à la police et profanation des emblèmes.

La photo montre l’emblème de la RPC souillé à l’encre noire.
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Dans la nuit du 21 juillet au 22 juillet, à l’ouest de Central, dans le district de Sai Ying Pun, les émeutiers ont fait le siège du Bureau de Représentation de Pékin qu’ils ont couvert de graffitis. De l’encre noire a été jetée sur les emblèmes chinois.
Le lendemain 22 juillet, Wang Zhimin, le Directeur du Bureau, déclarait que les manifestants n’avaient pas seulement défié la loi, mais avaient aussi porté atteinte à la dignité du gouvernement central à Pékin et menacé la souveraineté et la sécurité de la Chine. En réponse, la police anti-émeutes a, à plusieurs endroits de la R.A.S, lancé des grenades lacrymogènes et chargé la foule, provoquant des affrontements plus durs et blessé plus de 12 personnes.
Cinq semaines après le point culminant du 16 juin, les manifestants étaient encore plusieurs dizaines de milliers (430 000 selon les organisateurs et 138 000 selon la police).
Les émeutes se sont poursuivies le week-end et jusqu’au lundi 29 juillet, tandis que la police interdisait de nouveaux rassemblements. Jusqu’à 60 personnes auraient été arrêtées, tandis que, dans la mouvance des droits, une polémique montait autour des brutalités de la police.
Dans le district de Yuen Long (Nouveaux Territoires) où, le 22 juillet des manifestants avaient été agressés par de possibles membres des triades [1], une unité spéciale anti-émeutes a tiré des balles en caoutchouc et dispersé à coups de bâtons les manifestants qui ripostèrent en utilisant des extincteurs.
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Récemment, la situation a été marquée par deux évolutions majeures :
1) La mise en cause des États-Unis accusés de soutenir en sous-mains les révoltes ;
2) Un net raidissement du pouvoir central à Pékin assorti de menaces d’engagement de l’armée.
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« La main noire de Washington »

Le 31 juillet, Tung Chee Hwa, (82 ans), l’ancien gouverneur de Hong-Kong a lui aussi mis en cause les États-Unis accusés d’attiser les troubles en sous-main. En mars 2005 il avait démissionné de son poste désavoué par Pékin après la controverse à propos de l’Art 23 sur la sécurité ayant mis plusieurs centaines de milliers de personnes dans les rues, alors que sa popularité était déjà affaiblie par la crise et l’inflation. Objectivement inféodé à Pékin, il comprenait mal la quête de liberté de la R.A.S. Après sa démission, il avait été nommé vice-président de la Commission Consultative du Peuple Chinois à Pékin.
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Le 23 juillet dernier, Hua Chunying le porte-parole du Waijiaobu avait déjà directement mis en garde le pouvoir politique à Washington contre ses interférences à Hong Kong. « 香港近期暴力事件也算是美方的一个“作品”. Xiang Gang jinqi baoli shijian ye suanshi meifang de yige “zuopin”– Il est aussi possible d’affirmer que les récents incidents violents à Hong Kong sont une fabrication américaine »
Et « 美国应该知道一件事 - Meiguo yinggai zhidao yī jian shi -, 香港是中国的香港, - xianggang shi zhongguo de xianggang -,我们不允许任何外国干涉, - women bu yunxu renhe waiguo ganshe, ”我们 建议美国 撤回他们 的黑手 - Women jianyi meiguo chehui tamen de haishou.: L’Amérique doit savoir une chose : Hong Kong appartient à la Chine et nous ne tolérerons aucune interférence étrangère. Nous conseillons à l’Amérique de retirer sa “main noire“ »
A ces accusations, Donald Trump, dans une de ses phases d’humeur conciliante entre deux « tweet » agressifs, avait réagi en déclarant publiquement que Xi Jinping gérait l’affaire de Hong Kong au mieux.
Mais, en pleine guerre commerciale poussé à ses extrêmes, le compte n’y était pas.
Une bonne partie de l’opinion publique chinoise dont le nationalisme redoute le chaos aux portes de la Chine et Pékin qui, depuis longtemps accuse la mouvance démocrate de la R.A.S d’être soutenue par les ONG des droits elles-mêmes financées par le « National Democratic Institute for International Affairs (NDI) » lié au Congrès, restent persuadés que les États-Unis jouent à Hong-Kong un jeu trouble anti-chinois [2].
Note(s) :
[1] Le 21 juillet, des activistes des droits et des membres du parti démocratique du Conseil Législatif accusèrent la police d’être restée inerte alors que des dizaines de nervis vêtus de chemises blanches dont certains portaient des masques, attaquèrent les manifestants. Plus de 40 d’entre eux avaient été blessés dont au moins un plus sévèrement.
Carie Lam a catégoriquement démenti les accusations qui – fait marquant – avaient été reprises sur son compte Facebook par James Tien, 73 ans, ancien président du Parti Libéral et ancien membre pro-Pékin du Legco (circonscription fonctionnelle) qui appelait à la démission de la gouverneure « Êtes-vous toujours chef du gouvernement ou les Triades ont-elles pris le pouvoir à Hong Kong ? »
[2] Lié à l’Internationale Socialiste, proche du Parti démocrate et financé par le Congrès sous couvert de l’organisation National Endowment for Democracy, le NDI a clairement l’objectif dont on ne peut ignorer la sensibilité pour les régimes autoritaires, de « promouvoir la démocratie ». Les pouvoirs qui en sont les cibles voient naturellement ce prosélytisme démocratique américain comme des « tentatives de subversions ». D’autant qu’il abrite aussi des arrière-pensées d’influence stratégique de Washington.