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›› Politique intérieure

La longue route semée d’embuches de Xi Jinping vers le 20e Congrès

Doutes sur la loyauté sans faille de l’APL

Au-delà des apparences, la fidélité de l’APL à la gouvernance brutale de Xi Jinping n’est pas garantie.

De nombreux indices suggèrent que la hiérarchie qui fut, elle aussi, très gravement secouée par la chasse aux corrompus [2], s’interroge sur la ligne stratégique excessivement agressive de Xi Jinping ou de son entourage direct.

Le haut-commandement a d’abord été ulcéré qu’en 2013 – 2014, la chasse aux corrompus de l’APL ait d’abord été initiée par le Général Liu Yuan, l’ami d’enfance de Xi Jinping et fils de Liu Shaoqi, dont la carrière, la formation et les antécédents dans la police armée populaire, le désignent comme un intrus au sein des forces opérationnelles [3].

Le même ressentiment a surgi quand Xi Jinping a décidé d’accélérer les promotions de certains alors que d’autres plus anciens étaient éliminés. Moins de trois ans après sa prise de pouvoir, 42 officiers généraux avaient été purgés, le plus vaste coup de balai depuis l’affaire Lin Biao en 1971.

En juin 2015, Xi fit même adopter une nouvelle réglementation autorisant le renvoi sine die d’officiers incompétents, une disposition qui permettra de nouvelles destitutions en série et la promotion d’officiers généraux fidèles et intègres dont quelques-uns formèrent l’ossature de la Commission Militaire Centrale.

A la fin de 2015, trois années seulement après l’accession de Xi jinping à la tête de l’appareil, 57 des plus hauts gradés de l’APL étaient nouvellement promus (soit 62%). Dans l’armée de l’air, à l’exception du Commandant en Chef Ma Xiotian, toute la haute hiérarchie a été nommée par Xi Jinping. La proportion des nouveaux arrivés fut également importante dans la marine et à la tête des 18 groupes d’armées que compte l’armée de terre.

Sans surprise une bonne partie de ces jeunes généraux sont des anciens du 31e groupe d’armées basé dans le Fujian où Xi Jinping a été en poste pendant 17 ans.

Dans la Marine, pourtant une des armées avec la 2e artillerie missiles les plus choyées par le pouvoir, l’arrestation de l’amiral Wu Shengli n°1 de la marine compromis dans la corruption de la construction navale, a également laissé des traces.

Controverses de la relation avec Taïwan.

Mais récemment c’est à propos de Taïwan que sont nées les dissensions les plus visibles entre la prudence des militaires et l’agressivité du discours public dont chacun voit bien qu’il est adjuvant au nationalisme attisé par Xi Jinping en quête de légitimité dans l’opinion chauffée à blanc par les réseaux sociaux.

En mai 2020, le général Qiao Liang avait mis en garde contre les risques pour l’appareil et la stabilité du pays posés par une agression militaire directe de l’APL contre Taïwan. Lire le § « Durcissement chinois et débats internes » de notre article Les nouvelles eaux mal balisées de la question de Taïwan.

Le 16 novembre, « la Troisième résolution » publiée par le Parti, moins d’une semaine après le 6e Plenum, exprimait elle aussi une prudence à propos de Taïwan. Les militaires chinois ayant une conscience opérationnelle le savent. En dépit de sa modernisation rapide, l’APL dont le dernier engagement au combat date de 1979 contre le Vietnam, n’a pas l’expérience d’un affrontement de haute intensité moderne qui serait celui d’une bataille dans le Détroit.

Et contrairement au Japon et aux États-Unis qui se sont durement affrontés dans Pacifique, elle n’a pas non plus la maîtrise du déploiement opérationnel au combat de ses deux groupes aéronavals, dont la complexité technique et tactique ne peut pas être sous-estimée.

Enfin, impossible de ne pas mentionner que, depuis plusieurs années, certains comportements nihilistes de la jeunesse désabusée tranchent radicalement avec les discours officiels - présentant une opinion unanime alignée derrière le Parti.

Sous la surface une désespérance de la jeunesse

Pour résumer, c’est peu dire que le choix stratégique que l’actuelle mandature, articulée à un puissant discours nationaliste, laisse dans l’ombre de lourdes vulnérabilités sociales et politiques internes. C’est la raison pour laquelle, par les temps qui courent, le viseur unique de la « puissance » dont certains s’effrayent quand d’autres y voient un salutaire contrepoids à l’omnipotence des États-Unis, manque une partie importante de la complexité de la société chinoise.

En réalité l’appareil toujours aux aguets de troubles sociaux potentiels n’est pas aveugle. Preuve que la psychologie des jeunes générations (380 millions de Chinois sont dans la frange d’âge de 18 à 35 ans) est au cœur des préoccupations du régime, le 15 août 2017, le Quotidien du Peuple publiait un éditorial pour décrire et dénoncer la nouvelle mode de la « culture sang 丧 文化 sang wenhua » où le caractère « sang 丧 » qui signifie « funérailles » exprime une préoccupante détresse de la jeunesse.

Profondément désabusé, le mouvement imprime un tenace sentiment de désespoir à contrecourant de la musique de puissance et d’optimisme diffusée par le « rêve nationaliste de renaissance » qui fut, avec les « caractéristiques chinoises », l’épine dorsale idéologique du 19e Congrès. Lire : La culture « Sang 丧 », entre dérision, cynisme et rébellion.

Quatre années plus tard, dans la même veine désenchantée et maussade, surgissait le mouvement « Tang Ping 躺平. – couché plat en position de planche - » dont le slogan « Je ne veux pas m’agenouiller, je ne peux pas non plus me lever. Le mieux est que je fasse la planche. 不想跪着 不能站着 只好躺着 » est une réaction au positivisme tous azimuts développé par l’appareil (lire : Le très faible enthousiasme pour la « politique des trois enfants »).

On le voit, l’analyse qui précède dessine un paysage politique contrastant clairement avec l’apparence de cohésion générale exprimée par la propagande. Elle incite pour le moins à douter que la route vers le 20e Congrès serait sans aspérités pour la machine politique du régime.

Xi Jinping qui a en apparence resserré le Parti à sa mesure, pourrait triompher des obstacles politiques et des oppositions qui fermentent sous la surface. Mais les équilibres qu’il a construits sont vulnérables. Ayant échafaudé un pouvoir légitimé par la performance de l’appareil, à la fois impitoyablement répressif et durement concentré autour de sa personne, le moindre accident politique ou économique sérieux, le placerait en première ligne.

Note(s) :

[2Lire à ce sujet l’épisode du suicide en novembre 2017 du général Zhang Yang ayant laissé des traces : Suicide d’un général. La justice entre droit et morale.


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