Your browser does not support JavaScript!

Repérer l'essentiel de l'information • Chercher le sens de l'événement • Comprendre l'évolution de la Chine

›› Chine - monde

Les habits neufs de la diplomatie chinoise

Relativiser la montée en puissance de l’APL.

Il convient d’abord de remettre en perspective les analyses qui spéculent sur une accélération des dépenses militaires chinoises.

Selon une étude très documentée d’Adam Liff et Andrew Erickson (fichier pdf) à paraître dans le China Quaterly, si on examine les budgets à prix constants (corrigés de l’inflation), on constate des distorsions importantes entre les chiffres annoncés par beaucoup d’experts étrangers et la réalité. Entre 1980 et 1989 par exemple, la hausse annuelle moyenne n’a été que de 1,6% au lieu de 3,5% ; entre 1990 et 1999, seulement de 7,8% au lieu de 15,7% ; entre 2000 et 2009, elle ne fut que de 12,5% au lieu de 16,5% et entre 2010 et 2011, période de forte inflation, la valeur réelle du budget n’a augmenté que de 3,1% alors que beaucoup d’observateurs situaient la hausse à 10,4%.

Enfin, s’il est vrai qu’en valeur nominale le budget a quadruplé entre 2000 et 2012, et qu’il est en moyenne trois fois plus important que celui de l’Inde, son pourcentage du PNB et sa part dans les dépenses de l’État sont restés stables ou en légère baisse, respectivement autour de 1,45% à 1,28% du PNB et entre 5,5% et 5,3% de la masse budgétaire.

Il faut aussi préciser que la faible transparence des données chinoises oblige à des approximations, qui varient selon les experts. Par exemple, le Pentagone estime en général que le budget réel chinois est entre 1,8 à 2,6 fois plus élevé que celui affiché par Pékin, ce qui le situe en réalité entre 2,5% à 3,6% du PNB ; tandis que le SIPRI de Stokholm, cité par la plupart des analystes, estime que l’écart n’est que 1,48.

A ces approximations près, on peut donc estimer que le budget militaire chinois 2013, affiché à 720 Mds de Yuans – soit 114,3 Mds de $ ou 88 Mds d’€ - serait en réalité de 168 Mds de $ ou 130 Mds d’€ - (calcul SIPRI). Par comparaison, il est plus de 4 fois supérieur à celui de la France, mais très inférieur à celui des Etats-Unis, arrêté à 672 Mds de $ pour 2013 (3e budget fédéral après celui de la santé et de l’assurance sociale).
(Voir Erickson, China’s 2013 Military Budget to Rise 10.7% to US $114.3 Billion–What it Means, and Why it Matters).

Dans ce contexte, où la hausse réelle du budget militaire chinois, en phase avec la croissance du PNB, ne correspond pas à un armement massif, Denis Blasko, ancien Attaché de Défense américain à Pékin (1992 -1995) auteur de « The Chinese army today » - publié en 2012 -, estime aussi que Xi Jinping n’a pas particulièrement favorisé les militaires, tandis que le budget 2013, cohérent avec la croissance ne détournera aucune ressource financière des grandes priorités du pays.

En réalité, ajoute Blasko, Xi Jinping n’est pas responsable des tensions en mer de Chine du Sud ou avec le Japon, nées en 2007 et 2008. Ayant pris le contrôle de l’APL plus vite que ses prédécesseurs, son projet, qui n’est pas d’en faire un outil d’expansion impériale, est en phase avec celui du Parti, déjà énoncé par Jiang Zemin et Hu Jintao.

Il s’agit avant tout de consolider la subordination de l’APL au Parti communiste Chinois, de corriger son style de travail et d’éliminer la corruption qui la traverse pour en faire un corps d’élite exemplaire, capable de mener et de gagner une guerre moderne dans un environnement hostile, par l’emploi d’équipements de haute technologie, dont la nécessité est apparue quand les militaires chinois ont observé les opérations de la première guerre du golfe, et celles de l’OTAN en Yougoslavie, dont l’une des frappes missiles a, le 7 mai 1999, détruit l’Ambassade de Chine à Belgrade.

Les dates butoirs de la rénovation, maintes fois rappelées ces derniers années, sont inchangées. L’APL devrait avoir achevé la mécanisation et l’informatisation partielles de ses unités et de ses centres de commandement pour 2020 et avoir complètement mené à bien sa modernisation en 2049. Ce qui correspondra au premier siècle de pouvoir du PCC, date à laquelle le nouveau Président fixe aussi la réalisation du « rêve chinois ».

Laissons la conclusion, forcément partielle et temporaire à Denis Blasko : « L’armée chinoise est, depuis 30 ans, engagée dans un processus complexe de modernisation. L’accélération du rattrapage observée depuis 1999 n’aurait pu avoir lieu sans la réforme [ndlr : lancée par Jiang Zemin et Zhu Rongji]. Néanmoins, beaucoup reste à faire. Selon le Commandement de l’APL lui-même, il faudra encore 10 à 20 ans avant que les armées chinoises n’atteignent un niveau opérationnel avancé, tant en ce qui concerne les équipements, les personnels et leur entraînement. (…) »

« L’APL manque encore de capacités de transport longue distance aériennes et navales pour défendre ses revendications de souveraineté. L’achat de gros porteurs étrangers ou l’accélération des programmes d’équipement chinois dans ces secteurs serait un signe indiquant le développement des capacités logistiques [ndlr : et de la volonté accrue de prendre des risques militaires dans des zones éloignées de ses côtes]. Mais, dans le même temps le commandement devra développer des équipements et de savoir-faire [ndlr : terrestres, aériens et navals], pour protéger ces opérations ».

Lire nos articles La modernisation de l’APL : progrès, obstacles et inquiétudes et Succès et problèmes de l’aéronautique militaire chinoise.


• Commenter cet article

Modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Ce formulaire accepte les raccourcis SPIP [->url] {{gras}} {italique} <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

• À lire dans la même rubrique

Au Pakistan, des Chinois à nouveau victimes des terroristes

Munich : Misère de l’Europe-puissance et stratégie sino-russe du chaos

Au Myanmar le pragmatisme de Pékin aux prises avec le chaos d’une guerre civile

Nouvelles routes de la soie. Fragilités et ajustements

Chine-UE. Misère de l’Europe puissance, rapports de forces et faux-semblants