Your browser does not support JavaScript!

Repérer l'essentiel de l'information • Chercher le sens de l'événement • Comprendre l'évolution de la Chine

›› Chine - monde

Syrie. Pékin contre Washington, Ankara, Paris et Ryad

La Chine à la fois ferme sur les principes et ouverte au pragmatisme.

Les raisons du refus chinois sont connues. Aux méfiances historiques souvent évoquées dans les analyses renvoyant aux souvenirs humiliants du XIXe siècle qui fondent sa conception westphalienne des relations internationales où la souveraineté des États est inviolable, s’ajoutent des préoccupations plus contingentes. Celles-ci sont liées à la crainte que Washington et ses alliés alourdissent encore leur main dans la région instable et riche en pétrole du Moyen Orient ; elles tiennent aussi à sa proximité historique avec l’Iran un des principaux points d’achoppement des relations de la Chine avec les États-Unis et l’Occident sur la question de la prolifération nucléaire.

En dépit d’un flux très irrégulier et malgré les sanctions onusiennes contre Téhéran, l’Iran fournit encore entre 8 et 10% du pétrole importé par la Chine. A quoi s’ajoutent les réminiscences historiques entre la Perse et l’Empire chinois qui fondent une relation particulière entre les deux pays. (Lire notre article Les très anciennes relations entre la Chine et la Perse).

Aujourd’hui, Pékin qui craint le chaos dans une zone cruciale pour elle, d’où proviennent près de 45 % de ses approvisionnements en pétrole (121 millions de tonnes sur 269 en 2012 - chiffres CNPC -) ne modifiera pas sa position, d’autant que l’Arabie Saoudite, alliée des rebelles sunnites contre Bashar el Assad et l’Iran principal appui de Damas - les deux protagonistes régionaux du conflit engagés dans une compétition de puissance à très forte connotation religieuse - fournissent à eux seuls 30 % des importations chinoises de pétrole.

Depuis le 11 octobre 2011 Pékin a en effet déjà bloqué 5 résolutions du Conseil de Sécurité, y compris celles du Royaume Uni qui, le 19 juillet 2012, envisageait des sanctions économiques en cas d’échec du plan de Kofi Annan.

Pour autant, il serait cependant erroné de croire que Pékin est inflexible. La position de principe et les craintes sous-jacentes de la Chine à propos des sanctions onusiennes et des possibles dérapages d’un mandat du Conseil de Sécurité à l’instar de ce qui s’était produit en Libye en 2011, étaient longuement rappelées dans un article de Qu Xing, Président de l’Institut Chinois des Études Internationales, repris le 29 février 2012 dans la revue « Foreign Policy » (« Why Has China Vetoed the Security Council Syria Resolution »). Il analysait les vétos de Pékin du 11 octobre 2011 et surtout du 4 février 2012, contre une proposition, qui avait pourtant rallié la Ligue Arabe. Mais l’article rappelait que l’abstention chinoise et le manque de fermeté de la Ligue Arable avaient permis le dérapage du mandat en Libye.

Quelques semaines plus tard, le Quotidien du Peuple, avait clairement énoncé que la « Responsabilité de protéger », aujourd’hui évoquée par les Occidentaux ne devait pas contrevenir aux principes de la souveraineté des Etats et de non interférence dans leurs affaires internes. Le journal ajoutait qu’il était dangereux de généraliser le concept de « Responsabilité de protéger » et d’en abuser pour lancer des interventions armées à but humanitaire, dont les critères n’étaient pas définis avec précision.

Souplesse et pragmatisme. L’appui à Bashar el Assad en question.

Mais la Chine ne réfutait pas le principe d’une intervention militaire dans le strict cadre autorisé par les NU, en dernière extrémité, après que les solutions diplomatiques auraient échoué et dès lors qu’il était établi que les exactions commises par des États menaçaient la stabilité internationale. Enfin pour Pékin, ajoutait l’auteur, l’engagement de la force n’était justifié que s’il visait à stopper des génocides, des crimes de guerre, des opérations de nettoyage ethnique ou des crimes contre l’humanité, à condition que les auteurs soient identifiés avec précision. Selon Pékin, dont la voix est relayée par les médias officiels, ces conditions ne sont pas réunies aujourd’hui.

Laissant percer quelque souplesse sur la possibilité d’une intervention militaire dûment légitimée par l’ONU, le Régime s’est également appliqué à montrer qu’il n’appuierait pas aveuglément Bashar el Assad. Dans l’article de février 2012 Qu Xing rappelait d’abord qu’une agression armée avait toute chance d’augmenter la rigidité meurtrière de Damas, tandis que l’opposition se sentant confortée se laisserait aller à des surenchères qui nourriraient les affrontements armés catastrophiques pour les populations.

Mais en même temps, l’auteur prenait soin de préciser que la Chine ne prenait pas partie dans ce qu’elle considérait comme une guerre civile et qu’elle n’aurait aucune réticence à changer d’interlocuteur dès lors qu’un accord des syriens entre eux aurait organisé le transfert du pouvoir à une autre force politique.

Cette ouverture s’est précisée, sans pour autant se concrétiser le 31 octobre 2012, quand Yang Jiechi, le précédent ministre des Affaires étrangères avait, lors de la visite en Chine de Lhkadar Brahimi, négociateur conjoint envoyé de la Ligue Arabe et de l’ONU, proposé un plan en quatre points.

Au milieu d’autres propositions classiques appelant à un cessez-le-feu immédiat, à la coopération de toutes les parties impliquées et à l’aide d’urgence aux sinistrés de la guerre, ce dernier mettait, pour la première fois en avant, l’idée d’une transition politique en Syrie. Pékin précisait cependant que celle-ci serait à négocier par des représentants crédibles de toutes les parties syriennes, sans toutefois indiquer ce que recouvrait l’idée de transition, ni suggérer quel pourrait être le rôle ultérieur et le destin du dictateur alaouite.

S’il est vrai que les propositions chinoises paraissent manquer de réalisme face à l’urgence d’une crise humanitaire dont s’offusquent les opinions publiques occidentales, s’il est aussi exact que la possibilité d’un accord politique entre les factions syriennes est aujourd’hui improbable compte tenu des contentieux accumulés, il faut aussi s’interroger sur l’opportunité de frappes militaires et sur leurs conséquences.


• Commenter cet article

Modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Ce formulaire accepte les raccourcis SPIP [->url] {{gras}} {italique} <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

• À lire dans la même rubrique

Au-delà de la repise des contacts militaires, la lourde rivalité sino-américaine en Asie-Pacifique

Au Pakistan, des Chinois à nouveau victimes des terroristes

Munich : Misère de l’Europe-puissance et stratégie sino-russe du chaos

Au Myanmar le pragmatisme de Pékin aux prises avec le chaos d’une guerre civile

Nouvelles routes de la soie. Fragilités et ajustements