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›› Editorial

Vue cavalière de l’année du Cochon. Perspectives du Rat

Depuis le 25 janvier, 1er jour de l’année du Rat, la Chine est aux prises avec une crise sanitaire. Le souvenir funeste du SRAS en 2003 ajoute au sentiment que l’épreuve est aussi un défi politique pour l’appareil.

Ses réactions expriment à la fois une fébrilité et la volonté d’afficher son efficacité. (Voir le journal de l’épidémie, régulièrement mis à jour : A Wuhan, le fantôme du SRAS et une première analyse des conséquences politiques de la crise : Wuhan, crise médicale et craquements dans l’appareil.)

QC balaye ici les principaux points forts de l’année du Cochon et jette un éclairage sur les perspectives de l’année du Rat.

Durcissement intérieur.

En politique intérieure, dans la foulée du 19e Congrès en octobre 2017, le durcissement commencé en 2012 a continué, non seulement pour éliminer la corruption, mais également pour mettre la société aux normes des « caractéristiques chinoises ». Internet et les réseaux sociaux sont contrôlés comme jamais ; le monde académique est mis aux normes ; la justice est chapitrée ; les universitaires surveillés et sanctionnés, tandis que les religions sont sommées de conformer leurs textes sacrés à la doxa nationaliste de la prévalence chinoise.

Les symptômes d’un retour au centralisme politique autour de la personnalité de Xi Jinping se sont accumulés, renforçant la structure léniniste du pouvoir. 85% des cadres locaux nommés par Xi Jinping tissent une toile où tout commence et tout finit par le Secrétaire Général. Lui-même a progressivement élargit ses domaines d’intervention et de contrôle.

Les racines multiples des allégeances au Président vont des réseaux de fils de vétérans maoïstes – la « 2e génération rouge » - aux bases politiques du Zhejiang et du Fujian, en passant par les anciens du Shaanxi et de Qinghua.

S’il est vrai que de rares voix se sont exprimées pour s’élever contre la mise aux normes et l’absence de respiration politique de la société, elles ont été réduites au silence, en dépit des protestations ou des appuis venant de l’étranger.

Le professeur Ouïghour Ilham Tohti, courtisé par les Américains et condamné en 2014 à la prison à vie pour séparatisme après avoir exprimé sur VOA son opposition à la dure répression au Xinjiang est toujours en prison. Lire : Condamnation à la prison à vie d’un intellectuel ouïghour.

Quand le 18 décembre 2019, le Parlement européen lui a décerné le Prix Sakharov, le porte-parole du Waijiaobu, laconique a rappelé qu’il était un « criminel condamné par la justice chinoise ». Lire : Xi Jinping : Centralisation du pouvoir et fragilités politiques.

Le 25 mars, le professeur Xu Zhangrun, auteur le 24 juillet 2018, d’une critique publique adressée à Xi Jinping rédigée depuis le Japon, a été informé par la présidence de Qinghua qu’il devait cesser ses cours, que son salaire serait réduit et qu’une équipe de l’université allait enquêter sur sa lettre ouverte critiquant le Secrétaire Général.

Alors qu’en apparence le Parti unique inscrit son action à l’intérieur comme à l’extérieur dans la philosophie confucéenne humaniste et conviviale de l’harmonie, en réalité ses rapports avec les intellectuels dissidents restent inspirés par la philosophie des légistes dont l’arrière-plan n’est pas l’harmonie par la vertu et la morale, mais par la répression des déviants.

Développé à partir d’arguments vertueux sur la nécessité d’éduquer le peuple et d’éradiquer les mauvais comportements civiques, les fraudes et les crimes, ce qui explique l’adhésion initiale de la société en quête de sécurité, le « crédit social » qui utilise la puissance informatique pour mettre en fiche les Chinois, augmente le poids du contrôle de l’État sur les citoyens.

Par sa généralisation aux entreprises y compris étrangères, le crédit social confirme l’omniprésence de l’État dans tous les secteurs, y compris dans l’économie. L’impression d’entrisme tentaculaire, confinant au noyautage politique est l’une des origines du recul de la présence étrangère en Chine [1].

Ce mouvement de défiance a récemment été accéléré par la psychose née de la crise sanitaire de Wuhan ayant entraîné la fermeture temporaire de plusieurs grandes marques étrangères.

Le 1er octobre qui marqua le 70e anniversaire du Parti à la tête de la Chine, fut un autre affichage spectaculaire de la puissance du régime.

La parade militaire, de loin la plus théâtrale et la plus impressionnante de l’histoire chinoise, a résonné en écho au nationalisme brandi par Xi Jinping depuis 2012 et singulièrement depuis le 19e Congrès. L’épisode affirma le choix du régime de se démarquer des systèmes politiques occidentaux par les « caractéristiques chinoises ».

Mais l’impression de solide puissance et de contrôle sans faille de la société cache des vulnérabilités.

Fragilités.

Malgré la censure, l’effervescence des réseaux sociaux indique que la stature de Xi Jinping a perdu une partie de son autorité écornée par la mise à jour des fragilités et des dysfonctionnements de l’appareil à l’occasion de la crise sanitaire de Wuhan.

Aux limites sud du pays, depuis le 15 juin 2019, les émeutes de Hong Kong qui ne faiblissent pas n’ont certes pas écorné l’autorité du Parti en Chine, mais, compte tenu du contraste des cultures politiques, elles jettent une ombre sur l’avenir des « Deux systèmes » et, à plus long terme, sur la viabilité politique du rattachement définitif de la R.A.S en 2047. Là aussi, la crise sanitaire qui renvoie au souvenir du SRAS en 2003 (1750 cas, 286 décès à Hong Kong) ne contribue pas à dissiper les ressentiments.

Une autre révélation sensible fut la publication le 16 novembre 2019, par le New-York Times de 400 pages issues d’une fuite de documents confidentiels du Parti sur la répression de la minorité Ouïghour au Xinjiang.

Les documents offrent une vue inédite depuis les entrailles même du régime de la répression des Ouïghour au Xinjiang, par laquelle les autorités ont, au cours des trois dernières années, envoyé jusqu’à un million de Ouïghours, Kazakhs et autres ethnies dans les camps d’internement, dans l’intention affichée de les « déradicaliser ». Les détails des fuites ne laissent pas de doute sur la brutalité des traitements réservés aux prisonniers.

Note(s) :

[1« Entre octobre 2018 et octobre 2019, 50 groupes étrangers pour la plupart américains et japonais dont Apple, Samsung, HP, Dell, Foxconn, Microsoft, Suzuki ont quitté la Chine », écrivait Li Shaomin dans la dernière livraison de China Leadership Monitor.

Le constat n’était qu’en partie vrai. S’il est vrai que le Taïwanais Foxconn a plusieurs fois évoqué l’idée qu’il a même suggérée à Apple, son départ de Chine continentale n’est pas à l’ordre du jour. Mais le fait que le sujet soit sur la table modifie clairement l’ancien paradigme d’une Chine attractive.


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