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›› Editorial

Vue cavalière de l’année du Cochon. Perspectives du Rat

Routes de la soie, succès et contrefeux. Rivalité sino-américaine et Corée du nord.

A l’extérieur, l’action de la Chine a été dominée par la rivalité tous azimuts entre Pékin et Washington et les vastes projets des routes de la soie, développés en Asie du sud-est, en Europe, en Afrique, au Moyen Orient, en Asie du sud, en Amérique Latine et même en Arctique. A marquer d’une pierre blanche, l’été 2019 a, un an après le sommet de Singapour entre Donald Trump et Kim Jong-un, marqué la fin d’une longue ambiguïté de la relation entre Pékin et Pyongyang.

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Alors que le 2e sommet de promotion des projets que la Chine appelle « Une ceinture économique, une route de la soie 一个经济带一个丝绸路 - », a eu lieu le 26 avril 2019 à Pékin, une césure est apparue entre les adeptes et ceux qui s’en méfient.

Une grande partie de l’Afrique, Madagascar, le centre et l’Ouest de l’Amérique latine (Panama, Venezuela, Équateur, Pérou, Bolivie, Chili, Uruguay), la Péninsule arabique, le Pakistan, l’Afghanistan, l’Iran, l’Asie du Sud-est (sauf le Vietnam), la Nouvelle-Zélande, la Turquie, l’Asie Centrale, les pays d’Europe Centrale et Orientale, les Pays Baltes, l’Italie, la Grèce et le Portugal ont adhéré.

Les États-Unis, le Canada, les autres pays d’Amérique Centrale (Mexique, Guatemala, Nicaragua, Costa Rica, Cuba), l’Australie, l’Europe Occidentale, le Japon, les 2 Corée sont restés en marge.

Une polémique est née accusant la Chine de s’attacher politiquement les participants par « le piège de la dette ». Le risque existe bel et bien pour le Monténégro, la République du Congo, le Ghana, la Sierra-Leone, la Zambie, le Mozambique, le Zimbabwe, la Mauritanie, la Tanzanie, le Tchad, l’Afghanistan, le Tadjikistan, le Laos, ailleurs, il est plus modéré.

A la fin mars, pour la première fois de l’histoire récente de la relation entre Pékin et Bruxelles, une visite du Président chinois en Europe s’est déroulée sous les auspices crispés et vigilants de la Commission ayant qualifié la Chine « de rival systémique », signifiant que les stratégies extérieures de Pékin avaient, au-delà des contentieux commerciaux, le potentiel de bousculer le paradigme socio-politique fondant l’épine dorsale de la marche des sociétés démocratiques de la planète.

Au Cambodge, dans le sillage scabreux des routes de la soie, Pékin, inquiet pour son image internationale à Sihanoukville, lieu du sommet de l’ASEAN en 2022, a, depuis le 5e mois de l’année du Cochon , sommé Phnom-Penh de mettre fin aux trafics et aux jeux en ligne.

Par dizaines de milliers, dit un article du journaliste australien Shaun Turton dans le Nikkei Asian Review du 10 janvier 2020, les Chinois quittent la ville, des casinos ferment, la moitié des restaurants ont mis la clef sous la porte, les revenus de ceux qui restent ont baissé de 80%, tandis que les loyers ont massivement chuté.

Quant aux Cambodgiens qui s’étaient endettés, souvent lourdement, pour chevaucher l’euphorie immobilière ou offrir des services aux Chinois, ils en sont pour leurs frais. Leurs clients potentiels sont partis sans laisser d’adresse.

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Les 20 et 21 juin de l’année du cochon, Xi Jinping était à Pyongyang. L’événement était d’importance. Il concluait en effet une période récente commencée le 27 mars 2018 quand, signalant un brutal dégel de la relation entre Pyongyang et Pékin, Kim Jong-un s’était rendu à Pékin en train à l’invitation du Président chinois, tout juste trois mois avant le sommet de Singapour. Lire : Péninsule coréenne. Brutal dégel entre Pékin et Pyongyang.

L’initiative par laquelle le régime chinois sort définitivement de son ambiguïté à l’égard de Pyongyang, laisse supposer que, désormais, Pékin exigera avec encore plus de force la suspension au moins partielle des sanctions.

La prochaine carte que Xi Jinping garde dans sa manche – deuxième temps de la stratégie chinoise et irritant de première grandeur pour les caciques de l’Alliance conjointe Séoul – Washington -, est, on l’aura deviné, la question sensible de la présence des troupes américaines en Corée du sud.

Un sujet que la Maison Blanche refuse pour l’heure bec et ongles d’inclure dans la négociation. Autant dire qu’un accord pour un traité de paix n’est pas pour demain.

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Le 2 juillet le G.20 à Osaka a été dominé par la querelle entre la Chine et les États-Unis, ces derniers ayant malmené tous les participants exigeant d’introduire le point n°36 de la déclaration finale rappelant la décision de Washington de se retirer de l’accord de Paris.

Les 12 au 13 octobre, le Président Xi Jinping s’est aventuré au Népal sur les plates-bandes stratégiques de l’Inde. En dépit des bonnes paroles, la visite a manqué son but. Dans ce pays culturellement et économiquement attaché à New-Delhi, Xi Jinping n’a pas réussi à obtenir l’accord pour un traité d’extradition pouvant menacer les 20 000 Tibétains en exil.

Les Népalais ont également rejeté une proposition d’accord de défense du Président chinois.

La visite faisait suite à un passage au pas de course de Xi Jinping en Inde, toute en spectacle mais sans beaucoup de substance. En dépit d’un détour culturel dans le sud-est du pays à Chennai et Mamallapuram, la patrie des sculpteurs de pierre, le malaise bilatéral sino-indien est resté palpable.

En arrière-pensées flottaient les puissants sous-entendus de relations en dents de scie jamais vraiment apaisées et les inquiétudes indiennes encore attisées par la visite à Pékin, le 9 octobre, du Premier Ministre pakistanais Imran Khan en pleine crise entre New-Delhi et Islamabad.

Lire : La très brouillonne et très contradictoire diplomatie chinoise en Asie du Sud.

A la mi-novembre, le président Xi Jinping était au Brésil où avait lieu le 11e sommet des BRICS. Il y a fait, avec succès, la promotion des avantages de la coopération chinoise dans le plus grand pays d’Amérique Latine, jusqu’à présent resté en marge des « Nouvelles routes de la soie ».

Il venait d’Athènes où les actions de Cosco dans le port du Pirée, prolongées dans les PECO apparaissent objectivement comme un contournement de l’UE.

Les arcs-boutants irrésistibles de la diplomatie chinoise restent ses capacités de financements (le plus souvent des prêts aux conditions variables selon les débiteurs) et la force d’attraction de son marché intérieur (en moyenne au moins 25% des exportations des 4 autres BRICS vont à la Chine).

Depuis quelques années, ces atouts sont assortis de l’attraction diffusée par les progrès chinois dans les secteurs de nouvelles technologies (intelligence artificielle, métadonnées, information et cryptage quantiques, biotechnologies).

Le fond de tableau est immuable. Avec Moscou, à qui l’attache une forte dépendance au gaz et au pétrole, Pékin nourrit le projet de créer un pôle de puissance concurrent de Washington. Dans ce contexte, la rivalité stratégique avec les États-Unis ne faiblit pas. Elle s’exprime à propos des revendications de Pékin en mer de Chine du sud induisant des relations heurtées de Pékin avec plusieurs pays de l’ASEAN.

Taïwan et Mer de Chine. Risques d’incidents graves.

A Taïwan, refuge chinois de la démocratie aux portes de la Chine et héritage de la guerre civile, se développe en miroir des troubles à Hong Kong un projet séparatiste confirmé par la réélection de la présidente indépendantiste Tsai Ing-wen (4e mandat d’un tenant de la rupture avec Pékin depuis 2000).

L’Île que la Présidente érige en symbole de la démocratie globale harcelée par l’autocratie de Pékin, reste pour le Parti communiste chinois le creuset d’une anxiété politique en même temps que le symbole inachevé du rêve chinois de renaissance. Soutenue par Washington, elle sera de plus en plus, la pointe émergée d’une compétition stratégique entre la Chine et les États-Unis.

Avec la mer de Chine du sud, où l’US Navy conteste les prétentions chinoises, elle reste une zone stratégique sensible où augmente le risque d’un dérapage militaire. Pour l’instant nous en sommes aux menaces.

En tout début d’année 2019, après une mise en garde du porte-parole Lu Kang qui protestait contre une nouvelle intrusion de l’US Navy dans les eaux des îles Paracel, le Global Times et la télévision nationale annoncèrent le déploiement des missiles DF-26 (pour DF : 東風 – Dong Feng, vent d’Est).

S’il est vrai qu’annoncer le « déploiement » d’un missile mobile de 5000 km de portée capable d’atteindre l’Île américaine de Guam, procède plus de la gesticulation peut-être à usage interne, il n’empêche que l’évocation d’une riposte balistique depuis le Continent fait entrer la situation dans des eaux mal balisées de l’incertitude stratégique. D’autant que dans l’arsenal chinois, le DF-26 est inclus dans la catégorie de missiles balistiques antinavires.

Enfin, à la fin de l’année eut lieu une nouvelle tentative d’apaisement des relations avec le Japon, après une phase de crispation qui durait depuis 2010. Le ton des échanges était clairement à la concilation.

Chine – Japon. Le poids de l’histoire.

Pour l’instant, la bienveillance réciproque s’est appuyée à deux événements également inédits depuis 10 ans : la participation, le 10 octobre, de la frégate lance-missiles chinoise Taiyuan à une revue navale japonaise, elle-même réplique de la présence à Qingdao du destroyer Suzutsuki à l’occasion du 70e anniversaire de la marine, en avril 2019 (lire : 70e anniversaire de la marine à Qingdao. L’Inde et le Japon en vedette. L’US Navy absente. Incident avec une frégate française.)

« Nos relations sont à nouveau sur la bonne voie. Pékin est prêt à travailler avec Tokyo pour approfondir le consensus politique conclu par nos dirigeants et construire des relations militaires solides et durables » a déclaré Wei Fenghe.

Après quoi Taro Kono a glosé sur la « nouvelle phase des relations de défense, condition de la paix et de la stabilité régionales ».

En ligne de mire de l’année du Rat, la prochaine visite de Xi Jinping au Japon. 12 ans après celle de Hu Jintao qui marqua un apaisement inédit de la relation (lire : Chine - Japon. Un remarquable exercice de tolérance diplomatique.) avant qu’elle se crispe à nouveau deux années plus tard, le Président chinois ambitionne d’inaugurer une nouvelle phase de l’histoire sino-japonaise, par un « 5e document conjoint », faisant suite au « 4e », signé en 2008, entre Hu Jintao et Yasuo Fukuda.

L’intention de Xi Jinping, dont les chances de réussite sont minces, compte tenu de la somme des contentieux non apaisés, est d’embarquer Tokyo, sous le nez de Washington, dans ses projets à vocation planétaire visant à promouvoir « une communauté humaine partageant le même avenir - 推动构建人类命运共同体- »


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