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›› Politique intérieure

Congrès du Parti. Ruades militaires et perspectives pour la CMC

Liu Yazhou 刘亚洲, 60ans, le Général écrivain aux idées iconoclastes.

Né en 1952, dans l’Anhui, et entré dans l’APL à 16 ans, le Général Liu est le Commissaire politique de l’Université de la Défense Nationale. Gendre de l’ancien président de la République (1983 – 1988), Li Xiannian, qui fut également Commissaire Politique de l’APL et ministre de la défense, Liu Yazhou n’est pas seulement connu pour ses fonctions à l’UDN qu’il occupe après avoir été Commissaire Politique adjoint de l’Armée de l’air, puis Commissaire Politique de la RM de Chengdu.

En Chine, il est aussi célèbre pour ses romans, dont certains paraissaient faire l’apologie de la démocratie à l’occidentale, et surtout pour ses déclarations fracassantes ciblant directement les lacunes de l’état de droit, l’autocratisme opaque du parti unique, la corruption généralisée y compris dans l’APL, les prébendes, le favoritisme et les trafics d’influence. Lire aussi Le Parti est-il prêt pour une plus grande ouverture politique ?. Maîtrisant bien l’Anglais, à la suite d’un séjour à Stanford aux Etats-Unis, comme lecteur au département des études asiatiques, il est aussi très influencé par les idées libérales.

Le fait que, malgré ses prises de position radicalement critiques, Liu Yazhou n’ait jamais été inquiété en dit long sur l’effervescence politique qui règne dans les hautes strates du pouvoir. Le journal du Parti « Qiushi », cité par John Mulvenon dans le n°39 de China Leadership Monitor, lui avait même ouvert ses colonnes en 2004, pour un article, où il expliquait que la corruption était consubstantielle du système qui l’encourageait.

L’analyse était une charge impitoyable et sans concession sur le fonctionnement trouble de l’armée et du Parti, peuplés de courtisans et de chapelles, tous solidaires et secrets, qui sont autant d’obstacles à la compétition transparente pour la sélection des meilleurs. Pour finir, il appelait à la promotion de la démocratie, dont il considérait qu’elle était le seul moyen de progresser vers l’excellence.

Encore plus sensible, Mulvenon signale aussi quelques prises de position de Liu sur les relations entre l’armée et le Parti, n’hésitant pas à réveiller le traumatisme de Tian An Men. Il cite à cet égard, un article de Liu, publié en 2009 dans « l’Open Magazine » de Hong Kong, dans lequel le Général disait approuver les généraux Xu Qinxian et He Yanran qui avaient refusé d’ouvrir le feu sur les manifestants le 4 Juin 1989.

A l’occasion, cependant, le Commissaire politique de l’UDN, qui ne se prive pas de critiquer l’entrisme militaire américain sur les marches immédiates de la Chine tout en conseillant un rapprochement avec le monde arabe, ne manque pas de se repositionner dans l’axe du pouvoir.

C’est bien ce qu’il a fait à propos de l’affaire Bo Xilai, quand en avril 2012, il a publié, toujours dans le journal du Parti, un article intitulé : « Promouvoir le renforcement de la conscience politique, tenir compte de la globalité des situations et faire preuve de discipline », dans lequel il écrivait « l’esprit immuable de l’APL a toujours considéré que le Parti devait commander à l’armée ».

Les autres récents bénéficiaires d’une troisième étoile n’ont pas la même faconde que Liu Yazhou. Parmi eux, le Général, Wang Jianping, 王建平, 59 ans, Commandant la Police Armée Populaire (PAP), est le seul officier des forces promu dans cette fournée. Il est membre non permanent du Comité Central depuis 2007 et a longuement commandé la PAP au Tibet. Les quatre autres sont des généraux politiques.

Il s’agit de Du Jincai, 杜金才, 60 ans, Xu Yaoyuan, 许耀元, 60 ans, Tian Xiusi, 田修思, 62 ans et Du Hengyan, 杜恒岩, 61 ans. Ils sont respectivement n°2 du Département Général Politique de l’état-major, commissaire politique de la PAP, et Commissaires Politiques des RM de Chengdu et Jinan. Parmi eux, seul le général Tian Xiusi, commissaire politique de la RM de Chengdu depuis 2009, est membre permanent du Comité Central (2007). En théorie, il est donc le seul à être éligible à la Commission Militaire Centrale.

Général Liu Yuan 刘源, 61 ans, le fils radical de Liu Shaoqi.

Déjà promu 3 étoiles en 2009, membre du Comité Central depuis 2007, et Commissaire politique du Département logistique de l’Etat-major, le Général Liu, entré au Parti à 31 ans et dans l’armée 10 ans plus tard, s’est aussi récemment signalé pour son franc-parler contre la corruption des cadres.

A la fois nationaliste et très anti-américain, lui, dont le père Liu Shaoqi, martyrisé par Mao pendant la révolution culturelle, en même temps que sa mère Wang Guangmei, a, pourtant, à l’occasion, et contre toute vérité historique, fait l’éloge de « l’esprit démocratique » qui régnait au Parti dans les premières années du Maoïsme.

Le courant politique dans lequel évolue Liu Yuan a été baptisé « Nouvelle démocratie ». Selon Mulvenon, il rassemble aussi le Général Liu Weiwei, n°2 de l’Académie des Sciences Militaires, le Général Zhu Chenghu (Université de la Défense Nationale), auteur en 2005 d’une menace nucléaire contre les Etats-Unis si ces derniers attaquaient la Chine, le vétéran Hu Guangzheng, et Qiao Liang, co-auteur avec Wang Xiangsui de « la guerre hors limites » (1999) (fichier pdf),

12 années avant le 11 septembre, ces deux officiers de l’armée de l’air théorisaient les guerres asymétriques, du faible au fort dans lesquelles tous les moyens sont autorisés et légitimes – non seulement diplomatiques, économiques, commerciaux, mais également ceux qui contreviennent au droit international et aux lois de la guerre comme le terrorisme de masse contre des populations civiles -.

Depuis 2007, ce groupe de penseurs militaires rejette l’idée d’une démocratie à l’occidentale, selon eux génératrice de conflits par la compétition politique qu’elle induit. A cette occasion le mouvement s’est rapproché de la « 3e voie », proposée par Bo Xilai à Chongqing, prônant une « démocratie nouvelle, à la chinoise », théorisée par Mao, dans certains de ses écrits d’avant la conquête du pouvoir. Ce dernier faisait l’apologie, non pas de la lutte des classes, mais du consensus entre « le prolétariat ouvrier », les « paysans », la « petite bourgeoisie » et les « capitalistes d’état ».

Le tout, au nom de la lutte contre l’occupant japonais et, surtout, des « trois principes du Peuple » de Sun Yat Sen. Il est évident que la référence au Père de la révolution de 1911, présente, de surcroît, l’avantage d’un appel aux « compatriotes taïwanais » du KMT, dont les références politiques originelles identiques constitueraient, selon les théoriciens chinois, un terrain favorable à un consensus réunificateur et en tous cas une base de départ pour des négociations politiques avec Taipei.

Les théoriciens de l’APL sont d’autant plus intéressés par la question que, depuis des lustres, la réunification avec l’Ile constitue l’un des ferments du nationalisme militaire, tandis que la dissuasion armée qui vise à tenir à distance toute tentative séparatiste, est l’épine dorsale de la modernisation de l’APL.

Il reste que l’ouverture ainsi proposée ignore dangereusement qu’à Taïwan le concept politique en vigueur est bien celui de la démocratie à l’occidentale et non pas celui de la « nouvelle démocratie » de Liu Yuan et de ses amis. Lire aussi : Chine – Taïwan dialogue politique. Dialogue de sourds sur un terrain miné.

Enfin, Liu Yuan se donne des allures de justicier impitoyable et sans états d’âme - « la lutte contre la corruption dans l’APL est un affaire de vie et de mort. Je préfèrerais perdre mon poste que de renoncer au combat. Je le poursuivrai, quels que soient les risques et les obstacles » -.

C’est avec cet état d’esprit qu’il fut, en janvier 2012, directement à l’origine de la mise en accusation de son chef direct, le général Gu Junshan, 56 ans, chef du département de Logistique, impliqué depuis plusieurs années dans une vaste affaire de corruption immobilière, avec son jeune frère à la tête d’une agence de développement immobilier au Henan.

Liu Yuan pourfendeur des corrompus, proche de Xi Jinping.

Sur le fond, l’approche franchement iconoclaste du Général Liu Yuan va même jusqu’à envisager de remettre en cause l’obédience inconditionnelle à la pensée de DengXiao Ping. Par là, il suggère que la référence au patriarche est de nature à fermer le débat politique et la cause de la faiblesse des avancées idéologiques durant les périodes Jiang Zemin – Hu Jintao.

Son appel à plus d’échanges de vues et à une plus grande liberté d’expression s’inscrit dans la démarche réformiste prônée par beaucoup, de Wen Jiabao à Li Keqiang et Li Yuanchao, en passant par Wang Yang. S’il est vrai que Leur objectif n’est pas de remettre en cause le magistère du Parti, il vise au moins à installer plus de transparence et plus de compétition interne, pour au moins garantir la qualité du recrutement des hautes strates du Régime.

Il reste que la thèse politique qui rapproche Liu Yuan de la mouvance néo-maoïste sent le souffre. Cette proximité aurait déjà coupé les ailes de quelques prétendants à la CMC comme Zhang Haiyang, Commissaire politique de la 2e Artillerie (Forces nucléaires stratégiques), dont la famille, proche de Bo Xilai, avait des intérêts d’affaires à Chongqing qui profitèrent de la campagne très discriminée de l’ancien SG contre les mafias. Le général Zhang Youxia, Commandant la région militaire de Shenyang, candidat pour la CMC est également accusé d’avoir évolué dans la mouvance de la famille Bo.

Mais ces généraux de l’APL, victimes collatérales du scandale Bo Xilai, n’avaient ni la probité morale, ni la protection occulte du futur Secrétaire Général Xi Jinping, qui considère Liu Yuan comme un de ses plus solides appuis dans l’armée. Lire : Branle bas de combat au cœur du Parti

Le fait est que Xi et Liu ont souvent avancé les mêmes références maoïstes révolutionnaires des années 40, comme symbole de la pureté non corrompue du Parti des origines, dont les luttes internes impitoyables sont cependant édulcorées. Lire : Schizophrénie maoïste.

Le discours narratif qui manipule la pensée de Mao, est à l’évidence un effort pour retrouver des repères démocratiques non occidentaux acceptables en cette période de désarroi idéologique, où la mouvance populiste continue à dénoncer violemment les dérapages affairistes et la corruption, tout en rejetant les solutions démocratiques à l’occidentale.

Hormis cette préférence pour une troisième voie politique non occidentale, un autre terrain d’entente entre Liu et le futur Secrétaire Général Xi Jinping est que le fils de Liu Shaoqi n’a – contrairement à Liu Yazhou qui se plait à évoquer les désobéissances militaires à Tian An Men - jamais exprimé le moindre doute sur la nécessité de l’allégeance de l’APL au Parti, en échange d’un minimum d’autonomie sur les questions de défense.

Mulvenon souligne que cette connivence pourrait conduire la nouvelle direction du Régime à impliquer plus l’APL dans la définition des stratégies du Parti à l’intérieur, comme à l’extérieur, domaines où beaucoup de militaires pensent que son influence a été brimée dans la période Jiang – Hu.

Il restera à vérifier si la proximité entre les deux hommes n’entraînera pas la Chine vers plus de crispation antioccidentale, portant le risque de durcissement contre la présence militaire américaine, sur le théâtre Taïwanais et sur les approches maritimes orientale et méridionale de la Chine, lieux de fortes tensions nationalistes.


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